par Farida Tahar | 9 septembre 2021 | Discriminations et égalité des chances, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires
« Vous sachant attentif à la lutte contre les discriminations, je souhaiterais faire le point sur cette question fondamentale et rappeler quelques constats. Selon les chiffres de l’aperçu conjoncturel de l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse paru en juillet, le nombre de demandeurs d’emploi inoccupés ainsi que le nombre de pertes d’emploi, résultant notamment des faillites, augmentent. Parallèlement, le nombre d’emplois vacants croît également.Nous savons que l’ampleur des discriminations en matière d’emploi et d’embauche reste alarmante. En 2020, 300 signalements ont été recueillis à Bruxelles par Unia, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes et le service anti discrimination d’Actiris, et ces chiffres ne sont que le sommet de l’iceberg.Ces dernières années, la Région bruxelloise a mis en place des outils spécifiques de lutte contre les discriminations, mais ceux-ci peinent à avoir un impact réel. Parmi ces outils, il y a bien sûr l’ordonnance testing, visant à lutter contre les discriminations en matière d’emploi en Région de Bruxelles-Capitale, et dont nous avons déjà maintes fois débattu au sein de cette commission. Rappelons que l’ordonnance testing donne la possibilité à la direction de l’inspection régionale de l’emploi (IRE) de mener des tests de discrimination, sous la forme de tests de situation ou d’appels mystères. Cependant, le recours à ces tests reste assez anecdotique.De nombreuses pistes visant à rendre le texte plus effectif existent déjà. Des analyses et des arguments ont été formulés par Unia en vue d’une révision de l’ordonnance. Il s’agit précisément d’élargir le recours aux tests, par exemple en utilisant davantage l’exploration de données (data mining) afin de permettre à l’IRE de procéder à des tests sectoriels ciblés, visant les secteurs d’activités les plus sujets à des faits de discrimination.Vous venez encore d’expliquer toute l’importance de la politique d’ouverture des données (open data). Je vous sais sensible, comme moi, à la possibilité de réviser cette ordonnance testing.
Dans vos précédentes réponses, vous avez déclaré qu’il fallait avant tout que cette ordonnance testing fasse l’objet d’une évaluation et que ce travail était en cours, notamment en collaboration avec votre collègue Mme Ben Hamou.
Où en est exactement cette évaluation? Pouvez-vous nous en dire plus sur ses modalités? Quel organisme a été chargé de l’évaluation et avec quels objectifs? Comment les organisations expertes en matière de lutte contre les discriminations sont-elles concrètement associées à cette évaluation? Quand pouvons-nous nous attendre à recevoir les conclusions de cette évaluation?
En mai dernier, à la suite d’une interpellation en commission, vous faisiez également mention de l’évaluation de l’ordonnance testing et pointiez déjà quelques pistes en vue de rendre cet outil plus efficace. Parmi celles-ci figurait le dialogue engagé avec le niveau fédéral sur les possibilités de développer l’exploration des données (data mining) à des fins de lutte contre les discriminations. Où en sont aujourd’hui ces réflexions avec vos homologues au niveau fédéral? Comment la direction de l’inspection régionale de l’emploi et les autres acteurs de la lutte contre les discriminations comptent-ils se servir de ces indices?Ma question date de septembre et, entre-temps, la déclaration de politique générale et l’analyse des budgets ont été présentées. Je voudrais donc rappeler que M.le ministre-président a lui-même énoncé dans sa déclaration, d’une part, que la portée dévolue à la lutte contre la discrimination à l’embauche par l’ordonnance serait améliorée pour faciliter l’application des tests et, d’autre part, qu’un suivi sectoriel des phénomènes discriminatoires basé sur des études académiques périodiques de grande ampleur serait mis en œuvre. Les suivis sectoriels serviront-ils à motiver des tests de discrimination sectoriels plus préventifs? Il s’agit d’une des recommandations formulées par Unia. Pouvez-vous nous en dire plus sur les suggestions du professeur Baert, mentionnées dans le cadre des analyses budgétaires?Quels autres constats ont été faits dans le cadre de la révision de l’ordonnance testing? Avez-vous rencontré d’autres académiques, des professeurs de l’ULB ou de la VUB travaillant sur ces questions? »
Voici la réponse :
