L’avenir des Agences locales pour l’Emploi en région bruxelloise

J’interrogeais, ce mercredi 8 mars 2023, le Ministre de l’Emploi, Bernard Clerfayt, concernant les Agences locales pour l’Emploi (ALE) et les inquiétudes quant à leur avenir.
En effet, ces agences, qui mettent tout en oeuvre pour rapprocher les travailleurs de l’emploi, sont menacées et leur rôle majeur tend à être diminué.

  

Mme Farida Tahar (Ecolo).- Cette question fait suite aux interpellations de différentes agences locales pour l’emploi (ALE) qui s’inquiètent de leur avenir. Pour rappel, les ALE ont pour but de mettre en relation des travailleurs et des utilisateurs dans le cadre d’activités bien déterminées. Les agences offrent un service local, qui n’est pas disponible sur le marché ordinaire du travail. Elles permettent aux personnes éloignées de l’emploi, et tout particulièrement aux chômeurs de longue durée, de retrouver le chemin de l’emploi. En soi, il s’agit d’une mission noble : les ALE offrent, à l’échelle d’un quartier, un emploi qui complète les allocations perçues. Chaque heure prestée est alors rémunérée, via un système de chèques ALE.
Si la solution semble temporaire, elle ne permet qu’un faible complément de revenus (maximum 184,10 euros pour 45 h de travail qui s’ajoutent aux allocations perçues). Le secteur relève de nombreux points positifs lors de ses missions, dont de véritables occasions de mise à l’emploi et des nouvelles possibilités d’insertion sur le marché du travail.
L’ALE s’impose aussi comme un véritable accompagnateur vers l’emploi, mais aussi vers la constitution d’un projet personnel durable et de qualité. Si les réussites observées sont notamment dues au financement et au soutien d’Actiris, les ALE participent grandement au développement de projets novateurs et efficaces. En collaborant avec la commune, l’ALE et le CPAS bénéficient d’une reconnaissance en matière d’insertion socioprofessionnelle.

Cependant, et j’en viens à l’objet de ma question, le secteur s’inquiète d’une tendance à restreindre progressivement le rôle des ALE à la seule fonction d’activateur des prestataires. Des projets ALE ne pourraient alors plus exister et disparaîtraient des missions locales. Le secteur s’interroge donc légitimement sur l’avenir des ALE ainsi que des maisons de l’emploi.

Quel accompagnement spécifique est prévu pour les ALE, véritables acteurs de l’économie sociale, pour le maintien et le développement de projets futurs ?
Une éventuelle modification et réduction du rôle des ALE à la fonction d’activateur est-elle d’actualité ? Une réduction du rôle des ALE en ce qui concerne l’initiative et l’accompagnement de projets est-elle observée ? Si oui, quelles raisons motivent cette réduction ? Pourquoi, selon le secteur, Actiris souhaiterait-il se passer de ces projets novateurs portés par les ALE ? Dans la négative, comment pouvons-nous clarifier le rôle et la collaboration des ALE avec Actiris ? Quelles missions sont confiées à l’un ou à l’autre ?
Les ALE sont-elles toujours considérées comme des acteurs majeurs d’une mise à l’emploi territorialisée, efficace et durable ? Dans l’affirmative, comment entendez-vous les soutenir durablement ?

La réponse du Ministre :

M. Bernard Clerfayt, ministre : L’accompagnement vers l’emploi des chercheurs d’emploi de plus longue durée reste une priorité des services publics de l’emploi et de la formation professionnelle. Les agences locales pour l’emploi (ALE) sont un des vecteurs d’insertion socioprofessionnelle pour ces publics. Elles ont donc toute leur place.
Le dispositif des ALE vise à engager des personnes éloignées du marché du travail pour exercer des activités ponctuelles au service de particuliers ou d’organisations. Dans ce cadre, les travailleurs réalisent des tâches absentes des circuits de travail réguliers, qui n’entrent donc pas en concurrence avec ceux-ci.
L’objectif de ce dispositif est double : il vise, d’une part, à répondre à la demande d’emploi de la part des chômeurs de longue durée, des bénéficiaires du revenu d’intégration sociale et de certains bénéficiaires de l’aide sociale financière, qui trouvent plus difficilement une place sur le marché du travail, et, d’autre part, à participer activement et positivement aux besoins du tissu associatif local, des pouvoirs locaux ou encore des écoles libres et communales.
Ce dispositif constitue par conséquent un enjeu important. En effet, pas moins de 733.753 heures de travail ont été effectuées dans ce cadre, dans l’ensemble de la Région, pour l’année 2022. Il s’agit progressivement d’un retour à la normale, après une baisse d’activité liée à la crise sanitaire. Cela représente plus de 4,5 millions d’euros de chèques ALE achetés et utilisés par l’ensemble des usagers de ce dispositif.
Même si la gestion du dispositif a été régionalisée, Actiris applique une réglementation et un cadre légal fédéraux. Le dispositif permet en effet aux chômeurs complets indemnisés ou aux bénéficiaires d’aide sociale, deux mécanismes d’intervention fédérale, de compléter leurs allocations par un travail limité par le cadre légal fédéral. Dans ce contexte et afin de répondre aux enjeux futurs, mon homologue wallonne et moi-même avons pris l’initiative conjointe de formuler différentes demandes au ministre fédéral de l’Emploi pour adapter le dispositif.

Cette initiative vise l’adaptation de plusieurs points de la réglementation fédérale, notamment :
– permettre à tous les travailleurs ALE de prester jusqu’à 70 heures par mois, soit un revenu supplémentaire de 287 euros net d’impôt en plus de leurs allocations de chômage ou du CPAS ;
– uniformiser la valeur faciale du chèque ALE afin d’améliorer la lisibilité du dispositif en Région bruxelloise. Actuellement, chaque ALE détermine librement le montant du chèque et une association peut s’adresser à des ALE de communes différentes pour ses activités ;
– simplifier le paiement des frais d’inscription pour les nouveaux clients.

Dans le cadre de ses missions, l’ALE a une obligation de financer des projets de formation au profit de ses travailleurs, en reversant à cette fin 25 % des revenus sur les quotes-parts perçues des chèques ALE. Chaque ALE, dans chacune des communes, est totalement autonome pour lancer des initiatives innovantes dans ce cadre précis. Actiris vérifie si ces montants ont bien été utilisés et si les formations sont conformes aux dispositions légales en la matière. Telle est notre compétence.
Vous faites référence à la mise en pause par Actiris des procédures de lancement de nouveaux projets locaux en 2023. Cette décision de suspension temporaire est liée au travail entrepris par Actiris pour l’établissement de conventions avec les ALE pour clarifier l’organisation du dispositif, notamment pour encadrer les rôles et responsabilités de toutes les parties prenantes, en concertation avec la plateforme régionale ALE. Inutile de rappeler les difficultés qu’a connues l’une ou l’autre ALE sur le territoire de la Région bruxelloise. Il n’est donc pas superflu de reclarifier les règles, les missions, les financements et l’affectation des fonds.
Pendant la suspension des projets locaux, le personnel des ALE se consacrera à ses missions premières pour accompagner toujours plus de chercheurs d’emploi dans un parcours d’insertion socioprofessionnelle.
Les ALE sont bien des acteurs majeurs de l’aide aux Bruxellois les plus éloignés du marché de l’emploi. Mon cabinet et Actiris travaillent d’ailleurs non seulement au renforcement et à l’encadrement des collaborations, mais également à la continuité du dispositif, en chargeant une société de l’émission des chèques ALE.

Nous attendons toujours une rencontre avec le ministre fédéral de l’Emploi pour réfléchir avec lui aux demandes formulées par les Régions wallonne et bruxelloise, afin de donner plus d’ampleur encore au dispositif.

