par Farida Tahar | 12 décembre 2021 | Au parlement, Emploi et formation, Non classé, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires
Voici la question parlementaire que j’ai adressée à M. Clerfayt :
« Permettez-moi de revenir, une fois de plus, sur la question de l’application à Bruxelles de l’expérience française des « territoires zéro chômeur de longue durée ». Je vous sais attentif à ce dispositif, même s’il n’incombe pas uniquement à la Région bruxelloise. Pour rappel, ce dispositif concerne la lutte contre le chômage de longue durée et existe en France depuis 2017. Il présente un caractère innovant dans le sens où il renverse l’approche classique de la remise à l’emploi et part des aspirations et des compétences des personnes très éloignées du marché du travail pour créer des emplois manquants à l’échelle locale qui soient à la fois durables et de qualité. Ce mécanisme de création d’emplois s’opère bien évidemment en concertation avec les actrices et les acteurs du tissu socioéconomique local.
Trois principes sous-tendent ce projet. Premièrement, personne n’est inemployable, car chacun dispose d’une expérience et de compétences à valoriser. Deuxièmement, ce n’est pas le travail
qui manque – bon nombre de besoins de la société n’étant pas satisfaits – mais l’emploi. Troisièmement, le financement ne manque pas non plus, parce que le chômage de longue durée entraîne des coûts directs et indirects considérables qui sont assumés par la collectivité. Il est important de rappeler ces trois principes dans le cadre de ce projet.
En tant qu’écologistes, nous sommes convaincus de l’intérêt de tout dispositif qui vise la mise à l’emploi de personnes réellement désireuses de travailler et de chômeurs de très longue durée, qu’il est plus difficile d’insérer sur le marché du travail.
Ce dispositif s’inscrit par ailleurs dans la stratégie bruxelloise de transition économique et environnementale, car il s’appuie sur une logique de localisation de l’emploi, de résilience territoriale et de participation citoyenne, qui remplace celle du « tout au contrôle » dans l’accompagnement individuel des chômeurs. Lors des travaux budgétaires, nous avons constaté qu’aucun montant n’avait été dégagé en 2022 pour la mise en œuvre du projet « Territoire zéro chômeur de longue durée ». Sa mise en œuvre figure pourtant parmi les engagements de la déclaration de politique régionale. Malgré les nombreuses avancées réalisées ces dernières années et les études favorables à l’expérimentation du dispositif, il est difficile de savoir où en est la Région bruxelloise.
Quels sont vos contacts avec votre homologue fédéral, cette compétence étant à cheval entre les niveaux régional et fédéral ? De nouveaux contacts ont-ils été établis en vue de dégager un accord sur le financement du dispositif ? Comme vous l’avez déjà dit plusieurs fois en commission, vous souscrivez à cette expérimentation, mais la Région n’a pas à en supporter le coût. Je suis entièrement d’accord avec vous. Dès lors, quelle est la part de responsabilité du pouvoir fédéral dans l’expérimentation du dispositif ? Quels sont les éventuels obstacles rencontrés dans le cadre de ces négociations ? Une position commune est-elle défendue avec la Région wallonne, qui progresse également en la matière ? Les difficultés de financement actuelles suspendent-elles la mise en œuvre du dispositif en Région bruxelloise ? A contrario, le travail entamé sera-t-il poursuivi en 2022 ?
Qu’en est-il d’éventuelles discussions au niveau local, notamment avec les communes qui seraient intéressées par le dispositif ? Enfin, si ce dispositif ne devait pas voir le jour à Bruxelles – ce qui serait vraiment dommageable -, réfléchissez-vous déjà à d’autres mesures d’accompagnement des chômeurs de longue durée qui seraient fondées sur la logique inversée promue par les
créateurs des territoires zéro chômeur de longue durée ? »
M. Clerfayt m’a répondu ;
» Je vous remercie pour votre constance dans le suivi de ce dossier.
Des contacts réguliers se tiennent toujours avec mes homologues, aux niveaux fédéral et wallon, au sujet du dispositif des territoires zéro chômeur de longue durée. Comme l’indiquent les études auxquelles vous renvoyez, le volet budgétaire est un point important pour expérimenter ce projet en Région bruxelloise, eu égard aux répartitions institutionnelles en Belgique, qui diffèrent quelque peu de celles de la France.
En France, c’est l’autorité nationale qui finance à la fois les allocations de chômage et les programmes de mise à l’emploi au travers des territoires zéro chômeur de longue durée. En effet, le budget de l’allocation de chômage est mis au service du financement du salaire des personnes qui s’investissent dans le projet. Les études – notamment celle commandée par Actiris sur la faisabilité financière – démontrent clairement que les effets de retour bénéficient principalement, dans le cadre belge, à l’État fédéral au sens large. En effet, lorsque le salaire d’une personne est entièrement supporté par les pouvoirs publics, parce qu’elle dégagerait une activité économique qui crée un marché, l’économie d’allocations se fait sur le compte du budget des autorités fédérales.
Pour les raisons qui précèdent, les études commandées par Actiris recommandent de mobiliser les moyens fédéraux pour financer en grande partie – la Région peut ajouter sa part – le programme des territoires zéro chômeur. On peut tirer comme enseignement de l’expérience française le besoin d’ajouter un budget de formation. Il s’agit de personnes qui ont souvent des projets de reconversion professionnelle ou qui ont besoin de remettre à jour des compétences professionnelles avant de pouvoir les mettre au service d’un projet de retour à l’emploi.