M. Bernard Clerfayt : Nous partageons tous la volonté de nous attaquer efficacement aux importants phénomènes de discrimination présents sur le territoire bruxellois. Ces discriminations touchent de nombreux secteurs: pas seulement l’emploi, mais aussi le logement, la vie sociale… C’est très interpellant.Si c’est inacceptable, c’est aussi illégal et fermement condamné par le texte de l’ordonnance. La grande difficulté consiste toutefois en l’apport de preuves permettant d’aboutir à une sanction. C’est le sujet du débat. Nous avons été pionniers en la matière, mais, quelques années plus tard, les résultats restent décevants. Les éléments de preuve dont nous disposons ne permettent pas d’opérer un effet levier suffisamment important dans cette lutte contre les discriminations.[129]Nous avons donc décidé d’évaluer l’ordonnance testing du 16novembre 2017. Pour cela, nous avons lancé un marché public avant les vacances parlementaires et avons sélectionné le centre de droit public de l’ULB pour mener ce travail. Cette étude sera conduite par M.Jean-François Neven, qui avait d’ailleurs été auditionné par le parlement avant qu’on ne mette en œuvre les tests de discrimination, et Mme Sophie Gérard. Cette étude a reçu un cadre assez large dans la mesure où nous leur avons demandé d’apporter un éclairage juridique sur les possibilités d’étendre le mécanisme des tests de discrimination tel que prévu dans la déclaration de politique régionale. Nous avons aussi demandé que cette évaluation s’intéresse à la protection des inspecteurs de l’inspection générale de l’emploi qui réalisent des tests et à l’étendue exacte des compétences régionales. Les inspecteurs sont des travailleurs qui doivent être protégés, car nous leur demandons de commettre un faux, ce qui n’est pas habituel pour des fonctionnaires, et ce qui est pénalement répréhensible. Le cadre dans lequel le faux est commis doit donc être clairement organisé pour qu’on ne puisse pas se retourner contre eux.Enfin, l’évaluation vise également à formuler des propositions de modification de l’ordonnance, afin de clarifier et d’améliorer son cadre juridique pour la rendre plus efficace, intention partagée par tous les intervenants aujourd’hui.Cette évaluation s’intéresse à la doctrine et à la jurisprudence sur le sujet, mais est également basée sur des entretiens avec toutes les parties prenantes, comme Unia, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, la direction de l’inspection régionale de l’emploi mais également l’auditorat du travail de Bruxelles car, si sanctions pénales il y a, les dossiers élaborés peuvent ou doivent, dans certains cas, être envoyés à l’auditorat du travail. L’auditorat du travail prendra en charge ces dossiers et pourra prononcer des sanctions. Le rapport final est attendu pour le dernier trimestre de l’année, c’est-à-dire dans les semaines prochaines.Cette évaluation juridique fait partie des réflexions plus larges, menées par mon cabinet et la direction de l’inspection régionale de l’emploi, en vue de rendre le dispositif plus efficace. Dans ce cadre, nous avons tenu des réunions de coordination et de collaboration, durant l’année 2021, entre l’inspection régionale de l’emploi et Unia, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, ou encore Actiris.En termes d’amélioration, l’inspection régionale de l’emploi devrait bientôt pouvoir bénéficier de l’appui d’Actiris afin de produire des CV -pour les CV anonymes-, en vue d’effectuer des tests de situation. J’ai demandé que des signalements provenant du service antidiscrimination d’Actiris Inclusive soient transmis à la direction de l’inspection régionale de l’emploi, pour pouvoir mener les tests de manière optimale. J’attends un accord du comité de gestion d’Actiris, qui doit prendre une décision à cet égard.En ce qui concerne l’exploration de données (data mining) en vue de lutter contre la discrimination, un rapport d’Unia de fin 2020, encore disponible sur leur site, recommandait le recours à ce procédé. Nous avons tenu des réunions avec l’inspection régionale de l’emploi, l’Inspection fédérale de l’emploi et Unia. Dans ce cadre, un accord de collaboration entre les services d’inspection est en cours de rédaction afin de construire et institutionnaliser une collaboration, notamment en matière de discriminations, mais surtout afin de permettre l’échange de données entre ces services.Dans le débat précédent relatif aux données ouvertes et à la réutilisation des informations du secteur public, vous avez tous porté une attention particulière à la protection des données à caractère individuel. Si l’on fait de l’exploration de données sur la base de données relevant de l’Office national de sécurité sociale, il s’agit d’exploiter des données individuelles. Il convient donc d’instaurer un instrument juridique pour encadrer cet échange de données individuelles entre les services de l’inspection fédérale et de l’inspection régionale, dans le respect du règlement général sur la protection des données.Si nous exploitons des données individuelles et que nous arrivons dans une entreprise, une organisation pour les questionner sur un cas concret, cela touche directement aux données individuelles de personnes physiques. Il faut donc bien encadrer cet échange.L’exploration de données n’est pas un outil miracle -tout comme les tests-, il s’agit de chercher des indices d’une infraction à l’ordonnance relative à la discrimination. Cependant, cela