Ma réplique : 

Dans la première partie de votre réponse, vous avez rappelé – comme je l’ai fait moi-même – les missions des agences locales pour l’emploi (ALE). Ce rappel est pertinent, puisque les députés ne maîtrisent pas tous les sujets, et c’est bien normal.
Dans la seconde partie de votre réponse, j’entends que la procédure de suspension est temporaire et d’application depuis quelques semaines seulement. Pourtant, cela fait déjà plusieurs mois qu’elle est en cours. Elle remonte en réalité à la reprise des activités après le confinement. Cela fait donc un bon moment que tous les projets novateurs sont suspendus.
L’inquiétude est légitime, car autant la collaboration est saine entre Actiris et les pouvoirs publics, autant des points d’interrogation demeurent. Il est dès lors important de rassurer la plateforme des ALE qui, comme vous le dites très bien, continue de jouer un rôle essentiel et doit être rassurée par rapport à ses attentes. Ses projets novateurs ne sont pas inintéressants, ils ont le mérite d’exister et doivent aussi pouvoir se déployer. L’un n’empêche pas l’autre : la première mission des ALE est toujours d’actualité, mais il est nécessaire de rassurer les ALE.
Dans votre réponse, j’entends bien qu’une uniformisation des procédures s’impose pour mieux encadrer le rôle des ALE. Toutefois, s’il est important de clarifier les règles, il convient de le faire avec les acteurs directement concernés. Ainsi, j’ose espérer que c’est avec ces derniers que cette éventuelle restructuration sera pensée, point sur lequel vous n’avez pas répondu.

 

Je reviendrai ultérieurement vers le Ministre sur cette question.

 

L’état d’avancement du dispositif « Territoire zéro chômeurs de longue durée »

Sur ce site, je mentionnais à plusieurs reprises le dispositif « Territoire zéro chômeurs de longue durée »,

Régulièrement, j’interroge le Ministre Bernard Clerfayt pour connaître l’état d’avancement de ce dispositif particulièrement prometteur.

Les avancées du projet Territoire zéro chômeur de longue durée prévues en 2022

 

Retrouvez ici ma dernière interpellation au Ministre à ce sujet, ce mercredi 8 mars 2023 :

Mme Farida Tahar (Ecolo) : Il me paraît important de faire le point sur le dispositif des territoires zéro chômeur de longue durée inscrit dans la déclaration de politique régionale. Je préfère l’appeler : territoires zéro « chômage » de longue durée.
Cette mesure lancée en France en 2017 consiste à offrir des emplois adaptés aux personnes en situation de chômage de longue durée, en collaboration avec les acteurs locaux. Dans les faits, il s’agit de mettre en relation des personnes durablement privées d’emploi avec des employeurs développant des activités utiles, durables et qui correspondent aux réalités du territoire. Il contribue par conséquent à une véritable réinsertion des chercheurs d’emploi de longue durée.
En France, ce dispositif semble déjà faire ses preuves avec des débuts considérés comme très encourageants. En Wallonie, un projet pilote a été lancé. À Bruxelles, en revanche, le dossier ne semble pas avancer et les documents budgétaires pour l’année 2023, examinés récemment en commission de l’Emploi, ne faisaient état d’aucun crédit d’engagement.
Or, rappelons-le, le dispositif est prévu dans la déclaration de politique régionale dans laquelle le gouvernement s’engage à mettre en œuvre, « dans les quartiers statistiquement les plus pertinents, un projet pilote inspiré du modèle des territoires « Zéro chômeur de longue durée » et adapté à la réalité urbaine bruxelloise ».

Lors de ma dernière interrogation à ce sujet, vous nous avez expliqué, comme vous l’aviez déjà fait précédemment, qu’un cofinancement fédéral « de juste dimension » était nécessaire. Vous avez alors précisé être en contact avec l’autorité fédérale et continuer à négocier avec elle.
Effectivement, un cofinancement fédéral ainsi qu’une juste rétribution sont nécessaires, il nous faut dès lors travailler de concert avec l’entité fédérale qui bénéficiera des retombées budgétaires positives d’un tel projet. Ce dispositif, vous en êtes aussi convaincu, je l’imagine, est une belle occasion de dynamiser l’emploi et l’économie locale. N’oublions pas que plus une personne reste longtemps au chômage, moins elle a de chances de retrouver un emploi !

Vos échanges avec le gouvernement fédéral ont-ils porté leurs fruits ? Une entente a-t-elle pu être trouvée ? Dans l’affirmative, que ressort-il de ces discussions ? Sinon, quels sont les éléments qui entravent vos négociations ?
Actiris a-t-il pu être intégré dans ces discussions ? Qu’en est-il de l’étude de faisabilité financière commandée par cet organisme auprès de l’ULB ?
Quels sont les contacts avec votre homologue wallonne en matière d’expérimentation des territoires zéro chômeur de longue durée ? Avez-vous harmonisé les concertations avec cette entité fédérée ? Ceci apporterait probablement plus de poids pour demander à l’État fédéral d’envisager plus sérieusement un financement juste de ce dispositif.
Enfin, lors d’une interpellation parlementaire, vous avez répondu espérer que l’expérimentation soit lancée d’ici à la fin de la législature. Cet espoir est-il toujours d’actualité ? Si oui, il est grand temps de le mettre en pratique.

La réponse du Ministre : 

Je vous remercie de revenir régulièrement sur les territoires zéro chômeur de longue durée , sujet effectivement inscrit dans la déclaration de politique régionale, qui prévoit le lancement d’une expérimentation en la matière.
Lors du dernier conclave budgétaire, le gouvernement fédéral a pris des décisions pour participer à ce projet ou le mettre en œuvre. Le ministre fédéral de l’Économie et du Travail, M. Dermagne, a obtenu un budget pour soutenir les Régions dans la mise en place de territoires zéro chômeur de longue durée , puisque la Région wallonne et la Région bruxelloise s’y intéressent activement. Le montant de ce budget s’élevant à 2 millions d’euros pour toute la Belgique, nous sommes loin de sa réalisation.
En Région bruxelloise, nous avons activement étudié la mise en œuvre de ce projet. Actiris a financé des études très complètes à ce sujet et a mené un travail réflexif important pour appréhender l’importation du modèle français en Région bruxelloise ; il a commandé différentes études qui ont toutes abouti en 2020-2021 et que nous avons lues avec intérêt. Il s’agit d’une étude menée par les économistes de Solvay/ULB, d’une analyse de faisabilité juridique du Centre de droit public de l’ULB – toutes deux accessibles en ligne -, d’une analyse coût-bénéfice des économistes du travail de la Katholieke Universiteit Leuven et, enfin, d’une analyse prospective des activités économiques que les entreprises à but d’emploi bruxelloises pourraient réaliser, effectuée par un consortium d’acteurs sociaux coordonné par la Concertation des organisations représentatives de l’économie sociale.
Toutes nos études ont été rendues publiques et ont été transmises aux différentes parties intéressées par le sujet, dont mon homologue wallonne, Mme Morreale, qui les a sans doute exploitées pour mettre en œuvre son projet, et le ministre fédéral de l’Emploi Pierre-Yves Dermagne.
Je vous ai déjà fait part des concertations régulières qui se sont tenues sur ce projet aussi bien avec la ministre Morreale que le ministre Dermagne.
La Région wallonne, quant à elle, a lancé une initiative propre financée par le Fonds social européen plus en s’appuyant sur les dispositifs existants d’insertion ; elle n’a donc pas créé quelque chose de nouveau. En Région bruxelloise, cela correspond aux dispositifs d’économie sociale qui relèvent des moyens budgétaires importants que nous accordons annuellement à ce type d’opérateurs.
Les spécificités wallonnes et bruxelloises sont trop disparates pour mettre en œuvre des dispositifs en tous points similaires. Mais les deux Régions conservent la philosophie initiale et les critères intrinsèques de l’expérimentation française : personne n’est inemployable, et des activités utiles socialement existent. Comment rendre possible la mise à l’emploi d’un plus grand nombre de chercheurs d’emploi, notamment de longue durée, à partir de ce constat ?
Je vous ai indiqué que j’espérais mettre en œuvre des projets dans le cours de cette législature, indépendamment de l’attente de moyens libérés par le niveau fédéral. Conformément aux priorités fixées par le gouvernement, nous avons lancé un appel à candidatures ce 6 mars aux communes concernées par la quatorzième série de contrats de quartier durable. En collaboration avec le ministre-président qui mène ce projet, nous avons inscrit dans ces contrats de quartier des projets de type territoire zéro chômeur de longue durée. Nous avons invité les communes, dans le cadre du déploiement de leur contrat de quartier, à permettre de tels mécanismes.
La portée est moindre que celle des projets français qui visent 100 équivalents temps plein et coûtent environ 5 millions d’euros par an et par projet, pendant cinq ans, avec l’espoir que les emplois soient progressivement financés par des recettes propres. Ces montants sont importants et représentent tous les moyens des contrats de quartier. Seule une participation du niveau fédéral nous permettrait de trouver des moyens budgétaires équivalents aux allocations de chômage épargnées par la mise à l’emploi des chômeurs de longue durée.