En réponse à mon dernier courrier adressé au ministre Dermagne au sujet du mécanisme de redistribution envisagé par l’autorité fédérale sur ce dossier, le ministre m’a fait savoir que seule une réflexion sur l’adaptation ou l’extension du système des zones franches était envisagée au niveau fédéral. Il s’agit d’une réponse assez décevante, car aucune zone franche n’existe à ce jour en
Région bruxelloise. Une zone franche est une zone dans laquelle les entreprises ou opérateurs bénéficient d’une réduction d’impôt. Il ne s’agit pas tout à fait du mécanisme tel qu’il est décrit dans les notes et études d’Actiris. Ce dispositif est donc peu applicable en Région bruxelloise. Même si, jusqu’à présent, je n’entrevois pas de possibilités de mettre en œuvre ce projet en 2022, nous continuons à démarcher l’autorité fédérale et à négocier avec elle pour tenter d’obtenir un juste mécanisme de redistribution des avantages budgétaires de la mise en œuvre du système. À cet effet, je rencontrerai bientôt mon homologue wallonne en vue d’approfondir les réelles possibilités qu’offre la Région bruxelloise quant à une adaptation des zones franches. La Région wallonne est en effet concernée, et je verrai s’il est possible de tirer un bénéfice de son expérience à cet égard. La Wallonie a par ailleurs annoncé des projets sur lesquels elle a accolé l’appellation « territoires zéro chômeur de longue durée », projets en tous points identiques à ceux que nous mettons en œuvre dans le domaine de l’économie sociale. Nous avons donc déjà un dispositif similaire en Région bruxelloise. Actiris a récemment entamé des discussions, constitué des groupes de travail et mené des recherches, et quatorze des dixneuf communes ont manifesté de l’intérêt pour un partenariat avec Actiris. Certaines communes telles que Forest, Schaerbeek et Berchem-Sainte-Agathe se sont penchées sur des dynamiques locales et sur la préparation de projets de territoires zéro chômeur de longue durée. Plusieurs communes attendent de connaître le cadre de financement régional pour s’impliquer.
Il est donc important que le gouvernement fédéral se mobilise et nous propose un mécanisme de redistribution applicable et adapté. Nous avons accompli notre part du travail. Actiris a commandé une étude de faisabilité financière auprès de l’ULB, ainsi qu’une étude de faisabilité juridique dont les résultats sont probants. Une étude consacrée au détail des projets et aux réponses à apporter localement, avec des partenaires locaux, est également disponible. Nous avons ainsi préparé le terrain au mieux. Reste à trouver, dans le cadre belge, un bon accord sur la répartition de la charge budgétaire, de sorte que le dispositif ne s’avère pas être rien qu’une charge pour Bruxelles et rien qu’un gain pour l’État fédéral. Pour ma part, j’espère que l’expérimentation pourra être lancée d’ici la fin de la législature, même si je ne suis guère convaincu par la piste des zones franches.
Cependant, ce n’est pas parce que nous ne sommes pas en mesure de mettre en œuvre les expérimentations de territoires zéro chômeur de longue durée, faute de réponse du pouvoir fédéral, qu’il n’existe pas de mécanismes bruxellois qui s’attaquent efficacement au chômage de longue durée, en mobilisant des moyens régionaux. Nous disposons de tels mécanismes et ces mécanismes fonctionnent. Pour ne citer qu’eux : les emplois d’insertion en économie sociale (30 millions d’euros par an), le financement de l’encadrement dans les CPAS (15 millions d’euros par an) et les emplois d’insertion visés à l’article 60 (68 millions d’euros par an). Le budget régional dégage ainsi une centaine de millions d’euros par an à travers le mécanisme emploi d’insertion, adopté par ce parlement à la fin de la législature précédente, à l’initiative de M. Gosuin. Nous avons entamé la réforme de l’économie sociale des anciens systèmes et celle des emplois article 60, et les avons mises en œuvre au début de cette législature. Nous y consacrons des moyens importants et une évaluation des dispositifs réformés est prévue dans les deux ou trois ans, la crise sanitaire ayant quelque peu compliqué le travail des opérateurs. Il nous faudra attendre quelques années pour analyser les trajectoires des personnes inscrites dans la démarche et en mesurer l’efficacité.
Je rappelle que ces projets d’insertion en économie sociale ont un coût de l’ordre de 33.000 euros par emploi, soit un coût moins élevé que celui des territoires zéro chômeur de longue durée.
Je ne voudrais donc pas sacrifier les premiers pour financer les seconds, ce qui serait peu intelligent sur le plan budgétaire.
Dès lors, j’ai absolument besoin d’un cofinancement fédéral de juste dimension pour mettre en œuvre ces programmes supplémentaires d’insertion dans l’emploi de personnes durement touchées par un chômage de trop longue durée, qui a indubitablement une incidence sur leur motivation et leur envie de retrouver du travail, malgré tous les efforts d’Actiris.
Ajoutons que certains chômeurs de longue durée retrouvent du travail. Il convient donc d’éviter toute vision misérabiliste, même si le chômage de longue durée est malheureusement un phénomène trop présent en Région bruxelloise. Il nous appartient de mobiliser tous les mécanismes utiles, pour autant qu’ils puissent être financés.
Retrouvez l’intégralité des échanges ci-dessous :
https://weblex.irisnet.be/data/crb/biq/2021-22/00056/images.pdf#page=9
par Farida Tahar | 9 novembre 2021 | Au parlement, Discriminations et égalité des chances, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires
D’après une enquête européenne largement relayée hier par les médias belges, un Belge sur quatre se considère modérément, voire fortement, antisémite. Dans cette enquête, un point est particulièrement choquant : si ces actes existaient déjà auparavant, ils se sont renforcés lors de la crise sanitaire. En outre, il ne s’agit pas uniquement d’actes et de propos antisémites. Aujourd’hui, les symboles juifs sont également visés. Si toutes les Régions sont concernées par cette problématique, l’enquête souligne que la Flandre est davantage touchée, en particulier les milieux d’extrême droite. Bruxelles n’est pas pour autant épargnée. Dans son rapport annuel de 2020, Unia a recensé 115 incidents antisémites, ce qui correspond à une hausse de 45,5 % par rapport à 2019. Mme la secrétaire d’État, je vous sais très impliquée dans la lutte contre toutes les formes de discrimination et de racisme. Je ne cherche pas spécialement à viser une forme de racisme en particulier, mais l’enquête précitée se concentre sur l’antisémitisme. Avec vos collègues du gouvernement, vous travaillez sur un plan bruxellois de lutte contre toutes les formes de racisme.Mardi dernier, la Commission européenne a estimé qu’il était nécessaire de déployer une stratégie de lutte contre l’antisémitisme. Qu’en est-il au niveau de la Région bruxelloise ?Quelles mesures politiques concrètes comptez-vous déployer pour faire reculer l’antisémitisme, malheureusement en hausse sur notre territoire ? Hier, lors des assises de lutte contre le racisme, plusieurs associations ont encore rappelé la nécessité d’intégrer cette spécificité. Suivrez-vous leurs recommandations ?