ne fait pas office de preuve: ce ne sont que des moyens de sélectionner les circonstances, les organisations, les endroits dans lesquels nous devons effectuer des recherches, pour ensuite tenter de prouver l’existence d’une discrimination à l’embauche. Ces données sont ensuite reprises dans un procès-verbal que dresse l’inspection de l’emploi -au niveau régional ou fédéral-et qui peut faire l’objet d’un traitement judiciaire. Dès lors, il faut que les circonstances du procès-verbal correspondent aux exigences que pose la justice, afin de pouvoir prendre des décisions de sanctions.Il s’agit donc d’une situation juridiquement complexe, même si la volonté d’avancer dans cette direction est bien là. C’est pourquoi j’ai indiqué -et le ministre-président l’a rappelé dans son exposé lors des discussions budgétaires-que nous allions certainement nous orienter vers des contrôles sectoriels, afin de travailler en coopération avec les secteurs professionnels et, surtout, de chercher à connaître les secteurs dans lesquels les phénomènes de discrimination seraient les plus présents. L’objectif est de mieux orienter le travail de l’inspection régionale de l’emploi. Il ne faut pas travailler tous azimuts, mais aller voir là où on peut présumer que les problèmes sont les plus graves et exigent une intervention plus forte. Cela se fonde sur l’examen de ces problèmes et discriminations par des recherches scientifiques.
Zo zijn er de onderzoeken van professor Stijn Baert van de Universiteit Gent. Hij is econoom en arbeidsmarktdeskundige en heeft veel aanbevelingen geformuleerd voor het Vlaams Parlement. Il est très réputé dans son domaine et réalise beaucoup d’études scientifiques sur les critères de discrimination. Quand on cite l’exemple de la ville de Gand, on se réfère souvent à ses travaux.Le professeur Baert a recommandé, en Flandre, des contrôles sectoriels. Il serait peut-être intéressant de l’auditionner ici. Il est assez critique scientifiquement sur la pertinence des tests individuels en entreprise. Il estime en effet que lors de l’envoi de deux CV anonymes dans une entreprise, la différence de traitement ne prouve pas suffisamment la discrimination à l’embauche, tant d’autres paramètres peuvent l’expliquer. Selon lui, il faudrait faire 25 ou 30 fois le même test de discrimination dans la même entreprise pour prouver scientifiquement la discrimination. Ceux qui parlent le néerlandais peuvent peut-être retrouver sa présentation Powerpoint faite au parlement flamand.J’attends l’évaluation juridique, mais la recommandation serait de faire des contrôles sectoriels en impliquant les secteurs professionnels. Le but serait de construire avec le patronat des stratégies de lutte contre les discriminations. La possibilité de tests proactifs figure clairement dans la déclaration de politique régionale. J’attends l’avis des juristes à qui nous avons confié l’évaluation de la mesure, laquelle pose évidemment la question de la provocation.Comparaison n’est pas raison, mais nous avons beau savoir avec certitude que des trafics de drogue ont lieu dans les quartiers et que de petits trafiquants traînent au pied des immeubles, cela ne nous permet pas d’affirmer que tous les groupes de jeunes sont composés de dealers. Cela ne justifie pas non plus que la police les harcèle systématiquement en leur demandant de vider leurs poches, sous prétexte que, statistiquement, 80% d’entre euxseraient des trafiquants. Il est difficile d’élaborer une stratégie à la fois efficace et juste, sur le plan juridique, pour éradiquer le phénomène inacceptable de la discrimination.S’agissant du recours aux associations, nous travaillons uniquement avec Unia et l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH), avec lesquels nous avons signé une convention. Tous les cas signalés sont soumis à leur expertise. C’est avec eux que nous élaborons notre stratégie, que nous traitons les 300 signalements et la cinquantaine de cas, et que nous orientons les interventions, soit vers une résolution spontanée des conflits par la médiation, soit vers les tests. Les résultats obtenus sont globalement satisfaisants.Quant au personnel disponible, lorsque le dispositif a été lancé, en 2018-2019, mon prédécesseur, M.Gosuin, avait pris les devants. Sept membres de la direction de l’inspection régionale de l’emploi ont été formés pour réaliser les tests. Le personnel est donc suffisant. Le nombre de signalements et leur traitement par Unia et l’IEFH nous permettent de penser que les tests sont la bonne méthode. Nous travaillons activement, avec des professionnels, pour essayer d’améliorer l’efficacité de cette méthode de preuve de la discrimination. Cela ne nous empêche pas de vouloir en développer d’autres, notamment le travail sectoriel. J’espère pouvoir revenir vers vous prochainement avec des améliorations en matière de lutte contre la discrimination à l’embauche. C’est en tout cas notre programme de travail pour 2022.