Dans le cas des contrats de quartier, les dossiers seront introduits au 31 mai. Nous verrons alors l’écho obtenu auprès des communes et de leurs partenaires de développement local.
Il est vrai que, pendant trop longtemps, Actiris ne s’est pas assez occupé des chercheurs d’emploi de longue durée et s’est concentré sur les nouveaux inscrits, les jeunes. Aujourd’hui, nous avons bel et bien la volonté de nous occuper aussi de ce public, au moyen de divers mécanismes, notamment le futur bilan de compétences qui permettra de les réorienter vers des trajets personnels de formation et de retour à l’emploi, et à travers la mise en œuvre de territoires zéro chômeur, même à titre expérimental, avant d’examiner s’ils peuvent être déployés plus largement en Région bruxelloise.

Et ma réplique :

 Je note que le lancement d’un appel à projets avec une échéance au 31 mai a été envoyé aux communes. J’ose espérer que ces dernières ont été bien informées de l’objectif, même s’il est bien en deçà du territoire zéro chômeur de longue durée dans le cadre des contrats de quartier. Je connais les contraintes, que vous avez d’ailleurs mentionnées ; elles ne dépendent pas que de la Région, puisqu’il faut un cofinancement pour pouvoir expérimenter ces dispositifs de territoire zéro chômeur de longue durée.

Je déplore aussi le fait que, bien que le dispositif soit inscrit dans la déclaration de politique générale, il ne puisse peut-être pas être expérimenté dans le courant de l’actuelle législature. Il faudra en effet attendre les retours de l’appel à projets et les offres communales. Et il s’inscrit de toute façon dans le cadre de contrats de quartier, ce qui est encore un tout autre contexte.

Je suis quelque peu déçue que Bruxelles ne saisisse pas cette occasion de voir si l’initiative fonctionne, car, pour savoir si le modèle est transposable, il faut au moins l’expérimenter. Mais 2 millions d’euros sont en effet insuffisants.

M. Bernard Clerfayt, ministre : Pour le pays entier.

Mme Farida Tahar : Donc j’imagine qu’il s’agit d’environ 500.000 à 700.000 euros par Région. Je ne peux toutefois que vous inciter à poursuivre vos pourparlers avec le niveau fédéral afin d’obtenir des moyens supplémentaires.

Je vous encourage aussi à tenter l’expérience, ne serait-ce que dans une commune qui répondrait à cet appel à projets. Il faudrait ensuite en évaluer la portée, pour savoir s’il serait possible de généraliser l’initiative aux autres communes. Certes, ce serait pour après 2024, mais il faudrait au moins que l’on puisse obtenir les moyens supplémentaires, car la Région doit aussi jouer son rôle.

Le service citoyen : vers l’Emploi et la formation professionelle

Ce Mercredi 8 mars, j’interrogeais le Ministre Bernard Clerfayt sur le Service Citoyen à Bruxelles et les perspectives qu’il offre en matière d’emploi, d’insertion professionnelle, de formation.

Retrouvez ici nos échanges à ce propos : 

Récemment, nous avons constaté le renouvellement du poste de dépense de 400.000 euros alloués à l’initiative du service citoyen. Ce service citoyen, s’il faut le rappeler, consiste à proposer aux jeunes (118 en 2022) de participer à un projet commun qui a du sens. S’il leur offre des perspectives de mise à l’emploi ou de réinsertion dans le parcours scolaire, il renforce aussi leur participation à des programmes utiles à la société. Ce service peut s’effectuer dans des domaines variés : la culture, l’éducation, l’environnement, l’aide aux personnes ou encore l’éducation sportive. Autant de projets porteurs et nécessaires, qui offrent de réelles perspectives.

Les chiffres sont réjouissants : 75 % des jeunes qui sortent du service citoyen reprennent des études ou retrouvent du travail. De telles initiatives, quand elles sont encadrées, suivies et évaluées, donnent des résultats particulièrement encourageants, surtout si la démarche est volontaire. Offrir des perspectives aux jeunes en favorisant leur insertion dans le marché de l’emploi est primordial !Si nous pouvons nous réjouir de l’ensemble de ces avancées, il convient toutefois de vous interroger sur divers points.Le programme de service citoyen offre un ensemble de formations nécessaires pour favoriser la mise à l’emploi. Elles doivent cependant respecter des critères d’utilité et d’adaptabilité. La formation n’est en effet pertinente que si elle est adaptée aux besoins du public cible. Dans quelle mesure les différents profils sont-ils pris en considération dans l’offre de formations ?
Nous savons que ce dispositif est aussi mis en œuvre en Wallonie. Êtes-vous en contact avec vos homologues wallons afin de partager les constats, les évaluations et les éventuelles pistes d’amélioration du dispositif ?
Dans quelle mesure est-il prévu d’étendre le nombre d’organismes participant à ce projet commun ?
Les métiers porteurs ou en pénurie sont-ils concernés par le service citoyen ? Comment ces métiers sont-ils intégrés au dispositif ? Quelles actions sont-elles mises en place pour assurer le suivi des jeunes ayant terminé cette période de service citoyen ?
Dans quelle mesure sont-ils accompagnés dans leur recherche d’emploi, de formation ou de poursuite du cursus scolaire ?

La réponse du Ministre : 

Si la vocation générale du service citoyen, d’ailleurs soutenu par le gouvernement, m’enthousiasme, ce service n’a toutefois pas pour premier objectif la mise à l’emploi. Ce projet vise, avant tout, plus globalement, à favoriser le développement personnel des jeunes ainsi que leur intégration dans la société, grâce à l’apprentissage de règles de travail collectif et d’une implication sociale. Le but est de faire d’eux des citoyens actifs, critiques, solidaires et responsables.
Nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises, le service citoyen vise quatre objectifs principaux :
– le développement personnel : mieux se connaître, mieux interagir avec les autres et définir les bases de son projet de vie (émancipation, capacitation) ;
– la cohésion sociale : rencontre, échange et création de liens entre individus aux profils socioculturels différents,
– la citoyenneté ;
– la solidarité.

