par Farida Tahar | 8 novembre 2022 | Au parlement, Emploi et formation, Parlement Bruxellois, Travail politique
Lors de la commission du 26 octobre passé, j’ai pu interroger le ministre bruxellois, monsieur Clerfayt concernant l’avancement de la réforme des titres-services en Région bruxelloise et son incidence directe sur les travailleuses – 90 % sont effectivement des femmes – en titres-services.
En effet, je souhaitais davantage d’informations sur le volet qualitatif. Le dispositif des titres-services a été conçu pour garantir un travail de proximité et de qualité, et pour lutter contre le travail au noir. Or, nous en sommes encore loin, puisque la pénibilité reste d’actualité pour les travailleuses domestiques dans notre Région. Elle est même en augmentation.
Nous savons par ailleurs que 80 % de ces emplois sont exercés à temps partiel. Le secteur et les syndicats voudraient fixer une durée de travail hebdomadaire minimale.
Si aujourd’hui, je questionnais monsieur le ministre c’est parce que certaines travailleuses domestiques m’ont directement fait part de leur inquiétudes, surtout suite à la sortie de monsieur Clerfayt dans la presse. Il me semblait nécessaire de répondre à ces inquiétudes et non pas d’attendre que le texte soit examiné en commission, ce qui ne devrait pas être le cas avant plusieurs semaines.
Mon questionnement s’inscrit dans le cadre de la déclaration de politique générale. La Région bruxelloise s’est engagée à maintenir ce dispositif, à l’optimiser et à le pérenniser dans un souci de maîtrise budgétaire et d’amélioration des conditions de travail des aides ménagères.
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Le public cible a besoin de formations de base, de formations qualifiantes et de formations continues qui, à moyen ou long terme, lui permettraient d’envisager d’autres fonctions. La réforme doit tenir compte de cet aspect pour éviter de maintenir un public déjà fragilisé dans un secteur pénible sur une carrière complète. Pouvez-vous dès lors nous donner plus d’informations sur le volet formation et le nombre d’heures prévu par an ?
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Où en est l’avancement de la réforme ? Qu’en est-il de son volet qualitatif visant à améliorer les conditions de travail des aides ménagères ?
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Quels mécanismes budgétaires allez-vous activer pour maîtriser les coûts ?
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S‘agissant de la responsabilité et de l’effort collectif que doivent consentir les entreprises réalisant des marges bénéficiaires importantes, quelles seront les conditions d’agrément de celles-ci ?
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À l’instar de la Wallonie, imposerez-vous des obligations quant à la durée moyenne de travail des aides ménagères, par exemple un minimum de dix-neuf heures par semaine ? Dans l’affirmative, pouvez-vous développer ce point ?
Réponse du ministre :
À présent que l’arrêté a été adopté par le gouvernement, les nouveaux tarifs seront d’application dès le 1er janvier 2023. La volonté est en effet d’augmenter le prix pour réduire l’incidence sur le budget de la Région, mais de manière modérée pour ne pas nuire aux familles consommatrices des classes moyennes et maintenir le volume d’emploi implicite.
Le montant de l’économie induite par tous ces mécanismes est estimé à environ 18 millions d’euros pour le budget régional. Certes, cela représente une économie relativement faible, sachant que le montant global est de 400 millions d’euros, pour lequel la Région dépense 250 millions et les ménages paient les 150 millions restants.
Nous voulons encadrer les frais supplémentaires, mieux protéger les femmes qui travaillent dans ce secteur, améliorer les relations de travail et la formation professionnelle pouvant éventuellement mener à d’autres professions, et soulager la pénibilité des prestations pour les femmes qui sont en fin de carrière.
En matière de protection, j’ai entendu une série de remarques et de demandes des syndicats et partenaires sociaux. Il faut mieux protéger les femmes contre certains comportements abusifs. Pour ce faire, l’ordonnance intègre un mécanisme permettant d’exclure du bénéfice de l’achat subventionné de titres-services les clients réputés comme harcelant les travailleuses, de quelque manière que ce soit. Nous pourrons ainsi sanctionner, voire exclure, les usagers qui harcèlent leur aide ménagère.