Le compte-rendu intégral de la commission est disponible ici : http://weblex.irisnet.be/data/crb/biq/2021-22/00035/images.pdf
par Farida Tahar | 10 août 2021 | Emploi et formation, Parlement Bruxellois
Voici le compte-rendu de mes questions et réponses du Ministre à ce sujet ;
Un an après la réforme du dispositif article 60, je souhaite vous interpeller sur son état d’avancement. Une partie de l’enveloppe d’environ 53 millions d’euros prévue en 2021 pour des mesures de soutien à l’emploi servira à renforcer le dispositif article 60. Ce renforcement prendra la forme d’une augmentation du nombre de postes sous contrat article 60, notamment pour les entrepreneurs bruxellois victimes de faillites. Dans ce cadre, 2.250.000 euros seront destinés aux nouveaux postes article 60 pour les indépendants et une enveloppe budgétaire de 900.000 euros est prévue pour le renforcement et l’encadrement de ces mises à l’emploi.Ces allocations budgétaires remettent un coup de projecteur sur le dispositif d’insertion socioprofessionnelle. Les contrats article 60 sont des contrats à durée déterminée proposés par les CPAS à leurs allocataires, afin de leur donner l’opportunité d’obtenir ou de retrouver leur droit au chômage et de reprendre pied sur le marché du travail par une expérience professionnelle. En 2019, votre prédécesseur, M. Gosuin, a entamé une réforme de ce dispositif. L’ordonnance du 28 mars 2019 – que le groupe Ecolo avait largement soutenue à l’époque – met en place un cadre régional reconnaissant légalement les missions d’insertion socioprofessionnelle des CPAS. L’ordonnance vise également l’harmonisation des pratiques des dix-neuf CPAS bruxellois et le renforcement du volet qualitatif du dispositif, notamment les aspects relatifs à la formation.L’arrêté d’exécution de cette ordonnance a été publié le 23 mai 2019, pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2020. Dans sa déclaration de politique régionale (DPR), le gouvernement prévoit bien de poursuivre cette réforme. La lettre d’orientation qui accompagne les documents budgétaires de 2021 précise notamment que le travail de réforme du dispositif article 60 sera poursuivi cette année.
Disposez-vous de chiffres sur le dispositif des emplois d’insertion à Bruxelles ?
Combien de personnes sont actuellement employées sous contrat article 60 ? Disposez-vous de chiffres ventilés par utilisateurs internes et externes des services des CPAS ?
Disposez-vous de leur répartition genrée ?
Des statistiques sur la réinsertion professionnelle des personnes ayant bénéficié d’un contrat article 60 existent-elles, y compris en fonction de l’utilisateur interne ou externe et du genre du travailleur ?J’aimerais également vous interroger sur l’avancement de la mise en œuvre des différents axes de la réforme.
Quel rôle joue Actiris dans le suivi, le soutien et le contrôle de la mise en application de la réforme ? Quels retours avez-vous des CPAS et des partenaires sociaux au sujet de la réforme ? Quel bilan faites-vous de l’harmonisation des pratiques des dix-neuf CPAS bruxellois en matière d’emploi d’insertion ?