Des formations sont effectivement données par des organisations et groupements de jeunesse partenaires, des associations d’éducation permanente ou des ASBL. Elles portent sur des thèmes transversaux et questions de société prégnantes, mais elles ne sont pas orientées vers les métiers. Ces formations touchent à des thèmes de société généraux qui interpellent les jeunes, comme les enjeux climatiques ou la lutte contre la précarité. Elles leur offrent une meilleure compréhension de la société au sein de laquelle ils peuvent ainsi mieux trouver leur place. Les thèmes vont de l’interculturalité à l’environnement, en passant par le climat, la mobilité, le bien-être, l’entrepreneuriat, le genre, les médias, la citoyenneté, l’intergénérationnel et les premiers secours (par la Croix-Rouge). L’objectif est de leur apprendre quelque chose, de susciter le débat, les réactions et l’implication des jeunes sur ces questions.
Concernant le public et l’adaptation des formations à ce dernier, le programme de formation du service citoyen est quasi identique pour tous, mais les méthodologies d’intervention, les partenariats et l’accompagnement des jeunes par les équipes permettent de s’adapter au mieux aux attentes et profils des jeunes concernés.
Un tronc commun de formations est dispensé par des opérateurs extérieurs sur la base de méthodes actives et participatives. Chaque jeune peut également choisir deux formations dans un panel de huit à quinze thématiques, en fonction du nombre de promotions de jeunes en cours. Ces thématiques doivent au moins répondre à un des quatre objectifs généraux de la plateforme – développement personnel, cohésion sociale, citoyenneté engagée, solidarité – ou correspondre aux centres d’intérêt des jeunes, en fonction de leurs vécus et des thématiques d’actualité.
Les formations s’adressent à des groupes mixtes de jeunes faiblement qualifiés et d’autres qui le sont fortement et adoptent une stratégie de nécessaire bienveillance en raison des parcours personnels des jeunes, parfois particulièrement délicats.
Concernant notre contact avec la Région wallonne, des échanges se tiennent entre mon cabinet et celui du ministre-président wallon pour échanger les résultats et les bonnes pratiques. L’opérateur qui travaille sur les deux Régions y est bien accueilli et la coordination est bel et bien là avec la Wallonie.

Vous me demandez s’il est prévu d’étendre le nombre d’organismes participant à ce projet commun. Le service citoyen dispose déjà d’un réseau impressionnant de partenaires à Bruxelles et en Belgique. Il s’appuie sur plus de 850 organisations d’accueil qui sont des ASBL, des services publics (communes, CPAS, provinces, intercommunales) ou des sociétés à finalité sociale. Plus de 1200 missions sont ainsi proposées sur l’ensemble du territoire belge, dans les secteurs de l’environnement, de l’aide aux personnes, de la culture et de l’éducation par le sport. La liste des partenaires se trouve sur le site service-citoyen.be.
À ces partenaires d’accueil s’ajoutent les partenaires de formation et les partenaires de mobilisation et d’orientation, parmi lesquels Actiris, Bruxelles Formation et la Cité des métiers de Bruxelles . Dans le cadre du service citoyen, le jeune recevra une ou deux séances de ces organismes publics pour un premier contact et une préparation à un travail de formation professionnelle ou d’incitation à l’emploi.
La croissance de l’offre de missions et donc du nombre de ces partenariats dépend du financement disponible. Comme je l’ai déjà mentionné lors de précédentes questions parlementaires, la contribution financière de la Région reste constante en vue de maintenir l’offre. Je souhaiterais l’augmenter si l’ensemble des priorités me le permettaient. C’est d’ailleurs le cas de tous les postes sur lesquels vous m’interrogez, mais il faut tenir compte des réalités budgétaires de la Région.
Vous m’interrogez sur le lien entre le service citoyen et les métiers porteurs ou en pénurie. Comme je l’ai évoqué, le service citoyen n’a pas de visée de formation professionnelle directement orientée vers un métier. Il ne délivre pas de certification qualifiante. Les actions de formation portent sur l’acquisition de compétences générales en lien avec la mission dans les secteurs suivants : aide aux personnes, accès à la culture et à l’éducation, environnement et éducation par le sport.
En fin de mission, le jeune aura acquis des compétences qui lui permettront de poursuivre son parcours dans ces domaines. Il s’agit surtout de compétences personnelles. Il aura pu améliorer son interaction avec les autres, sa capacitation, il aura pris confiance en lui, se saura désormais capable de prendre la parole en public, de donner un exposé ou de mener un projet à terme. Toutes ces aptitudes sont nécessaires à la poursuite de son projet de formation professionnelle, d’étude ou de recherche d’un emploi.
Quant aux actions mises en place pour assurer le suivi des jeunes ayant terminé le service citoyen, celui-ci se termine après six mois et il n’y a pas de suivi continu au-delà de cette période. Une enquête de suivi est envoyée à chaque participant six mois après la fin du service. Pour bénéficier d’un accompagnement vers l’emploi, le jeune doit s’adresser aux opérateurs publics spécialisés, qu’il abordera sans doute avec plus d’assurance et de connaissance grâce au service citoyen.
Un partenariat entre Bruxelles Formation et le service citoyen facilite l’accès aux formations qualifiantes des jeunes l’ayant accompli. Une convention lie le service citoyen et Bruxelles Formation pour l’accueil de 120 jeunes de 16 à 25 ans.
Le service citoyen ne relève pas explicitement des compétences régionales, ce n’est pas un opérateur de mise à l’emploi, mais le gouvernement bruxellois lui assure un financement annuel de 400.000 euros issu de la stratégie 2030. Je suis globalement très satisfait de ce service et déplore que le contexte budgétaire régional nous offre trop peu de perspectives pour augmenter cette subvention.

Et ma réplique : 

Le service citoyen n’a bien sûr pas pour objectif premier de mettre les jeunes à l’emploi, mais peut constituer un tremplin d’accrochage professionnel, par le biais d’une formation qualifiante.

La mission du service est de mettre des jeunes éloignés de l’emploi en contact avec une société dont ils sont « désaffiliés ». Cette expérience leur permet de retisser des liens. L’objectif est donc la cohésion sociale, mais, dans le cadre de l’évaluation réalisée six mois après la fin du service citoyen, on pourrait réfléchir à renforcer les outils d’accompagnement disponibles pour maintenir la motivation du jeune. Il faut continuer, dans notre démarche volontariste, à leur proposer des offres de formation. Les métiers porteurs et en pénurie que j’évoquais donnent l’occasion d’outiller professionnellement ces jeunes et de les mettre progressivement à l’emploi. Je sais que les moyens sont dérisoires, mais cette réflexion vaut la peine d’être entamée.

 

L’envoi de Cv anonymes pour lutter contre les discriminations sur le marché de l’emploi

Ce mercredi 15 mars 2023, j’interrogeais le Ministre en charge de l’Emploi, Bernard Clerfayt, concernant les discriminations à l’embauche, je rappelais alors les avantages proposés par les CV anonymes. Pour rappel, l’objectif principal de ces CV est de lutter contre les discriminations à l’embauche en se concentrant uniquement sur les compétences, l’expérience et les qualifications du candidat sans prendre en compte des éléments qui pourraient influencer négativement la décision d’un recruteur, tels que l’origine ethnique, le genre ou l’apparence physique.

Une étude française récente montre en effet qu’à CV égal, une personne aux origines maghrébines a 31,5% moins de chances d’être recontactée par un employeur. En Belgique, l’agence de recrutement Accent a lancé un projet pilote proposant de tels CV anonymes, ce afin de lutter contre ce type de discrimination, j’interrogeais donc le Ministre pour savoir si Actiris, l’Office régionale bruxellois de l’emploi, envisageait cette expérimentation.

J’insistais donc sur l’importance de mener une réflexion quant à l’usage de ces CV anonymes, en particulier pour aider les demandeurs d’emploi qui peinent à franchir la première étape de sélection.

Dans sa réponse, le Ministre écarte cependant cette solution, précisant qu’elle ne fait que reporter la discrimination à plus tard dans le processus de recrutement.

Je déplore que la Région ne puisse pas envisager de revenir sur la décision prise par Actiris, qui avait expérimenté cette solution il y a quinze ans, et j’invite à la mise en place d’une stratégie régionale ambitieuse pour lutter contre la discrimination à l’embauche et promouvoir la diversité dans l’emploi. Je souligne par ailleurs le fait que les employeurs ne sont pas les seuls responsables des discriminations, et que la lutte contre celles-ci doit s’appuyer sur des partenariats solides avec les entreprises. « Mon objectif est la mise à l’emploi des personnes, qu’elles soient sous-qualifiées ou non. Il est vrai que beaucoup de jeunes sous-qualifiés, surtout des hommes, nécessitent une stratégie structurelle et globale pour répondre aux besoins du demandeur d’emploi, mais aussi de l’entreprise », déclare-je.