En matière d’encadrement, nous allons rendre obligatoire la signature d’une convention – cette pratique existe dans beaucoup d’entreprises – entre l’entreprise, l’usager et l’aide ménagère. L’objectif est de rappeler à l’usager ce qui est légitime contractuellement et ce qui ne l’est pas. Il s’agit d’une bonne pratique en vigueur dans le secteur et qui sera obligatoire pour tous les opérateurs.
Il y aura également obligation d’une visite domiciliaire préalable avant toute nouvelle prestation d’une aide ménagère. L’entreprise devra vérifier que le nombre d’heures prestées est exact, que les conditions de travail et le matériel utilisé sont bons, que la pression mise sur les travailleurs n’est pas excessive. Progressivement, nous régulariserons tous les anciens contrats.
Chaque entreprise devra fournir aux aides ménagères un numéro d’appel fonctionnel sur toute la durée du temps de travail. Donc, si une employée rencontre une difficulté quelconque dans le cadre professionnel, elle doit pouvoir appeler l’entreprise à tout moment. La plupart des bonnes entreprises assurent déjà un tel service, mais pas toutes. Nous comptons donc le rendre obligatoire.
La Région wallonne impose des contrats de dix-neuf heures en moyenne. Pour faire un peu mieux, nous avons fixé la moyenne à vingt heures. Il ne s’agira pas d’imposer un contrat minimum pour chaque aide ménagère, certaines ne souhaitant prester qu’un mi-temps, voire un tiers temps, mais l’entreprise devra s’efforcer d’offrir des contrats plus longs. En Région bruxelloise, la moyenne est, déjà, assez élevée parce que les conditions de travail le permettent.
L’entreprise devra organiser, au moins une fois par an, un entretien individuel avec chaque aide ménagère pour discuter de son contrat de travail. Des entretiens collectifs devront également être organisés, au moins deux fois par an, en vue de discuter des bons procédés et bonnes pratiques, mais aussi d’assurer un soutien mutuel entre employées qui ne se rencontrent jamais, puisqu’elles prestent à des endroits différents. En effet, nous ne parlons pas ici d’un lieu de travail classique qui permet aux employés de se voir, de se parler, d’échanger.
L’État fédéral impose déjà des heures de formation obligatoires pour tous les travailleurs. La nouvelle norme impose cinq jours de formation par an et par prestataire. Cette mesure relève des conventions collectives de travail et constitue donc, pour les employeurs, une obligation stricte en matière de formation des aides ménagères.
Le gouvernement bruxellois, quant à lui, imposera une formation de base obligatoire pour tout nouveau travailleur dans le secteur, et cela, pour lui rappeler les règles essentielles qui lui éviteront de commettre des gestes qui mettent en péril sa santé ou sa sécurité. En outre, il rend obligatoire une formation supplémentaire annuelle de dix heures pour chaque contrat, quelle que soit sa durée. Il s’agira de formations continues sur les nouvelles pratiques et modalités, les nouveaux produits, etc.
La question des femmes qui souhaitent quitter le secteur est plus complexe. Comme le volume de travail reste constant, si 1.000 femmes devaient quitter le secteur chaque année, 1.000 autres y entreraient.
Certes, les employeurs ont l’obligation de former leurs travailleurs, mais ils n’ont pas à les former pour un autre métier. Ils cotisent au Fonds de formation sectoriel des titres-services qui organise des formations liées à ce métier.
Et ce secteur est déjà assez créatif, puisqu’il dispense notamment des formations dans le numérique, alors que ce n’est pas a priori nécessaire pour le métier. De nombreux employeurs estiment toutefois que les compétences numériques de leurs aides ménagères sont importantes pour gérer leur smartphone, les rendez-vous, l’adresse où se rendre ou l’envoi d’une plainte.
Nous avons inscrit un montant de 5 millions d’euros pour ce volet qualitatif. Les modalités seront négociées avec les partenaires sociaux à l’approche du vote du texte. L’application des conditions devra être contrôlée. Nous prévoyons des sanctions administratives plus complètes et plus « souples » pour les entreprises. Actuellement, en effet, la sanction est le retrait d’agrément et cela prive une série d’aides ménagères de leur travail.