L’article 8, § 4, de l’arrêté du 23 mai 2019 stipule que « la rémunération appliquée ne peut être inférieure à la rémunération minimum applicable en exécution de la circulaire du 28 avril1994 relative à la charte sociale applicable aux pouvoirs locaux ». Le barème minimum appliqué aux emplois d’insertion a été rehaussé au niveau du barème minimum des pouvoirs locaux.Il est très positif que ce seuil ait été revu. Comment cette disposition est-elle appliquée ? Le barème minimum appliqué est-il bien le même dans tous les CPAS ? Cette disposition fait-elle l’objet d’un contrôle spécifique ? Si ce seuil est une première avancée, l’objectif à viser reste la mise en place, dans le cadre des emplois d’insertion, d’une référence salariale barémique en fonction des tâches et des types de postes. Une réflexion est-elle entamée dans ce sens ? Quels sont les obstacles à l’utilisation d’une telle référence barémique ?
L’arrêté d’exécution prévoit à l’article 7 que la Région, en concertation avec Actiris et les CPAS, établira des modèles de convention de mise à disposition et de plan d’acquisition de compétences. Où en sont ces modèles ?Je ne vais pas lire les questions sur le volet accompagnement et formation, vous les avez reçues et je ne doute pas que vous y avez été attentif. Est-il prévu d’évaluer le dispositif dans le courant de cette législature ? Un calendrier a-t-il été fixé ? Qui sera chargé de réaliser cette évaluation ?
M. Bernard Clerfayt : Mme Tahar, je vous remercie pour votre question, qui m’offre l’occasion de faire le point sur une réforme importante.Comme vous l’avez rappelé, celle-ci a été engagée par mon prédécesseur, le ministre Gosuin, à la fin de la législature précédente. Sa mise en œuvre s’est donc imposée à moi dès mon entrée en fonction.La volonté était d’harmoniser les pratiques des différents CPAS en matière de recours à cette disposition de la loi sur les articles 60 pour mettre au travail des personnes en recherche d’emploi et leur permettre ainsi de retrouver les droits sociaux dont bénéficient les demandeurs inscrits à l’ONEM.Il ne s’agit pas seulement de transférer une charge, mais également de rendre tous les droits liés à la reconnaissance des droits sociaux de tout citoyen inscrit en tant que chômeur complet indemnisé. C’est par ailleurs un aspect important en matière de stratégie d’émancipation de ces personnes : retrouver des droits pleins et entiers.Une autre ambition était de veiller à accroître les qualifications de ces personnes à l’issue des mois – voire des années – durant lesquels celles-ci étaient placées sous le statut de l’article 60.Notre constat était que ce statut pouvait dans certains cas se rencontrer dans le cadre de certaines fonctions publiques ou parapubliques, tandis que les personnes concernées ne tiraient pas profit de cette période pour améliorer leurs qualifications professionnelles et se rapprocher ainsi du marché de l’emploi,avec de plus grandes chances d’obtenir un emploi dans une autre structure que celle dans laquelle ils avaient travaillé de nombreux mois sous le statut de l’article 60.Deuxièmement, cette ordonnance a bénéficié d’un soutien politique considérable, avec de fortes ambitions. Elle est très largement partagée et cela me paraît un élément particulièrement positif. Il s’agit d’une heureuse réforme, non conflictuelle et assise sur un vaste socle de volonté politique.
Malheureusement, il faut reconnaître que le contexte de crise a quelque peu bouleversé la manière dont les CPAS sont amenés à mettre en œuvre cette réforme. La crise sanitaire entraîne de nombreux retards et difficultés liés à l’état actuel du marché de l’emploi. Je n’ai pas de réponses à vos dernières demandes d’informations statistiques. Si vous posez des questions écrites, je veillerai à vous fournir les informations que je pourrai récolter.Les dernières données d’Actiris dont je dispose sur le nombre de personnes employées sous contrat article 60 datent du 30 novembre 2020. À cette date, le dispositif concernait 4.987. travailleurs, à savoir 2.707 femmes et 2.280 hommes, soit une proportion d’environ 55/45 %.Actiris ne collectant pas de données concernant les ventilations par utilisateur externe, je vous invite à adresser vos questions à cet égard aux ministres compétents de la Cocom, qui ont la tutelle sur les CPAS. En 2020, view.brussels – le bureau d’études d’Actiris – a réalisé une étude longitudinale sur des cohortes d’individus sortis d’un emploi dit article 60 en 2016 et 2017 afin de déterminer les effets de ce dispositif. Ce suivi, qui concernait 2.172 personnes en 2016 et 2.696 en 2017, permet une ventilation des données en fonction du sexe ou genre des bénéficiaires, mais pas d’identifier le type d’utilisateur. Sur la base de ces cohortes, deux catégories d’informations différentes mais complémentaires peuvent être retenues pour déterminer l’incidence du dispositif sur la réinsertion socioprofessionnelle de ses bénéficiaires.La première information concerne le taux de sortie vers l’emploi.Cet