Retrouvez-ici, les échanges avec le Ministre durant cette Commission des Affaires économiques et de l’Emploi :

Mme Farida Tahar (Ecolo) : Monsieur le Ministre,

Récemment, nous avons appris que l’agence de recrutement Accent allait proposer des curriculums vitae (C.V.) anonymisés afin de lutter contre les discriminations à l’embauche. Une dizaine d’entreprises ont accepté de participer à ce projet pilote et ont été rejointes très rapidement par de nombreuses autres. Ces C.V. anonymes contribuent à lutter contre l’une des premières formes de discrimination enregistrées sur le marché du travail, celle qui se base sur le nom, c’est-à-dire l’origine ethnique. Une récente étude française révèle en effet qu’à C.V. égal, une personne dont le prénom renvoie à des origines maghrébines, par exemple, a 31,5 % moins de chances d’être recontactée par un employeur. Cette expérience, Actiris, l’Office régional bruxellois de l’emploi, l’avait déjà menée il y a une quinzaine d’années. Il y avait cependant renoncé en raison de la méfiance des employeurs, mais aussi de discriminations plus tardives dans le processus de recrutement. L’Office précisait alors privilégier un travail avec les candidats sur la manière dont ils peuvent, au mieux, mettre en valeur leurs qualités. Il évoquait aussi sa façon de collaborer avec les employeurs, en mettant au point des plans de diversité, entre autres. Le représentant d’Accent expliquait quant à lui que, bien que les premières expériences en la matière n’aient pas été concluantes, les mentalités avaient évolué depuis lors. Les services d’Actiris pourront-ils bénéficier d’une nouvelle expérimentation en la matière, avec l’envoi de C.V. anonymes ? Les pénuries de main-d’œuvre sur le marché de l’emploi sont nombreuses. Estimez-vous que l’envoi de C.V. anonymes pourrait en partie répondre à ce problème ?

L’envoi de C.V. anonymes suppose-t-il des moyens organisationnels ou financiers supplémentaires ? Dans la négative, quels sont les éléments qui pourraient nous convaincre de ne pas aller dans le sens de cette anonymisation ? Si l’envoi de C.V. anonymes n’est pas prévu, quels éléments précis expliquent ce refus ? Enfin, quelles mesures privilégiez-vous pour lutter efficacement contre les discriminations à l’embauche ?

 

M. Bernard Clerfayt (Ministre) :

Le nombre actuel de chercheurs d’emploi de plus de 50 ans inscrits chez Actiris au mois de janvier 2023 est de 23.489, sur un total de 88.000. Il s’agit majoritairement d’hommes, insuffisamment qualifiés par rapport au marché du travail ou titulaires de diplômes obtenus à l’étranger, mais sans aucune équivalence. Vous trouverez de plus amples informations à ce sujet sur le site viewstat.actiris.brussels. Le service antidiscrimination d’Actiris est aujourd’hui pleinement opérationnel, et des campagnes de communication sont menées en vue de le faire connaître, tant en interne qu’auprès des partenaires et des chercheurs d’emploi. S’agissant du recours aux C.V. anonymes, Actiris a mené une réflexion très approfondie sur l’opportunité de ce dispositif. Vous mentionnez l’initiative privée prise par le bureau de recrutement Accent de proposer des C.V. anonymes afin de lutter contre les phénomènes de discrimination à l’embauche. Je ne peux que saluer la prise en considération de ces phénomènes par des opérateurs privés, mais je précise que le C.V. anonyme n’est pas un remède miracle pour lutter contre la discrimination à l’embauche. Accent opte pour cette approche dans son secteur, qui est très concurrentiel. Par conséquent, l’employeur aux velléités discriminatoires pourra s’adresser à un autre bureau. Ainsi, peut-être qu’une partie du marché fonctionnera mieux, mais pas l’autre. Ce système n’a pas un caractère suffisamment contraignant ou exhaustif, il ne peut toucher l’ensemble du marché de l’emploi. Par ailleurs, l’expérience d’Actiris nous montre que les C.V. anonymes reportent les phénomènes discriminatoires aux étapes ultérieures des processus de recrutement, sans les supprimer. À cet égard, je vous renvoie aux débats que les membres de la présente commission ont menés à ce sujet le 9 février 2022 et le 4 mai 2022.

Vous me demandez si les CV anonymes peuvent aider à répondre aux pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs. Il y a pour moi des objectifs bien différents de la mobilisation d’une telle approche pour, d’une part, combler des pénuries de fonctions et, d’autre part, lutter contre les discriminations basées sur les caractéristiques propres d’un chercheur d’emploi. Nous en avons déjà longuement discuté : les pénuries de main-d’œuvre sont multifactorielles et relèvent notamment de dispositions fédérales liées au droit du travail, au mécanisme de concertation sociale, à la rémunération nette, ainsi qu’à d’autres éléments, qui n’ont a priori rien à voir avec les caractéristiques propres des chercheurs d’emploi sur la base desquelles certaines discriminations peuvent s’organiser. L’attractivité des métiers, les conditions salariales ou encore le déficit d’image sont des facteurs qui pèsent beaucoup plus lourd à cet égard. Quant aux mesures à prendre, dans le cas de la garantie solutions employeur que met en œuvre Actiris, le lien de confiance entre les employeurs et le service public de l’emploi doit se renforcer. Croyez bien qu’Actiris mène activement, depuis longtemps, une politique de lutte contre la discrimination. De même, dans le travail de placement des chômeurs et d’orientation des chercheurs d’emploi vers les entreprises, Actiris réalise ce travail au quotidien, emploi par emploi. Il propose des personnes qui ont des qualifications et invite l’employeur à ne pas tenir compte de caractéristiques sur la base desquelles il aurait peut-être construit une stratégie de discrimination. La présélection des candidats par Actiris, au regard des compétences et des profils recherchés est un élément-clé pour minimiser les risques de discrimination à l’embauche.

Et pour finir, ma réplique à la réponse du Ministre :

Je vous remercie pour cette réponse très étayée, comme à l’accoutumée. Je n’ai jamais prétendu que les C.V. anonymes étaient la panacée. J’ai simplement voulu inviter à une réflexion sur l’usage de cet outil à des moments précis. Le but est d’aider les demandeurs d’emploi qui peinent à arriver ne serait-ce qu’à la première étape de sélection, celle de l’obtention d’un premier rendez-vous. Je sais qu’Actiris a pris la décision aujourd’hui de ne pas recourir au C.V. anonyme et je la respecte ; je ne suis d’ailleurs moi-même pas très portée vers cette solution. Toutefois, une agence d’intérim, certes privée, expérimente ce projet pilote – je souligne le terme « pilote », qui implique que le projet doit encore rendre ses conclusions et qu’on se rendra peut-être compte qu’il ne s’agit pas d’un outil efficace. Je déplore que la Région ne puisse lui emboîter le pas et envisager de revenir sur la décision prise par Actiris, qui avait déjà expérimenté cet outil il y a quinze ans. Il est évident qu’à côté de cela, Actiris, notamment au travers de son service inclusif antidiscrimination, réalise un travail remarquable avec une équipe dynamique. Enfin, il est à souligner que la lutte contre les discriminations, ne consiste pas à trouver un bouc émissaire et faire la chasse aux employeurs. Dans le cadre de ce projet pilote, les employeurs eux-mêmes sont parties prenantes, ils acceptent de jouer le jeu. Mon objectif est la mise à l’emploi des personnes, qu’elles soient sous-qualifiées ou non. Il est vrai que beaucoup de jeunes sous-qualifiés, surtout des hommes comme vous le dites, nécessitent une stratégie structurelle et globale, pour répondre aux besoins du demandeur d’emploi, mais aussi de l’entreprise. Je n’ai donc pas de problème avec les entreprises, qui sont des partenaires et parfois même des amis. Ma famille compte d’ailleurs des indépendants et des chefs d’entreprise. Je souhaite simplement pouvoir limiter le taux de chômage, qui reste important à Bruxelles.