Voici la réponse que j’ai reçue :
Mme Nawal Ben Hamou, secrétaire d’État.- Je l’ai affirmé, hier, lors de la commission de l’égalité des chances, en réponse à une question de M. Marc Loewenstein et je le redis ici aujourd’hui : l’antisémitisme fera partie du futur plan régional de lutte contre le racisme. Il n’y a aucun doute à avoir sur ce point.Hier, lors de la clôture des assises de lutte contre le racisme, j’ai entendu comme vous les représentants des organisations juives s’exprimer sur les violences, les agressions et les discours antisémites que subissent quotidiennement les populations juives. Il est évident que tous ces éléments figureront dans le futur plan de lutte contre le racisme.Lundi prochain, nous lancerons notre campagne contre le racisme. Elle a pour but de déconstruire les préjugés, les stéréotypes, mais aussi de dénoncer les discours de haine,notamment sur les réseaux sociaux. Elle nous permettra aussi de visibiliser l’antisémitisme. Je vous invite sincèrement à être présente ce lundi et à soutenir notre campagne. Une invitation a d’ailleurs été envoyée aux membres de la commission de l’égalité des chances.Vous conviendrez que je fais de l’égalité des chances un outil transversal pour travailler tant sur la cohésion sociale que sur l’éducation, et ce, afin de construire ensemble une Région où chacun trouve sa place, peu importe ses origines ou sa couleurde peau.
Le compte-rendu intégral de la séance plénière est disponible ici : http://weblex.irisnet.be/data/crb/cri/2021-22/00010/images.pdf
par Farida Tahar | 25 octobre 2021 | Emploi et formation, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires, Travail politique
Ces plateformes connaissent un grand succès, surtout durant le confinement.Cependant les conditions de travail des coursiers laissent à désirer. Ces livreurs à vélo munis de leur sac isotherme cubique bien reconnaissable sont à tous les coins de rue de la capitale. Ils seraient aujourd’hui plusieurs centaines, essentiellement des hommes, à sillonner chaque jour les rues de Bruxelles pour distribuer les repas commandés et ainsi faire vivre les restaurants bruxellois et les plateformes qui organisent les livraisons.Une enquête de la RTBF, en mai dernier, montrait que la majorité des livreurs ne sont ni salariés ni indépendants. Ils travaillent sous le régime fiscal de l’économie de plateforme pensé uniquement pour les travailleurs qui arrondissent leurs fins de mois. Travailler pour les plateformes collaboratives n’ouvre aucun accès aux mécanismes de sécurité sociale ni de soins de santé.Légalement, sous ce régime, le nombre d’heures prestées est plafonné et les livreurs ne peuvent pas travailler toute l’année à temps plein, mais la réalité est toute autre. Poussés par la nécessité, de nombreux livreurs -d’UberEats et de Deliveroo, pour ne citer qu’eux-travaillent sous ce statut toute l’année via des systèmes de sous-location de comptes. Ces mécanismes rendent les conditions de ces travailleurs encore plus précaires, puisqu’ils ne bénéficient d’aucune couverture sociale et doivent en plus reverser une partie de leurs revenus aux propriétaires du compte qu’ils louent. Selon un article du journal Le Soir, il semblerait qu’à Bruxelles, une écrasante majorité des livreurs d’UberEats et de Deliveroo travaillent ainsi illégalement, et donc, osons le mot, dans de réelles conditions d’exploitation.
Disposons-nous de chiffres régionaux de l’emploi des plateformes collaboratives UberEats et Deliveroo? Votre cabinet suit-il les questions du travail pour ces plateformes et de la qualité de ces emplois? Quelle est votre position à cet égard? Avez-vous des pistes de solutions?
Sur le même sujet, un autre article du Soir, paru le 11 octobre dernier, interpellait à nouveau sur l’aggravation des conditions de travail et de rémunération des livreurs à vélo. Dans ce contexte, l’article soulignait que le profil des livreurs a évolué. Il ne s’agit plus d’étudiants en mal d’argent de poche, mais de travailleurs précaires qui, de par leur situation, n’ont pas accès à d’autres formes de travail. C’est le cas notamment de nombreuses personnes sans titre de séjour.La situation mise en lumière par la RTBF et Le Soir pointe encore une fois l’indéniable présence des travailleurs sans papiers dans l’activité économique de la Région bruxelloise. Nous ne disposons pas de chiffres précis, mais nous les savons très nombreux. Pour rappel, à la suite de la sixième réforme de l’État, la Région bruxelloise est devenue compétente en matière d’occupation des travailleurs étrangers et d’octroi des permis de travail A et B.Depuis cet été et la grève des personnes sans titre de séjour, qui occupaient notamment l’église du Béguinage, l’ULB et la VUB, la situation a-t-elle évolué? Je sais que la matière relève également du pouvoir fédéral, et que des discussions sont en cours pour que chacun -vous-même et le gouvernement fédéral-fasse sa part du travail.Pouvez-vous nous faire état des discussions avec vos homologues fédéraux concernant la mise en œuvre du permis unique? Avez-vous pu obtenir des garanties quant au volet emploi et accès au travail des personnes sans papiers sur notre territoire? Ce sujet, qui me préoccupe énormément, est directement lié à la question des livreurs à vélo, dont la plupart sont sans titre de séjour.