indicateur représente la proportion de sorties vers un emploi par rapport au nombre total de personnes ayant terminé la période article 60 Actiris retient ici le taux de sortie vers l’emploi des individus ayant été employés trois mois consécutifs, car ce public illustre davantage une insertion durable dans le domaine de l’emploi.Le taux de sortie vers l’emploi après trois mois s’élevait à 36 % – soit 780 personnes sur 2.172 – en 2016 et à 34 % – soit 922personnes sur 2.696 – en 2017. En d’autres termes, un bon tiers des citoyens article 60 est employé pour trois mois après trois mois d’inactivité.Si nous examinons la manière dont ce taux se présente en fonction du genre des sortants, nous remarquons que les hommes affichent un taux de sortie vers l’emploi plus élevé que celui des femmes. Pour les hommes, ce taux est de 38 % en 2016 et de 35 % en 2017, alors qu’il n’est que de 33 % pour les femmes sur les deux années. La différence n’est pas énorme mais elle est tout de même interpellante. La seconde information disponible fournit plutôt une photographie de la situation à un instant T, dans le sens où elle indique la position socio-économique dans laquelle se trouvent les anciens travailleurs sous contrat article 60, paragraphe 7,douze mois après leur sortie du dispositif. Sur l’ensemble des sortants de l’article 60 en 2016, 24 % étaient en emploi douze mois plus tard, contre 25 % en 2017.En 2016, les 2.172 sortants se répartissent comme suit : 1.317hommes et 855 femmes. Parmi eux, 25 % des hommes se trouvent en emploi, contre 23 % du côté des femmes, douze mois après la fin du contrat. La différence est marginale mais bien réelle. En 2017, les 2.696 sortants sont composés de 1.576hommes et de 1.120 femmes. Parmi eux, 26 % des hommes sont en emploi douze mois plus tard, contre 24 % des femmes. La différence est, une fois de plus, assez légère.
Statistiquement, la fréquence à laquelle les hommes trouvent un emploi est donc légèrement supérieure à celle observée chez les femmes. Les données ne permettent cependant pas d’interroger la qualité de l’emploi, notamment du point de vue de sa durée,de sa rémunération ou encore de la nature de la fonction exercée.1173S’agissant du rôle d’Actiris dans la mise en œuvre de la réforme,de nombreuses rencontres ont eu lieu entre le département partenariats d’Actiris et les secrétaires et responsables des services d’insertion socioprofessionnelle (ISP) de chacun des dix-neuf CPAS bruxellois entre juillet et octobre 2019. Des réunions techniques – notamment en vue de finaliser la réforme -se sont tenues fin décembre 2019. Cette réforme a donc engendré un important travail de concertation entre les CPAS, mon cabinet et Actiris en vue de finaliser les documents à utiliser pour chaque contrat, ainsi que les modalités de paiement des nouvelles primes. Dans le cadre de l’arrêté du 23 mai 2019, Actiris a joué plusieurs rôles dans la mise en œuvre et le suivi de cette réforme, à commencer par un rôle de financement, par le paiement de la prime de 350 euros par poste article 60 aux CPAS, qui consiste en un soutien financier à la gestion administrative et sociale de l’emploi d’insertion tel que stipulé par l’article 19 de l’arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale (AGRBC). Actiris joue également un rôle de contrôle, par l’approbation des rapports annuels à transmettre par les CPAS, un rôle de gouvernance – par sa participation au comité de suivi instauré par l’arrêté du gouvernement – ainsi qu’un rôle d’appui technique et de soutien aux CPAS, par la réponse apportée aux nombreuses questions techniques spécifiques envoyées sur une adresse générique, ainsi que par l’instauration d’une foire aux questions pour le suivi de ces dossiers durant la crise sanitaire. Un véritable travail d’accompagnement est donc effectué. Enfin, Actiris joue un rôle de rapportage, par la transmission des informations relatives à la synthèse des rapports annuels des dix-neuf CPAS tel que prévu dans l’arrêté du gouvernement, ainsi qu’un rôle d’avis et de décision, lorsque son comité de gestion analyse les projets concernant la réforme des différents outils de ce mécanisme. Les modèles de documents ont ainsi été soumis au comité de gestion d’Actiris en février et en mai 2020, après concertation avec les CPAS. S’agissant du retour des CPAS, ceux-ci ont été consultés, et dix CPAS sur dix-neuf ont répondu. D’une manière générale, la mise en place de la réforme et la mise en œuvre des outils et des nouveaux modèles de conventions ainsi que le processus de collaboration avec les partenaires s’organisent progressivement.Il s’agit d’une réforme complexe dont la mise en œuvre pose parfois des difficultés. Pour certains CPAS et cellules ISP, on nous rapporte que les agents partagent les objectifs de de cette réforme, tels que l’harmonisation des pratiques ou les meilleures qualifications des personnes engagées sur la base de ces contrats. Les agents saluent cette réforme et sont clairement engagés dans sa mise en œuvre.