Retrouvez notre échange ci-dessous : https://youtu.be/F9x8aOVxE8M
par Farida Tahar | 8 novembre 2022 | Au parlement, Discriminations et égalité des chances, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires, Travail politique
Un triste record
Le 25 octobre passé, j’ai eu l’occasion de questionner la Secrétaire d’État, Madame Nawal Ben Hamou, sur le nombre record de signalements pour discrimination en 2021 fait à Unia.
C’est un triste record, et sur cette base, Unia a ouvert 2 379 dossier individuels concernant des situations de discriminations, de discours et actes de haine. Mais derrière ces dossiers, comme le rappelle si bien le directeur d’Unia, c’est surtout 2 379 personnes.
Alors que les dispositifs législatifs existent, les discriminations font toujours légion en région Bruxelloise. Ce sont des constats que nous connaissons tous, car les études se succèdent et se ressemblent et malgré les recommandations et pistes de réflexions, nous avons encore du pain sur la planche.
Néanmoins, au niveau régional nous avons consacré beaucoup de temps à la réflexion contre les discriminations, notamment dans le cadre des assises contre le racisme. Un plan que nous attendons avec impatience, comme je l’ai souligné à Madame Ben Hamou.
Mieux vaut prévenir que guérir
J’ai aussi interpellé la Secrétaire d’État, quant au rapport rendu par la commission d’évaluation des lois fédérales autour de la lutte contre les discriminations. Bien que ce rapport concerne le Fédéral, il n’en est pas moins important car ce rapport dégage des recommandations qui méritent toutes notre intention.
Surtout les deux grandes actions citées dans le rapport, qui est d’une part, la nécessité de développer des dispositifs préventifs et proactifs, car il est important de préparer plutôt que réparer, et d’autre part de continuer à promouvoir l’égalité et la diversité par des campagnes de sensibilisation, qui permettent de déconstruire des stéréotypes qui sont malheureusement présents dans notre société.
Dès lors, j’ai demandé à Madame Ben Hamou si elle avait pris connaissance du rapport d’Unia, et quelles étaient ses conclusions. Pour le plan de lutte contre le racisme, je l’ai questionnée quant à la date de sa présentation et en attendant, quelles étaient les actions concrète en soutient avec le secteur anti-raciste.
La réponse de Madame la Secrétaire d’État
Madame Ben Hamou, me confirme avoir pris connaissance du rapport d’Unia et de la commission d’évaluation des lois fédérale tendant à lutter contre la discrimination et dont tout deux pointent vers une responsabilisation des institutions et des employeurs dans la lutte contre les discrimination.
Elle souligne tout de même, que bien qu’inquiétant, le rapport consacre tout un chapitre à l’amélioration de l’accessibilité, la cohérence et la clarté du dispositif légal et que la codification unique de l’ensemble de la législation anti-discrimination régionale avance à grands pas.
Concernant le plan de lutte contre le racisme, madame la secrétaire d’état a travaillé en étroite collaboration avec 4 instances et organisations indépendantes : CCOJB, Unia, Bru.partners et la coalition NAPAR. Ses services analysant actuellement les recommandations de ces instances, une présentation du plan de lutte devraient avoir lieu fin 2022.
par Farida Tahar | 4 novembre 2022 | Au parlement, Emploi et formation, Parlement Bruxellois, Travail politique
Le 5 octobre 2022, j’avais l’occasion d’interroger le Ministre Bernard Clerfayt concernant la réforme du secteur des titres services. Car, en effet, dans le cadre de la future réforme du secteurs des titres-services, il importe de faire régulièrement le point sur le sujet.
Dans l’écrasante majorité (98 %) des cas, il s’agit de femmes en situation précaire, qui travaillent dans des conditions de très grande pénibilité et occupent des contrats à temps partiel. Cette réalité s’est encore exacerbée au fil des crises – sanitaire hier, énergétique aujourd’hui – en raison d’une conjonction d’inégalités sociales dont elles sont constamment l’objet.
Les aides ménagères jouent un rôle essentiel dans la société. On ne cesse de le répéter et c’est là toute l’hypocrisie de la situation. Nous savons que nous avons besoin d’elles pour nettoyer nos bureaux, pour garder nos enfants. Elles prennent soin de notre environnement immédiat, souvent au détriment de leur propre santé.
J’ai alors pu lui poser les questions suivantes :
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Dans le cadre de vos compétences régionales, quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour revaloriser le statut des travailleuses du secteur des titres-services et améliorer leurs conditions de travail ?