La formation des métiers de la Construction

Ce 25 janvier 2023, j’avais l’occasion d’interroger le Ministre bruxellois en charge de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Il était important pour moi de l’interroger sur cette question des métiers en pénurie et/ou porteurs en Région bruxelloise. Plus de 113 métiers sont recensés en tant que telles, ces emplois représentent de véritables chances d’intégration durable sur le marché du travail. Or malgré cette pénurie, les employeurs éprouvent encore beaucoup de difficultés à récruter. Il nous faut apporter une réponse efficace tant aux demandeurs d’emplis qu’aux employeurs potentiels.


Ma question au Ministre : 

Les métiers de la construction sont confrontés à de nombreuses difficultés de recrutement. Comme vous le savez, Actiris publie annuellement une liste des fonctions critiques, reprenant les métiers en pénurie ou porteurs en Région bruxelloise. Cette année, les métiers de la construction font partie des 113 métiers répertoriés. Selon Actiris, si les employeurs éprouvent des difficultés à recruter dans le secteur de la construction, c’est pour des raisons d’ordre à la fois quantitatif et qualitatif. En effet, pour la majorité des métiers de la construction, il y a trop peu de candidats et ceux qui sont disponibles et prêts à travailler, ne disposent pas de la formation nécessaire et pertinente pour ces métiers. Il existe donc une forte demande pour la formation des demandeurs d’emploi. À l’occasion de la déclaration de politique générale, le gouvernement bruxellois s’était engagé à mettre en place un pôle formation-emploi, notamment dans le secteur de la construction. Nous saluons d’ailleurs la création de construcity.brussels, en 2021, qui répond à cet engagement dans une vision d’accompagnement et de formation des demandeurs d’emploi. Certes, les formations permettent de revitaliser les secteurs, mais surtout, elles augmentent les opportunités d’embauche. En 2021, Bruxelles Formation comptabilisait 476 demandeurs d’emploi qui suivaient une formation dans le secteur de la construction. Néanmoins, force est de constater que la réponse aux demandes de formation n’est pas satisfaisante. Le secteur de la construction recherche toujours de la main-d’œuvre dans plus de 24 métiers porteurs ou en pénurie. Nous devons impérativement rendre l’offre de formation plus attrayante. Actiris parle de fonctions critiques ou, parfois, de métiers en pénurie. Comment sont définies ces fonctions critiques ? Disposez-vous de chiffres relatifs aux formations pour les métiers de la construction déjà mises en place, ainsi qu’au nombre de demandeurs d’emploi qui les ont suivies ?

Sa réponse : 

La problématique des métiers en pénurie et en particulier des métiers de la construction ne date pas d’hier. Ce problème est présent tant en Wallonie, en Flandre que dans d’autres pays comme la France, les Pays-Bas, l’Angleterre, l’Allemagne, etc. Les causes en sont multifactorielles et ne sont pas spécifiques à la Région bruxelloise. Elles ont trait aux conditions salariales, fiscales, à l’organisation du travail, aux conventions collectives, à l’image des métiers, aux donneurs d’ordre, etc. Tous les instruments pour agir sur cette pénurie ne sont donc pas aux mains de la Région ou de la formation. En Région bruxelloise, nous avons mis en place une nouvelle structure innovante qui réunit les acteurs publics de l’emploi et de la formation professionnelle et les acteurs professionnels du secteur privé. Nous avons créé un pôle formation-emploi, une asbl, une structure juridique, ainsi qu’un site internet construcity.brussels qui donne nombre d’informations sur les métiers, à la fois sur la gestion des formations continues des travailleurs du secteur pour améliorer leur formation aux métiers nouveaux, aux compétences vertes qu’ils doivent acquérir pour mettre en œuvre le plan Rénolution, mais aussi sur les formations pour les chercheurs d’emploi ou les chercheurs de formation pour accéder aux métiers du secteur.

C’est une dynamique nouvelle, mise en place il y a quelques années, qui est en cours de déploiement. Elle fonctionne, même s’il est peut-être encore trop tôt pour l’évaluer globalement. Toutefois, nous croyons que c’est la meilleure manière de mettre ensemble les compétences de chacun. Les acteurs du secteur privé savent faire la veille sur les orientations qu’il faut donner aux métiers et les besoins quantitatifs et qualitatifs des travailleurs et des formations, et nous mettons à leur disposition les moyens financiers d’Actiris, de Bruxelles Formation et du VDAB, auxquels s’ajoutent les moyens financiers des fonds sectoriels de formations qui permettent de construire une offre de formations adaptée aux réalités.

J’en viens à votre question sur les fonctions critiques et les métiers en pénurie, des termes qui ne sont pas toujours utilisés de façon adéquate. Les fonctions critiques sont les métiers pour lesquels les employeurs et employeuses rencontrent des difficultés de recrutement. Ces difficultés sont catégorisées selon trois ordres, qui peuvent être cumulés. Ainsi, elles peuvent être d’ordre quantitatif (pas suffisamment de candidats ou candidates), qualitatif (un net décalage entre le profil des candidats et candidates et les attentes des employeurs, c’est d’ailleurs là qu’intervient la reconnaissance des diplômes) ou liées aux conditions de travail (manque d’attractivité des rémunérations, horaires de nuit, travail à l’extérieur, pénibilité du travail).

En bref, soit il n’y a pas suffisamment de candidats, soit les candidats que l’on trouve n’ont pas le profil ou n’acceptent pas les conditions qui leur sont proposées. Les métiers en pénurie sont les fonctions critiques qui le sont pour des raisons quantitatives. La détermination de la liste des fonctions critiques est le résultat d’une analyse des offres d’emploi – en matière de volume, de durée et de satisfaction – qu’Actiris reçoit et d’une consultation de terrain par les services d’Actiris. Je précise qu’Actiris ne dispose pas de l’ensemble des offres d’emploi qui s’organisent spontanément sur le marché. Actiris ne travaille qu’avec les offres d’emploi qui passent par son propre canal. Il va sans dire que si les employeurs ont du mal à recruter sur le marché en dehors d’Actiris, ils s’adressent à Actiris et on retrouve ces informations dans le flux pouvant être analysées par view.brussels. Actiris complète son information par une consultation des acteurs de terrain. Pour plus de détails sur cette méthodologie, je vous renvoie vers le site d’Actiris et les analyses réalisées par view.brussels.

J’en viens aux métiers en pénurie. Cette dénomination me paraît stigmatisante et je préfère parler de secteur qui recrute : un secteur qui recrute a envie de vous et de vos talents, il est prêt à vous accompagner dans l’acquisition des compétences et dans votre carrière. La construction est donc un des secteurs qui recrutent. Ne disposant pas encore des chiffres de 2022 sur les formations, je me réfère au rapport 2021 de Bruxelles Formation, selon lequel 476 chercheurs d’emploi ont été formés par le pilier formation de Construcity, qui réunit les forces vives dont j’ai parlé. Toutes les formations aux métiers de la construction de Bruxelles Formation s’inscrivent ainsi dans le pôle formation-emploi.