Ils accueillent favorablement les nouveaux outils tels que le plan d’acquisition des compétences. Néanmoins, les CPAS indiquent que la mise en œuvre de la réforme a également engendré une surcharge administrative dans un contexte difficile lié à la crise sanitaire. En effet, la mise en œuvre de cette réforme date du début 2020, lors de l’arrivée de cette crise qui a entraîné l’afflux d’un public nouveau pour les CPAS. Il s’agit donc de circonstances assez difficiles et malheureuses pour la mise en œuvre de cette réforme. En outre,l’ampleur des changements exigés par l’arrêté a nécessité des adaptations, des procédures et une information de tous. Un CPAS témoigne également de la volonté de chercher en2021 des formations adéquates pour ce qui est de l’utilisation du plan d’acquisition des compétences. Pour le moment, ce type de formation fait parfois défaut dans l’offre de formation.Vous m’interrogez également sur l’évaluation. Cette dernière me semble prématurée, car il faut d’abord déployer le système. La crise sanitaire ralentit ce déploiement et perturbe sa mise en œuvre par les CPAS. Dès lors, nous ne procéderons certainement pas à une évaluation avant la fin de cette année et même – soyons réalistes – pas avant 2022. Cela dépendra de l’évolution de la situation sanitaire.S’agissant de l’harmonisation des pratiques, le bilan sera réalisé par le comité de suivi. Il est encore trop tôt pour se prononcer,dans la mesure où certains CPAS n’ont pas encore mis en œuvre tous les outils. Par ailleurs, comme je viens de l’expliquer, la crise sanitaire en 2020 a considérablement ralenti la mise en œuvre. En conclusion, la réforme représente indéniablement un pas important dans le processus collectif d’harmonisation des pratiques entre les CPAS. Le simple fait que les CPAS communiquent entre eux et échangent avec Actiris les amène déjà à s’interroger sur telles ou telles pratiques et sur la façon de les faire converger. Ne sous-estimons pas non plus l’important travail de collaboration, de concertation et d’harmonisation effectué au sein des groupes de travail qui réunissent les services d’insertion socioprofessionnelle et les dix-neuf CPAS. Chacun de ces acteurs connaît des réalités et des méthodes de travail différentes,de sorte que tout ce travail prend un certain temps. Enfin, nous constatons une réelle volonté partagée de persévérer dans cette logique d’harmonisation, mais il faudra encore patienter pour pouvoir en observer les effets.