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Qu’en est-il du futur plan de formation que vous dites vouloir mettre en place pour les aides ménagères ? S’agit-il de formations de base uniquement ou plutôt de formations qualifiantes et continues permettant à ces travailleuses de s’orienter vers d’autres professions ?
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Le principe même des titres-services est d’offrir un emploi de proximité qui, ensuite, permette une réorientation vers d’autres métiers. Qu’en est-il de l’utilisation du fonds de formation par les entreprises de titres-services ? Constatez-vous une sous-utilisation de clui-ci ?
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Allez-vous vous inspirer du modèle wallon, qui prévoit un nombre d’heures minimum par semaine (dix-neuf en l’occurrence) ? A Bruxelles, la moyenne est d’environ 23 heures par semaine. Le nivellement doit bien évidemment se faire par le haut.
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Où en est la réforme en cours ?
Le ministre nous répondait ainsi :
Nous consacrons un budget global de 1 milliard d’euros environ pour l’emploi, dont 250 millions d’euros pour le dossier des titres-services.
Par ailleurs, ce gouvernement a pris l’engagement de maîtriser le coût budgétaire. Je rappelle que les dépenses s’élèvent à 250 millions d’euros. Étant donné que 16 millions de chèques sont achetés chaque année et qu’ils coûtent 25 euros, le coût total atteint environ 400 millions d’euros. La part publique est de 60 à 65 %.
[…] nous ne sommes pas nécessairement compétents pour le contrôle des conditions de travail en général, qui relève de l’exécution du contrat de travail et reste donc du ressort de l’État fédéral. Nous nous trouvons dans une zone où la répartition des compétences est assez complexe et où il est difficile de déterminer qui fait exactement quoi.
Nos compétences sont principalement l’agrément des opérateurs – c’est-à-dire toutes les conditions que l’on peut leur imposer pour qu’ils respectent mieux les droits des travailleurs, qu’ils leur assurent des formations et que la relation entre l’opérateur (l’agence des titres-services) et les aides ménagères s’améliore – ainsi que le financement. Il ne s’agit pas d’imposer à toutes les femmes de travailler au minimum dix-neuf heures. Ce n’est qu’une moyenne. Celle à Bruxelles étant de 23 heures, nous faisons déjà mieux que les Wallons sur ce point-là, ce n’est donc pas un enjeu chez nous. À Bruxelles, le temps de travail est plus élevé, la rémunération est marginalement supérieure et le temps de trajet entre les sites est plus court. Ainsi, sur certains aspects, la situation est meilleure à Bruxelles qu’en Wallonie, pour des raisons structurelles liées à la taille réduite de la Région.
Concernant la réforme, au mois de décembre de l’année dernière, le gouvernement a sollicité l’avis des partenaires sociaux. Ceux-ci ont organisé une quinzaine de réunions et ont remis leur avis à la fin du mois de juin. Nous avons passé les deux mois suivants à examiner les scénarios proposés et à réfléchir à la manière de les faire évoluer. Le gouvernement n’ayant encore rien décidé à ce jour, je ne peux rien vous annoncer. Les pistes sont en cours d’examen, mais le gouvernement ne sait pas encore précisément quelle direction il suivra. Le dossier étant une priorité partagée, l’avis des partenaires sociaux est très important et nous comptons nous en inspirer largement. Nous avons l’intention non seulement d’adapter le prix des titres-services, mais aussi de modifier des éléments dans les conditions d’agrément, notamment ajouter des conditions relatives à la vérification de l’amélioration des conditions de travail ou au suivi de formations. Cette réforme sera donc accompagnée d’un texte d’ordonnance portant sur la modification des conditions d’agrément. Nous verrons ce que le gouvernement décidera, mais nous souhaitons introduire des visites à domicile faites par l’entreprise avant le début du contrat. Elles pourraient être effectuées par une aide ménagère expérimentée, plus âgée, qui pourrait effectuer une première vérification et estimer si le nombre d’heures et le travail correspondent […]
Vous m’interrogez sur les critères de proximité pour la Région bruxelloise : tout est déjà relativement « proche ». En Wallonie, c’est un vrai problème. À Bruxelles, le temps de trajet est beaucoup plus faible. La question de la proximité est toutefois complexe et nous n’avons pas trouvé de mécanismes permettant de la réguler car certains opérateurs risqueraient alors de ne pas proposer de travail à des personnes qui veulent travailler. La difficulté tient au grand nombre d’opérateurs. S’il n’y en avait qu’un qui gérait tous les contrats, on pourrait signer des contrats de proximité, et dire : dans telle rue, c’est telle aide-ménagère qui vient, dans telle autre, c’est celle-ci. Mais le client est libre de choisir son opérateur, et parfois même la personne qui vient exécuter le travail.