Voici la réponse que j’ai reçue :
M. Bernard Clerfayt : Ces plateformes sont une réalité et suscitent beaucoup de questions quant à la nature et à la qualité du travail, aux personnes qui y ont accès, aux conditions de travail et à la dangerosité de l’activité. Plusieurs études et reportages ont montré que les accidents de travail sont (trop) nombreux dans ce secteur.Je vous rappelle toutefois que la réglementation relative à ces plateformes relève du niveau fédéral. Il s’agit de la loi-programme du 1erjuillet 2016, appelée « loi De Croo », qui encadre le fonctionnement de celles-ci. Comme l’administration bruxelloise n’est pas chargée de ce dossier, je ne dispose pas des données, que nous aimerions détenir, portant sur le nombre de personnes employées par ces plateformes collaboratives et les horaires de travail. Ces informations nous permettraient pourtant d’avoir une vision plus claire du secteur.Certaines de ces plateformes fonctionnent quasi exclusivement avec des contrats de travail salariés, ce qui est déjà une évolution en soi, tandis que d’autres ne travaillent que via des prestations complémentaires et donc avec des personnes ayant un statut d’indépendant. La manière d’envisager les choses est donc différente tout comme l’est le cadre juridique qui l’entoure. Un litige opposant une plateforme à ses coursiers est en cours devant le tribunal du travail. Cette affaire pourrait constituer un moment charnière pour clarifier les relations de travail nouées au sein de ces plateformes.
La compétence de la Région bruxelloise en cette matière se limite aux règles relatives à la migration économique et au contrôle du respect de ces règles. Ainsi, les travailleurs extra-européens exerçant des prestations dans le cadre de ces plateformes doivent disposer soit d’un permis de travail dans le cadre d’une relation salariée, soit d’une carte professionnelle dans le cadre de prestations réalisées à titre d’indépendant.[195]Dans le cadre de mes compétences de migration économique, j’ai eu à me prononcer sur un cas de ce type en juin 2021. Une étudiante de nationalité extra-européenne sollicitait une carte professionnelle pour travailler sur une plateforme d’économie collaborative sous le statut d’indépendante. Cette demande ne s’inscrivait donc pas dans le cadre de la loi-programme De Croo de 2016 sur les mini-jobs, qui autorise des prestations de service à des conditions fiscales avantageuses.Je me suis notamment fondé sur la décision du 9mars 2018 de la Commission administrative de règlement de la relation de travail, qui estimait que les modalités de la relation de travail entre un livreur et la plateforme étaient incompatibles avec le statut d’indépendant. J’ai ainsi rejeté la demande de carte professionnelle. Dès l’instant où l’on juge ces conditions de travail mauvaises, il n’est pas logique de laisser s’installer quelqu’un sur le territoire bruxellois pour exercer ce type d’activité.Dans la sphère limitée de mes compétences, j’ai exprimé mes inquiétudes sur la précarisation des travailleurs à laquelle est susceptible de conduire le modèle économique de certaines de ces plateformes. J’ai aussi souligné ma volonté d’éviter toute forme de précarisation de l’emploi qu’implique la forme d’organisation du travail conçue et appliquée par certaines de ces plateformes, en m’appuyant notamment sur un avis du Conseil économique et social européen du 14décembre 2016.La direction de l’inspection régionale de l’emploi est l’organe compétent pour le contrôle des règles relatives à la migration économique. Elle a réalisé certains contrôles en collaboration avec la police et certains services d’inspection fédéraux. De nouveaux contrôles sont en préparation sous l’égide de l’auditorat du travail. En effet, les infractions aux conditions de travail ou de contrat, par exemple, relèvent principalement de l’inspection fédérale du travail. Elles sont ensuite soumises à l’auditorat.Il convient de rappeler que si une plateforme ou une personne sous-louant un compte à un travailleur sans papiers est reconnue par la justice comme l’employeur de ce dernier ou comme la personne l’ayant laissé travailler, elle encourt une amende allant jusqu’à 48.000 euros par travailleur, voire une peine de prison. Il s’agit en effet d’une forme de travail non déclaré. Sous-louer son compte, c’est exploiter une personne en situation de précarité dans sa relation contractuelle.Outre ces considérations théoriques sur les plateformes, j’ajouterai que sur la base de la loi fédérale actuelle, aucune régularisation par le travail n’est possible dans le cadre d’une demande de permis unique. Le processus de régularisation relève toujours du niveau fédéral aux termes de la loi de 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. À titre personnel, je pense qu’il conviendrait de mieux encadrer les pratiques de ces plateformes et de procéder à une modification de la loi-programme du 1erjuillet 2016 précitée. Concernant le dossier du suivi de la grève des personnes sans papiers qui ont occupé l’église du Béguinage, je rappelle que ce dossier relève uniquement des compétences du gouvernement fédéral.Le permis unique est bel et bien en vigueur depuis le 24décembre 2018, mais l’accord de majorité fédéral reprend seulement la volonté d’initier des travaux avec les entités fédérées sur la modernisation des procédures de permis unique, mais semble-t-il pas sur le contenu des conditions d’admission au séjour, et ce dans les limites des compétences du gouvernement fédéral.Une conférence interministérielle s’est tenue sur la migration et l’intégration. Son premier groupe de travails’est réuni le 29octobre dernier. Un des deux thèmes de travail pour l’année à venir est l’activation et l’acquisition de compétences chez les nouveaux arrivants. Et à cette occasion, la Région bruxelloise, entre autres, a demandé que l’accès au permis unique à partir du séjour irrégulier soit discuté dans ce cadre.Cette demande n’a toutefois pas été retenue en raison de l’opposition de différents membres de la conférence interministérielle. Il n’était donc pas souhaitable de bloquer l’avancement des travaux sur cette question, puisqu’il n’y avait pas de consensus. Malgré notre tentative, nous ne trouvons pas de réponse à cette question auprès du gouvernement fédéral.