Les deux millions d’euros du plan de relance accordés aux particuliers ne sont pas le seul moyen d’aider les indépendants en difficulté. Je peux comprendre qu’il y ait des indépendants en difficulté qui ne souhaitent pas recevoir d’aide. Néanmoins, l’idée était de permettre aux CPAS de mieux accueillir les indépendants qui avaient fait ce choix-là et de prévoir les moyens budgétaires pour que les CPAS disposent de davantage de formules article 60 qu’ils n’en disposent actuellement.La crise allait en effet amener un surcroît de personnes auprès des CPAS, sachant que ce public des indépendants n’a pas droit au chômage et est confronté à des difficultés particulières. À ce stade, il est beaucoup trop tôt pour disposer de chiffres.Grâce aux mesures du gouvernement fédéral, à savoir le droit passerelle et le chômage temporaire, le nombre de personnes inscrites au chômage et émargeant au CPAS n’a pas été aussi élevé que nous ne le craignions en juillet dernier. Par ailleurs,les CPAS avaient réagi positivement aux mesures de soutien permettant de mieux accueillir une partie d’un public fragilisé
J’ai ensuite répondu à M. Le Ministre ;
Je vous remercie, M. le ministre, pour votre réponse très étayée. J’attendais les chiffres que vous avez cités et continuerai d’attendre ceux dont vous ne disposez pas encore. J’avais bien conscience qu’il était risqué de vous poser une question relative au volet d’évaluation dans ce contexte particulier ayant ralenti le travail d’accompagnement des chômeurs de longue durée.Il se pose aujourd’hui la question des publics qui entrent malheureusement – et malgré eux – en concurrence, à savoir les nouveaux chômeurs, les chômeurs temporaires et les chômeurs de plus longue durée. Nous avons aujourd’hui le sentiment que de nombreux dispositifs sont à l’arrêt, et nous saluons bien évidemment l’ordonnance relative à l’article 60, que tous les partis politiques avaient convenu de soutenir. Vous faites bien de rappeler à quel point il est important de fournir un travail de qualité. Nous avons souvent, et à juste titre, critiqué certains dispositifs d’insertion à l’emploi, non pas pour leur objectif de mise à l’emploi, mais pour leurs conditions précaires. La réforme de cette ordonnance démontre une volonté d’harmoniser les pratiques disparates au sein des CPAS et deviser la qualité.Vous évoquez un taux de 37 %. C’est un bon début, même si j’espère que ce chiffre augmentera et qu’il atteindra au moins la moyenne. Je note également une légère différence en ce qui concerne l’insertion des femmes. Il serait intéressant de comprendre les raisons de ce, qui sont probablement d’ordre privé et familial. Nous devons accorder une attention particulière à l’insertion des femmes, qui composent la moitié de notre société. Je note la volonté des CPAS de se joindre à cette harmonisation. J’interpellerai éventuellement M. Maron pour ce qui concerne la tutelle des CPAS. J’entends qu’il serait inutile de revenir vers vous dans les prochains mois à ce sujet. Je serai patiente et attendrai donc la fin de l’année.
Compte-rendu intégral de la commission disponible ici : http://weblex.irisnet.be/data/crb/biq/2020-21/00079/images.pdf
par Farida Tahar | 18 juin 2021 | Au sénat
✅ C’est voté! 👏
Réoxygéner notre démocratie et réconcilier le citoyen avec le politique, cest possible!
Nous avons proposé une série de recommandations pour y parvenir!
Ce jour, le Sénat de Belgique approuve le rapport d’information sur la nécessaire modernisation de notre système démocratique en complétant la démocratie représentative par une participation accrue des citoyens dans la prise de décisions aux différents niveaux de pouvoir ainsi qu’au sein de la société!
Parmi les mesures que l’on trouve dans ce rapport, on peut citer à titre d’exemples:
– le droit d’initiative citoyenne (déposer des propositions de lois et/ou des amendements);
– les commissions délibératives;
– les budgets participatifs;
– le droit de pétition;
– une assemblée citoyenne tirée au sort au Sénat pour permettre aux citoyens de participer notamment aux futures réformes de l’État;
– etc.
En ma qualité de Présidente de la Commission du renouveau démocratique du Sénat, je suis particulièrement heureuse de ce vote!
Je tiens à remercier les experts et les commissaires (en particulier Rodrigue Demeuse) pour leurs apports constructifs et pertinents tout au long de ce processus qui a duré plus d’un an.
J’exprime également toute ma gratitude aux services du Sénat qui ont notamment élaboré les comptes-rendus de nos travaux en Commission.
Parce que le suivi et l’évaluation des recommandations de ce rapport sont essentiels, je proposerai d’y veiller tout particulièrement et de faire le point avant la fin de notre législature!
▶️ Pour consulter le rapport d’information:
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https://www.senate.be/www/?MIval=%2Fdossier&LEG=7&NR=117&LANG=fr&fbclid=IwAR2bj4Z5-d7oLkA_myjsjhLvPjT3nwtOYduFPD93qppKzz–DlTIdmOBQnM
▶️ Retrouvez quelques éléments de notre interview dans l’article de l’Echo:
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https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/federal/les-solutions-du-senat-pour-redynamiser-la-democratie-belge/10314227.html?fbclid=IwAR22GqOouO6UBY-HNvvAQFmWySawR50NOS4pTZqfUGrac9KrTX-PcQpwdUo