À ces 476 chercheurs d’emploi s’ajoutent des stagiaires formés chez les partenaires de Bruxelles Formation, soit un total, certes insuffisant pour combler les manques, de 813 chercheurs d’emploi formés et 278.970 heures de formation dispensées en centre de formation dans le domaine de la construction en 2021. Quant à d’éventuels dispositifs supplémentaires : des formations supplémentaires sont dispensées dans le cadre de la stratégie Rénolution. Bruxelles Environnement finance en effet construcity.brussels afin de renforcer son offre de formations et de l’adapter aux nouvelles orientations du secteur Rénolution. D’importants moyens issus du budget formation, d’Actiris et de Bruxelles Environnement sont donc alloués pour élargir l’offre de formations à construcity.brussels. En 2022 et 2023, nous avons alloué un budget supplémentaire à construcity.brussels pour améliorer la sélection des candidats aux formations, l’orientation vers ces métiers, la formation des chercheurs d’emploi intéressés par une carrière dans le secteur de la construction… Ce budget supplémentaire a aussi pour objectif de soutenir construcity.brussels dans la prospection en entreprises afin d’alimenter cette formation de stages en entreprise et en insertion, ainsi que dans l’élaboration, en collaboration avec les secteurs ou les professionnels, de parcours de formation sur mesure, adaptés aux besoins des entreprises.

[…]

La Région bruxelloise veille à accorder des moyens suffisants à ces actions, dans les limites de l’équilibre budgétaire régional qui sert d’autres politiques tout aussi souhaitables. J’en viens aux questions qui ne tombent pas dans le champ des compétences régionales. Des questions subsistent en effet au sujet des conditions de travail. À cet égard, le secteur ne met pas tant en avant les conditions de rémunération, un peu supérieures à la moyenne des métiers techniques, que d’autres éléments justifiant ce supplément de rémunération : la pénibilité, les horaires, les conditions de travail à l’extérieur.

Toutefois, il ne faut pas aggraver ces conditions, car un nombre croissant de métiers de la construction ont recours à la technologie. Oubliez l’image du maçon qui porte des briques sur l’épaule ou qui déplace des tas de sable à la main. C’était le cas il y a une trentaine d’années, mais maintenant, la technologie est aussi présente dans ce secteur et y réduit la pénibilité, beaucoup d’éléments étant notamment préparés en usine. Le travail est donc beaucoup plus technique, plus qualitatif et justifie dès lors de meilleures conditions de travail et une meilleure rémunération. Il convient ainsi de travailler sur l’image de ces métiers. Nous avons organisé des tables rondes sur les métiers en pénurie, dont les conclusions doivent être finalisées avec les secteurs. L’un des principaux aspects à retenir, a fortiori dans la construction, sera d’œuvrer à l’image et à l’attractivité du secteur, en montrant les emplois modernes qu’il propose. En effet, de belles carrières sont à faire, avec toutes les technologies qu’il déploie pour satisfaire aux exigences de Rénolution et à toutes nos ambitions de disposer d’un bâti plus technologique et de meilleure qualité.


J’ai pu remercier le Ministre pour sa réponse particulièrement complète. Je relevais cependant le fait que ce secteur n’est toujours pas assez attractif. Un dispositif inédit a été mis en place et c’est très bien, il nous faudra cependant l’évaluer. Aujourd’hui encore nous entendons des personnes nous rapporter la précarité de certains de ces métiers, les difficultés pour des employeurs a embaucher, même en ayant contacté Actiris ou Bruxelles Formation. Nous devons donc prendre la mesure de cette problématique et tenter d’y répondre le plus rapidement possible. Cette situation n’a que trop duré.

L’évaluation de la réforme des contrats «article 60»

Ce 25 janvier, j’avais l’occasion d’interpeller le Ministre Bernard Clerfayt, en charge notamment de l’emploi et de la formation professionnelle concernant l’évaluation de la réforme des contrats dits « articles 60 » ainsi que de l’impact de ce dispositif sur les chercheurs d’emploi qui bénéficient du Revenu d’Intégration Sociale (RIS), 


Voici mon intervention : 

Le 1er janvier 2023 marque les trois ans de l’entrée en vigueur de la réforme du dispositif article 60. Je souhaite donc me saisir de cette occasion afin de vous interroger, une fois de plus, sur son avancement et les constats que vous avez déjà pu observer.

À l’occasion de la Déclaration de Politique Générale, le Gouvernement s’engageait à : «poursuivre les réformes initiées en matière d’aide à l’emploi […] pour les personnes sous statut dit « article 60 ». Ces réformes seront évaluées dans le courant de la législature. Le service LINK d’Actiris se verra renforcé pour améliorer encore les fins de parcours des personnes sous statut dit « article 60 » en vue de faciliter leur retour sur le marché de l’emploi».


Les contrats « article 60 », contrats de travail conclus entre le CPAS et les bénéficiaires, permettent, en effet, d’acquérir une expérience professionnelle. Cependant, ils ont parfois, comme simple vocation la récupération des droits au chômage ou
le fait d’y accéder tout simplement. La dimension « formatrice » des contrats « article 60 » est donc malheureusement parfois négligée. Or, la réforme des contrats d’insertion a comme vocation de renforcer le volet qualitatif des dispositifs article 60, notamment, en ce qui concerne l’offre de formation. Ce que nous ne pouvons que saluer. Néanmoins, il ne faut pas oublier le caractère, malheureusement, précaire des contrats article 60. Les travailleurs ne sont pas certains de trouver un emploi durable après leur contrat d’insertion, le retour au chômage est de courte durée et à terme, ils se retrouvent, pour la plupart, de retour à la case de départ. Certes, il est primordial de soutenir la mise à l’emploi, mais, il est encore plus important de fournir des emplois de qualité ! Car la mise à l’emploi ne doit pas se faire au détriment de la durabilité et de la qualité de l’emploi. Les contrats d’insertion « article 60 » doivent mener à une véritable mise à l’emploi.

En Commission des Affaires économiques et de l’Emploi de ce 25 janvier 2023, j’interrogeais le Ministre Bernard Clerfayt avec les questions suivantes : 

  • Lorsque je vous ai interpelé il y a un an, sur ce même sujet , vous nous aviez informés qu’une évaluation ne serait pas faite avant 2022. Depuis lors, une évaluation a-t-elle été effectuée ? Si oui, par qui et quels en sont les résultats ?

  • Disposez-vous des chiffres relatives à la réinsertion professionnelle des bénéficiaires du RIS ayant travaillé sous contrat d’insertion « article 60 » ? Combien de personnes sont actuellement employées sous ces contrats ?

  • Lors de votre réponse à ma dernière demande d’explication sur ce sujet, vous aviez répondu que les personnes concernées par ce dispositif d’insertion, ne tiraient pas profit de cette période pour améliorer leurs qualifications professionnelles. Je vous demande alors ce qu’il est prévu pour les personnes sous contrat article 60 en termes de formation ? Des dispositifs de formations sont-ils mis en place pendant leur période d’emploi sous contrat « article 60 » pour accroître leurs qualifications ?

  • À l’occasion de l’étude et des discussions concernant la présentation budgétaire pour cette année 2023, nous observions une augmentation du budget alloué aux dispositifs de mise en œuvre des contrats d’insertion « article 60 ». Nous constations alors une augmentation de 28 % des subventions de fonctionnement accordées aux ASBL privées, « liées à l’ordonnance concernant l’économie sociale » ainsi qu’une augmentation de 58% du montant des subventions de fonctionnement accordées aux « ASBL des pouvoirs locaux liées ». Comment le budget alloué va-t-il être utilisé dans le cadre des contrats « article 60 » ? Quel sera le budget alloué au volet qualitatif de la réforme ?

 

Ainsi que la réponse du Ministre :

 

Il y a trois ans est entrée en vigueur la réforme des emplois d’insertion portée par mon prédécesseur, M. Gosuin, et votée à la fin de la législature précédente. Nous avons alors voulu privilégier la notion d’emplois d’insertion plutôt que de parler d’article 60.
Nous avions pour ambition d’accroître la reprise en emploi des personnes accompagnées par les CPAS. L’objectif était de faire en sorte que les CPAS atteignent un taux de 10 % pour cette catégorie de personnes qui, chaque année, sont prises en charge en vue d’améliorer leur insertion dans l’emploi.

Une deuxième ambition forte était d’améliorer leurs conditions de rémunération, car chaque CPAS avait des politiques et des usages différents en la matière. La plupart des personnes concernées sont peu qualifiées et
étaient rémunérées selon différents barèmes. Nous avons voulu que toutes ces personnes perçoivent une rémunération de niveau D.