Le compte-rendu intégral de la commission est disponible ici : http://weblex.irisnet.be/data/crb/biq/2021-22/00035/images.pdf
par Farida Tahar | 11 octobre 2021 | Au parlement, Discriminations et égalité des chances, Questions parlementaires
En septembre dernier, Amnesty International a publié les résultats d’un nouveau sondage sur l’âgisme concernant les personnes âgées de plus de 55 ans en Belgique francophone. Les résultats sont on ne peut plus interpellants : plus d’un aîné sur quatre, soit 27 % de la population âgée, est confronté à au moins un type de maltraitance et sept seniors sur dix sont victimes de préjugés en raison de leur âge. Ce phénomène est ce qu’on appelle l’âgisme, soit une forme de discrimination qui porte préjudice aux personnes âgées et prépare le terrain de la négligence et de la violence. L’âgisme regroupe donc toutes les formes de discrimination, de ségrégation et de mépris fondées sur l’âge. Sur le site amnesty.be, l’âgisme est défini comme un « préjugé contre une personne ou un groupe en raison de l’âge ». Sous le prisme du genre et de l’intersectionnalité, les constats sont encore plus affolants : »Les multiples formes de préjugés qui se croisent aggravent les désavantages et rendent les effets de l’âgisme encore plus virulents ».Je souhaite vous interroger à ce sujet en votre qualité de secrétaire d’État à l’égalité des chances, et rappeler l’engagement pris parle gouvernement bruxellois de lutter activement contre toutes les formes de discriminations. Un chapitre entier est d’ailleurs consacré à cet engagement dans sa déclaration de politique générale.Combien de signalements de discriminations sur la base de l’âge Unia rapporte-t-il ?Quelles mesures concrètes prenez-vous pour faire reculer les discriminations à l’égard des personnes âgées ?
Madame la Ministre, des évaluations des actions réalisées à l’attention de ce public cible sont-elles réalisées ? Une campagne de sensibilisation pour faire prendre conscience de ce phénomène grandissant et pour lutter contre les préjugés à l’encontre de ce public cible est-elle lancée ? Dans l’affirmative, quand et comment ce dispositif de sensibilisation et d’information est-il déployé ?Comment le futur code bruxellois de lutte contre les discriminations intégrera-t-il ce public cible ? Quelles seront ses principales mesures politiques et comment seront-elles développées, avec quels acteurs et quelles associations ?Comment les différents protagonistes sont-ils associés à la concrétisation de ce plan ? Avec quels moyens et quels budgets soutenez-vous les organismes qui luttent activement contre les discriminations ?
Voici la réponse que j’ai reçue :
Mme Nawal Ben Hamou, secrétaire d’État.- Tout comme vous, j’ai pris connaissance des résultats de l’enquête d’Amnesty International concernant le phénomène de l’âgisme. Pour répondre précisément à vos questions, sachez que sur l’ensemble du territoire national, Unia a ouvert 172 dossiers liés à l’âge en 2020, ce qui représente 6,7 % des dossiers tous critères confondus. Un peu moins de la moitié des dossiers ouverts liés à l’âge concernent l’emploi (49,4 %). Les autres dossiers concernent les biens et services (33,1 %). En matière d’emploi, les problèmes surviennent le plus souvent au stade de l’embauche (56,4 %). Pour la même période, sur les 487 dossiers bruxellois ouverts, 37 dossiers sont fondés sur le critère de l’âge,soit 7,5 % de l’ensemble des dossiers.Je précise que ces chiffres concernent les dossiers pour lesquels l’âge est le critère principal. Comme Unia travaille avec une approche intersectionnelle, plusieurs facteurs et critères peuvent être identifiés.Il s’agit bien de dossiers ouverts et non de signalements. Unia ouvre un dossier si le signalement relève effectivement de ses compétences et s’il ne s’agit pas d’une simple demande d’information.Jusqu’à présent, equal.brussels n’a pas mené d’initiatives spécifiques en matière de lutte contre l’âgisme.
Toutefois, à l’instar de la réglementation fédérale, la réglementation régionale reprend l’âge comme critère de discrimination en matière de fonction publique, de logement, d’emploi, de biens et de services. Ce critère sera bien entendu maintenu après l’opération de codification en cours.Par ailleurs, l’approche intégrée de la dimension de genre et de l’égalité des chances mise en œuvre par les services publics bruxellois, et dont equal.brussels assure le pilotage, vise à tenir compte en amont des besoins de chacun, quel que soit l’âge des personnes concernées. Le test d’égalité des chances comporte d’ailleurs une section libre facultative afin de soumettre un projet à un critère supplémentaire lorsque c’est pertinent. Ce faisant, il est possible d’évaluer le projet sous l’angle de l’âge du public cible En application de cette approche, equal.brussels veille à toucher le public le plus large possible dans ses propres actions. Ainsi,dans le cadre du futur plan de lutte contre les violences et discriminations à l’égard des personnes LGBTQI+ 2021- 2025, equal.brussels lancera une campagne de sensibilisation appelant la population bruxelloise à valoriser la diversité d’orientation sexuelle, d’identité et d’expression de genre, et de variations sexuelles, et à lutter contre les discriminations visant les personnes LGBTQIA+. Les personnes LGBTQIA+ plus âgées sont l’un des quatre groupes prioritaires de la campagne.Par ailleurs, je soutiens plusieurs projets associatifs faisant expressément mention de l’âge du public. L’asbl Rainbow Ambassadors, par exemple, a développé une campagne axée sur l’acceptation sociale de la diversité sexuelle et de la diversité desgenres dans le domaine de la santé et du bien-être. De son côté,l’asbl Garance a développé le projet « Femmes 55+, actrices de leur sécurité ». Si de nouvelles demandes de subsides sur cette thématique devaient me parvenir, elles feraient bien entendu l’objet d’un examen attentif.Avec le soutien d’equal.brussels, je lance chaque année plusieurs appels à projets dans le domaine de l’égalité des chances. Cette année, 208 projets ont été retenus pour se partager un budget de2.095.902 euros. Je vous ferai parvenir le tableau récapitulatif global et un tableau par thématique, notamment la lutte contre les discriminations, lors des futures discussions budgétaires.Enfin, je vous invite à poser toutes vos questions à mes collègues,dans le cadre de leurs compétences respectives, afin d’obtenir une vision de la problématique dans les différentes matières régionales.