Concernant la formation, je rappelle qu’il existe, comme dans tous les secteurs, un fonds de formation sectoriel dont je n’ai de cesse de dire qu’il est sous-utilisé. Aujourd’hui, l’obligation de formation n’est pas réalisée au vu des budgets disponibles. Par ailleurs, la récente réforme fédérale, qui impose cinq heures de formation par an par personne, sera une très bonne chose. Nous pourrons ainsi vérifier si les cinq heures sont bien accordées à chaque personne individuellement, et pas à l’ensemble de la masse du personnel.
Enfin, je compte adapter le dispositif du congé-éducation payé en vue de l’assouplir pour les régimes de temps partiel. Il s’agit en effet du principal mécanisme par lequel des femmes peuvent décider de suivre des formations qui les mèneront dans d’autres directions que le secteur dans lequel elles exercent La formation professionnelle dans ce secteur reste nécessaire pour acquérir les compétences nécessaires à leur emploi, mais le congé éducatif rémunéré devrait permettre à ces femmes de choisir un autre emploi dans un autre secteur. Nous lancerons également quelques appels à projets et initiatives pilotes pour voir dans quelles directions nous pouvons proposer des reconversions – qui nécessiteront généralement des formations. Le gouvernement débat en ce moment des scénarios possibles en vue d’une augmentation du titre-service. Le prix ne sera sans doute pas inférieur à 10 euros. Nous réfléchissons à établir une certaine progressivité. Le prix actuel est de 9 euros jusqu’à 400 titres et de 10 euros ensuite. Certaines catégories peuvent comptabiliser jusqu’à 2.000 titres.
S’agissant des conditions d’agrément, nous étudions la possibilité d’imposer des conditions de formation préalables à l’entrée en service ou d’assurer, à tout le moins, que dans les premiers mois d’entrée en service dans le secteur, une formation de base adéquate sera donnée au travailleur. De nombreuses entreprises le font déjà, mais nous évaluons la possibilité de systématiser cette pratique et de l’imposer à tous les opérateurs. Le Fonds de formation sectoriel des titres-services est loin d’être épuisé.
J’ai récemment assisté à une formation en entreprise pour travailleurs de titres-services. Elle consistait à leur enseigner les bases de l’accès aux outils numériques comme l’ordinateur et le smartphone. Dans la réforme que nous voudrions mettre en place, rappelons que le plus grand danger est le retour du travail au noir.
Retrouvez ma réplique, en vidéo :
par Farida Tahar | 9 juin 2022 | Au parlement, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires, Social & Santé, Travail politique
Le 16 mai dernier, perspective.brussels a publié la troisième édition de son rapport concernant le diagnostic socioéconomique, territorial et environnemental de la Région de Bruxelles-Capitale à la suite de la pandémie de Covid-19. Les constats, connus de longue date, se voient ainsi formalisés, actualisés et chiffrés une nouvelle fois. Le rapport rappelle d’emblée que la crise sanitaire a lourdement aggravé la situation des Bruxellois les plus précaires. Les impacts sanitaires ainsi développés pointent plusieurs statistiques inquiétantes, particulièrement dans le chapitre consacré aux conséquences sociales.
En effet, « la moitié de la population bruxelloise est en situation de risque de pauvreté vit dans des logements considérés comme trop exigus par rapport à la taille de leur ménage ».