Troisièmement, pour maintenir ces personnes dans l’emploi au-delà de cette période minimale pour couvrir leur droit au chômage, il fallait améliorer leur formation et faire en sorte qu’à la fin de la période d’accompagnement des emplois d’insertion, ces personnes possèdent de meilleures compétences, afin d’augmenter leurs chances de trouver un emploi ultérieurement. J’aimerais à ce sujet rappeler que le fait de retrouver pleinement les droits au chômage et à l’accompagnement y afférent – cet accompagnement est garanti par le CPAS – est déjà un élément positif, même s’il est insuffisant. Cette réforme portait donc de fortes ambitions. Toutefois, pour être franc, les chiffres ne sont pas à la hauteur de nos ambitions, tout simplement parce que l’entrée en vigueur de la réforme a coïncidé avec le début de la crise sanitaire, une crise qui a ralenti l’activité économique et la prise en emploi et qui a eu des répercussions sur le chômage et sur le nombre de cessations d’activité. Il est donc très compliqué d’estimer les causes de cet échec relatif. Est-il imputable uniquement à la crise  sanitaire, à d’autres éléments du mécanisme ou à une combinaison de plusieurs facteurs ? Nous n’y voyons pas clair, de sorte que nous ignorons ce qu’il faut réformer exactement. Pour bien faire, il faudrait un diagnostic sérieux et pertinent.

Je suis en discussion avec les CPAS sur la question : les CPAS étant financés à concurrence de la réalisation de leurs objectifs, je devrais diminuer leur financement, mais ils demandent qu’il soit maintenu. Il y a donc un dialogue entre le ministre, qui veut faire appliquer les règles, les normes et les contrats, et les CPAS, qui restent nos partenaires et sur qui nous comptons pour mener avec succès cette politique d’insertion de publics très éloignés du marché de l’emploi.
C’est la Fédération des CPAS bruxellois qui mène à bien ce travail d’évaluation. Je lui ai demandé de me faire des propositions sur la base de son expérience et des retours du terrain. Certains CPAS obtiennent en effet de meilleurs résultats que d’autres. Il y a donc lieu de voir quelles stratégies ont le mieux fonctionné ou si certaines réalités socioéconomiques locales entraînent des différences. Autant d’éléments pertinents et nécessaires pour adapter le mécanisme de façon intelligente. L’ordonnance du 28 mars 2019 relative au dispositif d’insertion à l’emploi dans le cadre de l’article 60, § 7 que je mets en œuvre, prévoit l’élaboration d’un rapport annuel transmis au Parlement. Le rapport 2022 a été transmis au Parlement le 25 novembre dernier. Vous y retrouverez le détail des chiffres pour l’année 2021. En raison de la crise du Covid-19, les chiffres 2021 ne sont bons ni pour l’emploi en général, ni pour les emplois d’insertion.

Le rapport 2023 donnera les chiffres pour l’année 2022, que nous collationnons actuellement auprès des CPAS. Je dispose déjà de quelques données non encore définitives, que nous n’avons pas encore insérées dans le rapport : pour 2022, le dispositif concerne 4.410 bénéficiaires. Pour le seul mois d’octobre – le dernier pour lequel je dispose de chiffres -, il concerne 2.358 personnes. Pour le détail statistique, nous pouvons attendre le rapport, ou vous pouvez poser une question écrite. Pour 2020, par contre, 41 % des bénéficiaires sortant du dispositif des emplois d’insertion ont décroché un travail dans l’année qui a suivi. Nous pouvons nous réjouir de ce pourcentage, mais aussi estimer qu’il est possible de l’améliorer et nous interroger sur la façon de l’améliorer en fonction du profil des personnes prises en charge, du profil de formation, des secteurs ou encore des partenaires qui embauchent sous contrat « article 60 ».

La réforme a bien instauré un plan d’acquisition des compétences, qui impose au partenaire prenant quelqu’un en emploi d’insertion de lui assurer une formation. En effet, cet emploi ne peut consister uniquement à effectuer des tâches simples, rapides et peu coûteuses : il faut que l’intéressé acquière des compétences. Ce plan reçoit un soutien financier de la Région de 3.000 euros maximum. En 2021, 1.587 plans d’acquisition de compétences ont été déclarés par l’ensemble des dix-neuf CPAS bruxellois pour 467 travailleurs, et ce, pour des formations très variées. Les 3.000 euros visent à payer l’entrée en formation des personnes qui, pendant une fraction du temps, ne travaillent pas chez le partenaire.
Ainsi, j’ai invité les CPAS à me faire des propositions d’amélioration pour dynamiser l’utilisation de la prime formation. Le catalogue des formations financiables pourrait ainsi être élargi en fonction des profils des personnes qu’ils sont amenés à traiter.

Concernant l’augmentation des articles budgétaires inscrits au budget 2023, le budget régional alloué au financement des emplois d’insertion visés à l’article 60 reste stable et est seulement calculé sur la base :
– de l’occupation effective du nombre de postes. Comme les postes sont moins nombreux que prévu, il n’y a pas de raison d’augmenter le crédit budgétaire ; en effet, celui-ci ne sera pas dépensé tant que nous n’avons pas de proposition pour rendre cette politique plus efficace ;
– des préfigurations du service public de programmation Intégration sociale sur le nombre de personnes prises en charge par les CPAS. Il s’agit d’un budget global de 65,17 millions d’euros, dont 1,40 million d’euros pour la prime aux CPAS, puisque la Région intervient dans leurs frais administratifs à concurrence de 350 euros par emploi d’insertion. Sachant que la politique de l’emploi représente environ 1 milliard d’euros, ce budget de 65 millions d’euros pour la politique « article 60 » n’est pas négligeable.

Le budget régional alloué au financement de l’encadrement des entreprises sociales d’insertion a été augmenté de 6 millions d’euros, tous types d’entreprises confondus, portant le budget 2023 à 20,30 millions d’euros. C’est un écosystème : ces entreprises, qui sont financées pour mettre à l’emploi des personnes éloignées du marché du travail et les former, sont souvent celles qui prennent en formation des travailleurs « article 60 » qui leur sont envoyés par les CPAS. Par ailleurs, les personnes concernées par l’article 60 ne représentent qu’une fraction du public des entreprises sociales d’insertion, qui emploient également des personnes provenant directement d’Actiris ou d’ailleurs.

En conclusion, même si les chiffres sur la mise à l’emploi d’insertion visé à l’article 60 n’atteignent pas encore les ambitions initiales, nous allons continuer à soutenir le développement des compétences de ces Bruxellois au regard d’un projet professionnel leur permettant de s’insérer durablement sur le marché du travail. Les dix-neuf CPAS et leur fédération travaillent de concert en vue de déterminer des points d’amélioration. J’attends d’être saisi de leurs travaux pour m’en emparer à mon tour et, le cas échéant, ajuster le cadre réglementaire. Même si je suis insatisfait des résultats observés, je reste profondément mobilisé par l’accroissement des compétences de ces publics-là afin d’augmenter leurs chances de trouver un emploi et de conserver un partenariat fort avec les CPAS, dont c’est la mission.


 

Ce fut donc l’occasion pour moi de rappeler la nécessité d’aborder le problème de façon structurelle, et cela se fait principalement au niveau fédéral, où la réforme fiscale et sociale est en cours. Toutefois le Ministre bruxellois dispose lui-aussi de moyens, d’un rôle à jouer, au niveau régional. Je l’encourage donc dans cette voie, celle notamment du rehaussement des rémunération au niveau D. Il nous faut rehausser les salaires de manière générale. Il n’est pas normal que des travailleurs qui se lèvent tôt ne perçoivent qu’unsalaire très bas, proche des allocations sociales. Il est donc impératif d’entamer une réflexion globale sur cette question des salaires.