Le compte-rendu intégral de la commission est disponible ici : http://weblex.irisnet.be/data/crb/biq/2021-22/00031/images.pdf
par Farida Tahar | 27 septembre 2021 | Au parlement, Discriminations et égalité des chances, Questions parlementaires
Voici ma question adressée à M. Clerfayt :
« L’offre d’emploi dont il est question a, heureusement, depuis, été retirée du site. Parue sur le site d’Actiris et réactualisée le 14 septembre 2021, elle concernait un poste de « nettoyage et surveillant d’enfants H/F/X ». Elle avait attiré mon attention, mais aussi celles d’autres députés et de personnes vigilantes, en raison d’une mention discriminatoire basée sur un critère religieux ou philosophique.En effet, la description de profil indiquait : « Si vous posséder d’une attestation activa.brussels ou la prime Phoenix c’est plus. Port du voile interdit dans l’établissement s’exprimer en français. » Je passe sur la formulation ou les fautes d’orthographe.De prime abord, les propos « port du voile interdit dans l’établissement » paraissent choquants, discriminatoires et stigmatisants au regard de la législation antidiscrimination.Pourquoi évoquer spécifiquement le voile et pas les autres signes convictionnels ? Cela nous rappelle que ce débat vise en réalité des catégories très identifiées, et notamment les femmes de confession musulmane.La publication officielle de cette offre d’emploi sur le site d’Actiris pose un double problème : elle est révélatrice des termes réels du débat, et sa formulation est manifestement discriminatoire. C’est injustifiable. L’étonnement était d’autant plus grand qu’Actiris dispose d’un service antidiscrimination composé de travailleurs engagés et réputé pour son professionnalisme.
J’ai plusieurs questions, dont certaines, heureusement, ne sont plus d’actualité.
Tout d’abord, M. le ministre, pouvez-vous confirmer que cela ne se reproduira plus ? Il n’est pas acceptable que le site officiel d’un organisme, qui, en outre, est subventionné par des deniers publics, publie des offres d’emploi discriminatoires et stigmatisantes. Je saisis cette opportunité pour vous interroger sur la politique régionale en matière de lutte contre la discrimination. Je vous sais sensible à la question – j’ai reçu cette semaine un projet d’ordonnance sur les discriminations -, mais je souhaiterais plus de précisions à ce sujet. Plus de deux ans après la déclaration de politique régionale, qui comprend un volet entier sur cette question, quelle est votre évaluation des politiques publiques de lutte contre les discriminations sur le marché de l’emploi ? Elles sont encore trop nombreuses en Région bruxelloise. Plus concrètement, quelles sont les mesures mises en place pour réduire les discriminations à l’embauche ? »
Voici la réponse que j’ai reçue :
« Tout d’abord, je voudrais être très clair. La formulation utilisée dans l’offre d’emploi est purement et simplement discriminante, donc inacceptable. Ce type d’indication n’a pas à figurer dans une offre d’emploi,qu’elle soit publiée ou non sur le site d’Actiris. Je ne peux tolérer de tels propos discriminants.Dès que j’ai eu connaissance de la publication de cette offre sur le site d’Actiris, j’ai interpellé, le jour-même, les responsables d’Actiris, qui m’ont informé qu’il s’agissait d’une erreur d’appréciation dans le traitement de la demande. L’offre d’emploi a été reprise par un agent d’Actiris telle que rédigée par l’employeur. Cet agent a été inattentif ou a commis une erreur d’appréciation.Dès le constat du caractère discriminatoire de l’offre d’emploi,celle-ci a été mise en suspens et la direction de l’école a été contactée conformément aux lignes de conduite antidiscrimination d’Actiris. Les faits ont eu lieu durant un jour de congé scolaire, mais l’école a bien été contactée.En effet, dans le cadre de notre politique régionale de lutte contre les discriminations à l’embauche, Actiris a pour mission d’informer, orienter, sensibiliser et formuler des recommandations qui s’adressent aux entreprises et aux organisations, afin de prévenir les cas de discrimination. Il s’agit de leur expliquer en quoi consistent les concepts de discrimination, car certaines les ignorent, n’y sont pas attentives ou ne distinguent pas exactement ce qu’est un critère de discrimination.