Le rapport constate aussi une augmentation généralisée des demandes de revenu d’intégration sociale et des autres aides sociales. L’augmentation du nombre de bénéficiaires d’un revenu d’intégration sociale est estimée à 32,5 % entre janvier 2020 et juillet 2021 en Belgique, toutes aides sociales complémentaires confondues, avec des augmentations marquées concernant l’aide alimentaire (+51 % entre septembre 2020 et mars 2021) et l’aide à la médiation de dettes (+46 % entre janvier 2021 et juillet 2021)
Le niveau est donc bien plus élevé qu’avant la crise. Le rapport pointe également le risque de non-recours aux aides sociales en raison de la numérisation des services d’aide, dont l’offre reste inaccessible à une grande partie du public vulnérable.
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Comment la question est-elle traitée au sein du gouvernement bruxellois ? Comment travaillez-vous sur ces sujets transversaux avec vos homologues, et sur l’accès au logement abordable et durable en particulier, avec la secrétaire d’État au logement ?
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Si on met en perspective le chapitre sur la situation de l’emploi et sur le volet social en particulier, avez-vous étudié la possible reconversion de bureaux en lieux d’accueil de jour et/ou de nuit, voire en logements durables pour les personnes sans chez-soi ? Cette appellation me semble plus pertinente pour désigner la réalité de ce public cible.
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Outre le plan social-santé intégré que nous attendons prochainement et impatiemment, que mettez-vous concrètement en place pour aider les travailleurs sociaux et, de manière plus générale, les acteurs de première ligne dans les services numérisés, afin de démocratiser l’accès numérique aux publics vulnérables ?
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Enfin, avez-vous des contacts avec votre homologue fédérale, Mme Lalieux, en vue d’apporter de façon complémentaire et conjointe une aide concrète aux CPAS, qui l’attendent aussi impatiemment et en ont fortement besoin ? Dans l’affirmative, sur quoi vos discussions ont-elles débouché ?
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La piste des budgets supplémentaires alloués aux CPAS est-elle envisagée à l’heure actuelle ? Si oui, quel serait le montant de cette enveloppe complémentaire octroyée aux CPAS ? Comment la Fédération des CPAS bruxellois est-elle associée à la recherche de solutions ?
Monsieur le Ministre Alain Maron m’a répondu :
Pour répondre à votre question sur le volet emploi et social, le gouvernement a chargé l’asbl Bruss’help de mettre en œuvre la mission visée à l’article 65,4° de l’ordonnance, à savoir « soutenir le développement d’initiatives de prospection de logements stables au profit des centres qui pourront proposer des solutions de logement aux personnes sans abri ». Cette mission est à intégrer dans le plan d’action de l’asbl. Ce chantier concerne principalement l’accompagnement et le suivi des dispositifs déployés dans le cadre du plan de relance ainsi qu’une évaluation de l’impact de ce dernier, entre autres par une analyse des trajectoires d’insertion ou de la formule d’accueil au sein des différentes structures, par exemple dans les hôtels. Il est demandé d’identifier des leviers pouvant faciliter la recherche de logements et d’infrastructures et de pouvoir construire un cadre cohérent de coordination des outils de captation et d’attribution des logements.
Ce chantier comprend également la rédaction d’un référentiel d’évaluation basé sur une analyse des outils existants et tenant compte des retours des différents types d’opérateurs. Cette mission de soutien et de prospection de logements stables doit aussi être mise en lien avec la fonction de coordination, d’orientation et de suivi, ainsi qu’avec la mission d’évaluation de Bruss’help. Dans le cadre du plan de relance, l’asbl Bruss’help a déjà été amenée à identifier les bureaux disponibles sur le territoire bruxellois et qui pourraient servir de logements à court ou moyen terme.
Cette prospection a été menée en collaboration avec SoHoNet, dont le rapport identifie plusieurs lieux. La réflexion quant à l’occupation de ces sites, laquelle nécessite des aménagements et soulève une série de questions de garanties (sécurité incendie, assurance, accompagnement, cadre conventionnel, affectation urbanistique, etc.), est encore en cours au sein de Bruss’help. Cette mission implique en effet que l’asbl développe une série d’outils. Par ailleurs, d’autres asbl recherchent des bureaux qui pourraient être transformés en lieux d’hébergement. C’est notamment le cas du New Samusocial qui, afin d’assurer l’accueil supplémentaire de familles sans abri, a trouvé un bâtiment de bureaux sur le territoire de la commune d’Auderghem.Après quelques travaux et l’introduction d’un permis d’urbanisme, le site est occupé comme centre d’accueil depuis fin février. Q
uant au soutien aux travailleurs de première ligne afin de démocratiser l’accès numérique aux publics vulnérables, le plan social-santé intégré, et plus précisément l’axe 2 « Assurer à chaque Bruxellois un parcours de soins accessible et cohérent », a pour objectif d’améliorer la communication entre les acteurs de soins, et entre les acteurs et les patients par le soutien de la qualité et la sécurité des soins ; le renforcement de la coordination des professionnels de soins et la multidisciplinarité de la prise en charge ; l’aide apportée au patient afin de devenir un partenaire actif de sa santé.