Ces recommandations s’adressent également aux chercheurs d’emploi qui se sentent discriminés dans le cadre d’offres d’emploi, par exemple, lors d’entretiens ou du traitement de leur candidature. Elles visent également les membres de la société civile qui peuvent se manifester auprès d’Actiris pour signaler les indices de discrimination, que nous examinons avec attention. Afin d’éviter qu’une telle situation se reproduise, Mme Tahar, je souhaite qu’Actiris remplisse non seulement les missions que je viens de citer, mais également que notre office de l’emploi améliore le contrôle informatisé des termes discriminatoires des offres d’emploi transmises et publiées sur son site. J’invite également Actiris à proposer à cette école, qui a d’ailleurs présenté ses excuses, de développer un plan de diversité et de participer à son élaboration. En outre, j’appelle le Secrétariat général de l’enseignement catholique à se pencher sur la question de manière plus générale et à mener une communication avec les différents secteurs.Concernant la question des signalements, Unia a reçu des rapports et s’est emparé du dossier. Pour l’instant seul un accusé de réception a été envoyé, mais un contact sera initié dans le courant de la semaine prochaine – s’il n’a pas déjà eu lieu – avec les personnes qui ont introduit un rapport.J’aimerais toutefois rappeler que l’école peut imposer, dans le cadre de son règlement d’ordre intérieur, des règles relatives à l’aspect vestimentaire de ses employés. Elles doivent cependant être non discriminatoires et s’appliquer à l’ensemble des employés et des vêtements. Il est absolument scandaleux et discriminant de viser un type de vêtement en particulier.L’ordonnance régionale visant à lutter contre les discriminations est entrée vigueur en 2018. Concernant les mesures mises en place pour lutter contre les discriminations à l’embauche,mon prédécesseur M. Gosuin avait fait adopter un plan en dix mesures parmi lesquelles figurent le test de discrimination et le redéploiement du guichet de lutte contre les discriminations, que Mme Tahar vient de mentionner.Ainsi, en 2019, nous avons renforcé le dispositif, avec notamment la possibilité de contacter le service de lutte contre les discriminations qui répond aux victimes, le numéro vert 080035 089 Nous avons également facilité la possibilité de porter plainte enligne au moyen d’un formulaire accessible sur le site d’Actiris, car, comme vous l’avez rappelé, nous recueillons trop peu de plaintes formelles. Si nous soupçonnons que le phénomène est largement répandu, nous ne recevons pas assez de plaintes formelles qui permettraient d’identifier les auteurs.De manière complémentaire, toutes les personnes qui se sentent discriminées, y compris dans la fonction publique, peuvent bénéficier d’un accompagnement spécifique visant à analyser et objectiver la situation. Si nécessaire, des contacts sont ensuite pris avec Unia afin d’ouvrir un dossier et d’enclencher la suite de la procédure.Je vous le confirme, la lutte contre les discriminations à l’embauche est l’une des priorités du gouvernement. Nous travaillons, avec l’espoir d’aboutir avant la fin de l’année, à renouveler l’ambitieuse stratégie en dix points élaborée par mon prédécesseur. Une série de ces points ont d’ailleurs été finalisés.Un tel renouvellement permettra de fixer de nouveaux objectifs et de revoir les modalités d’intervention. La nouvelle stratégie s’appuiera notamment sur les conclusions et recommandations issues de l’évaluation juridique, et sur les possibilités d’évolution des tests de discrimination à l’embauche en Région de Bruxelles-Capitale, une analyse en phase de finalisation .La Région bruxelloise est pionnière en matière de tests de discrimination. Nous sommes néanmoins insatisfaits du manque d’ampleur de l’utilisation de cet outil et nous souhaitons le renforcer pour soutenir notre stratégie de lutte contre les discriminations. Je reviendrai prochainement vers vous avec des propositions en la matière. »
Le compte-rendu intégral de la commission est disponible ici : http://weblex.irisnet.be/data/crb/biq/2021-22/00016/images.pdf
par Farida Tahar | 27 septembre 2021 | Emploi et formation, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires
Un article de Sudpresse du 6 septembre dernier faisait état du taux de chômage dans plusieurs communes bruxelloises et wallonnes. Si 62 % des communes wallonnes se portent mieux économiquement qu’il y a deux ans,elles ne sont que 21 % à Bruxelles.Tandis que les communes de Woluwe-Saint-Pierre, Woluwe-Saint-Lambert et Watermael-Boitsfort affichent des taux de chômage plus bas, trois communes bruxelloises arrivent tristement en tête du podium du plus haut taux de chômage :Molenbeek-Saint-Jean (22,2 %), Saint-Josse-ten-Noode (21,4 %) et Bruxelles-Ville (18 %). Ces communes sont celles affichant l’indice socio économique le plus faible et les inégalités sociales les plus visibles.Nous le savons, parmi les chercheurs d’emploi, les jeunes sont particulièrement victimes de l’accroissement du chômage, en particulier ceux qui entrent pour la première fois sur le marché du travail, qui plus est dans un contexte de pandémie mondiale.Les conséquences socio économiques de la crise sanitaire vont continuer de se faire sentir longtemps, entre autres sur la disponibilité d’offres d’emploi sur le marché du travail bruxellois.Le plan de lutte contre le chômage ne doit pas oublier les chercheurs d’emploi qui, avant la crise, se trouvaient déjà dans une situation d’éloignement du marché du travail. Pour les écologistes, les dispositifs visant l’insertion ou la réinsertion socioprofessionnelle de ces publics doivent être renforcés,évalués et pérennisés. Il s’agit ici des chômeurs de courte et de longue durées, ces publics ne doivent pas être opposés.En 2014 déjà, la garantie solutions avait été mise en place pou la jeunesse. Elle prévoyait un emploi, un stage ou une formation à chaque jeune s’inscrivant chez Actiris. Dans la déclaration de politique régionale, il était prévu de l’étendre à tous les demandeurs d’emploi bruxellois.
Dans ce contexte, j’ai demandé à Monsieur le Ministre ;
Où en est la mise en œuvre de l’objectif noble de trouver un emploi, une formation ou un stage pour les jeunes, et plus largement pour les chercheurs d’emploi de tout âge ? Comment cet engagement pourra-t-il prendre forme dans le contexte d’après la crise du Covid-19 ? Quelles stratégies allez-vous mettre en place pour soutenir le public de jeunes chercheurs d’emploi, ainsi que les chômeurs de longue durée ?
Des assouplissements du cadre normatif de contrôle de la recherche active d’emploi sont-ils possibles ? Dans l’affirmative,comment seront-ils mis en œuvre ? Quelles évaluations faites-vous des mesures de soutien, notamment la prime Phoenix, mises en place durant la crise sanitaire pour pallier les pertes d’emploi dues aux faillites d’entreprises et pour soutenir l’insertion professionnelle des chercheurs d’emploi ?
Voici la réponse que j’ai reçue :
M. Bernard Clerfayt : Il est évident que les chiffres du chômage ont suivi le cycle de la crise sanitaire : en raison du gel du marché de l’emploi dû au confinement et aux conséquences de la crise, les jeunes arrivant sur le marché du travail ont eu plus de mal à trouver un emploi. Cela a entraîné une forte hausse du chômage des jeunes en Région bruxelloise.Toutefois, depuis que nous enregistrons un début de reprise économique, le chômage des jeunes est en diminution. Je ne commenterai pas les différences de niveau de chômage entre les communes. Nous savons les différences profondes qui les caractérisent et le dualisme présent en Région bruxelloise, avec des communes plus riches et plus pauvres, et des communes où le taux de chômage est plus élevé que d’autres, en raison notamment d’un niveau de formation plus faible.Comme il existe déjà des dispositifs et des mesures pour les jeunes chercheurs d’emploi et les chômeurs de longue durée, il n’est pas prévu de développer des stratégies supplémentaires à destination de ces publics cibles. Comme vous l’avez rappelé, la garantie jeunesse d’Actiris, proposée par son service Youth Guarantee d’après le nom européen du dispositif, a été mise en place en 2014. Elle a pour objectif de soutenir et accompagner les jeunes chercheurs d’emploi dans leur recherche d’emploi, et de leur proposer un stage, un emploi ou une formation.Le chômage des jeunes a sensiblement diminué de 2014 à 2020,jusqu’au début de la crise. Ces résultats laissent à penser que ce programme a été très efficace. En dehors des interruptions dues à la crise économique liée à la crise sanitaire, nous pouvons donc espérer que les mêmes dispositifs auront les mêmes effets de réduction progressive du chômage des jeunes.En raison de la pandémie, les offres d’emploi et de stage ont fortement diminué, ce qui a considérablement perturbé le fonctionnement du programme. Nous assistons actuellement à une reprise de l’activité, qui permettra à nouveau à Actiris de proposer des solutions aux jeunes chercheurs d’emploi.Le dispositif garantie solutions est accessible, depuis 2019, à l’ensemble des nouveaux chercheurs d’emploi inscrits auprès d’Actiris. Dans son accord de majorité, le gouvernement a pris l’engagement de garantir l’extension de ce dispositif à tous les chercheurs d’emploi volontaires. Actuellement, tout chercheur d’emploi de longue durée a la possibilité de bénéficier d’un accompagnement volontaire, à sa demande.L’ensemble des services d’Actiris sont accessibles aux chercheurs d’emploi de longue durée. Leur sont également accessibles les dispositifs d’aides à l’emploi tels que la prime Activa ou encore le dispositif d’économie sociale.Les investissements dans ce dernier dispositif ont d’ailleurs sensiblement augmenté à la suite de la réforme mise en place par mon prédécesseur, M. Gosuin, qui est exécutée sous la législature actuelle.Le cadre normatif de contrôle de la recherche active d’emploi est une compétence fédérale. La Région bruxelloise n’a pas la faculté de le modifier. Par contre, nous sommes chargés de son exécution pratique et des procédures particulières de vérification de cette recherche active d’emploi. Notre marge de manœuvre se situe donc au niveau des procédures mises en place, dans le respect de ce cadre normatif.
C’est pourquoi, dès le début de la crise du Covid-19, Actiris a proposé des adaptations devant lui permettre de continuer à réaliser les activités en lien avec le contrôle de la disponibilité,tout en les assouplissant, pour tenir compte des circonstances particulières engendrées par la crise. Toutes ces activités de contrôle ont été réalisées de manière entièrement digitale lors des différents confinements. Ceci signifie que seules les analyses de dossiers ont été exécutées par les évaluateurs.Nous avons également mis en place un « moment d’état des lieux et de vérification » à partir de décembre 2020, soit après quelques mois de confinement. Il s’agissait d’un contact téléphonique destiné à tous les chercheurs d’emploi pour lesquels il n’était pas possible d’aboutir à une décision positive. C’était une occasion de reprendre contact avec le chercheur d’emploi et de faire le point avec lui sur la procédure et les actions à entreprendre. L’intention n’était donc pas de constater qu’il n’avait pas fourni assez d’efforts à la fin de l’année 2020 ou au début de 2021, dans le contexte particulier de la crise, mais au contraire de faire le point avec lui sur la manière dont il pouvait se diriger vers le marché de l’emploi, gelé à l’époque.Enfin, vous m’interrogez sur la prime Phoenix. Développée sur la base de rapports d’évaluation préparés par perspective.brussels et par l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse, elle prévoyait en juillet 2019, lors de sa mise en place, que nous allions connaître une vague de chômage très importante à la fin de l’année 2019. Une augmentation de 20.000 à 30.000 chômeurs était prévue. Nous avons donc développé la prime Phoenix en vue d’absorber un flux de 25.000 chômeurs supplémentaires.C’est ainsi qu’un montant de 30 millions d’euros a été dégagé pour l’année 2021. À ce jour, seuls 931 chercheurs d’emploi ont bénéficié de cette prime dans le cadre d’un nouvel emploi. C’est peu par rapport à nos ambitions qui visaient 5.000 ou 6.000 personnes. Je rappelle cependant que, lorsque nous avons introduit cette prime, nous nous attendions à 25.000 chômeurs supplémentaires. Grâce aux mesures de chômage temporaire prises par l’État fédéral, nous n’en avons enregistré « que » 2.000. Au total, si 931primes délivrées peuvent paraître constituer un mauvais résultat par rapport à ce que nous avions anticipé, le bilan est en réalité relativement bon : nos projections n’étaient plus valables dès lors que l’État fédéral a décidé d’octroyer un statut de chômage temporaire et de prolonger la mesure jusqu’à la fin décembre2021. C’est donc une bonne nouvelle au regard de tous les éléments.Je me réjouis de la prolongation de ces mesures par l’État fédéral. C’est à partir du début 2022 que nous verrons si l’état de certains secteurs économiques entraînera des faillites et des pertes d’emplois. Dans ce cas, nous pourrons mobiliser la prim ePhoenix, qui a déjà démontré son efficacité auprès d’un millier de travailleurs et qui pourra encore être appliquée au début de l’année 2022
Le compte-rendu intégral de la commission est disponible ici : http://weblex.irisnet.be/data/crb/biq/2021-22/00016/images.pdf