S’il est clair qu’en tant que membre du Collège réuni, je ne manque pas d’interpeller Mme Lalieux à propos de moyens complémentaires, elle est surtout particulièrement réceptive aux demandes effectuées par les CPAS eux-mêmes. Nous appuyons donc la Fédération des CPAS bruxellois pour qu’avec les autres fédérations, wallonne et flamande, elle interpelle la ministre pour qu’elle réponde aux besoins sociaux supplémentaires.
La Région a effectivement accordé une enveloppe de 20 millions d’euros supplémentaires aux CPAS en 2022. Un montant de 10 millions d’euros est destiné à l’augmentation des besoins sociaux résultant de la hausse des prix de l’énergie, sachant que ce montant pourrait être augmenté si le besoin s’en faisait sentir, et 10 millions d’euros sont octroyés pour poursuivre les projets engagés grâce à la subvention exceptionnelle de 30 millions qui a été accordée à cheval sur les années 2020 et 2021.L’objectif de cette subvention était de permettre aux CPAS de faire face aux différentes conséquences sociales de la crise du Covid-19.
Par rapport à la problématique de l’énergie, le soutien octroyé par l’entremise des CPAS constitue l’un des leviers les plus importants pour empêcher certains ménages de sombrer dans une spirale de surendettement. C’est la raison pour laquelle ces moyens complémentaires sont mis à la disposition non seulement des ménages précaires, mais aussi des ménages issus des classes moyennes, dont les revenus dépassent le plafond d’accès au tarif social et au système BIM, même s’ils rencontrent des difficultés pour payer leur facture d’énergie.
Nous discutons actuellement avec la Fédération des CPAS bruxellois de la mise en place d’un suivi de la consommation du subside, pour examiner si les moyens sont suffisants pour l’année
2022 et ce qu’il en est de leur affectation concrète, sachant qu’une partie doit être utilisée sous forme d’aides directes. Il est à noter également que les subventions allouées aux coordinations sociales ont été augmentées pour permettre à chaque CPAS d’employer un temps plein dévolu à la
coordination sociale.
Le Fonds spécial de l’aide sociale est une subvention régionale annuelle de la Cocom pour aider les CPAS à remplir leur mission d’action sociale à destination des Bruxellois. Il est réparti selon les règles fixées par l’arrêté du 27 juillet 2017 fixant les règles de répartition de la dotation générale aux communes et aux CPAS de la Région de Bruxelles-Capitale. En 2022, ce sont ainsi plus de 33 millions d’euros qui s’ajoutent aux moyens déjà cités. Enfin, signalons encore que 900.000 euros sont octroyés de façon récurrente aux CPAS afin de soutenir leurs services de médiation de dettes.
Retrouvez nos échanges ci-dessous : http://weblex.irisnet.be/data/arccc/biq/2021-22/00019/images.pdf
par Farida Tahar | 2 juin 2022 | Au parlement, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires, Social & Santé, Travail politique
En 2013 déjà, plusieurs associations avaient rédigé un manifeste proposant une série de mesures à mettre en œuvre pour l’inclusion des familles migrantes et des populations roms en situation d’errance à Bruxelles. L’objectif était d’alerter les autorités sur la vulnérabilité des personnes migrantes, plus particulièrement des familles roms, face à la question du logement. Je reprends un petit extrait de ce manifeste : « De squat en hébergement d’urgence puis à la rue et à nouveau en squat, ballottées d’unecommune à une autre, elles errent sans solution. » Nous constatons, bien évidemment, des efforts et le gouvernement s’y était engagé. Nous saluons le travail mené par le secteur associatif, les médiateurs interculturels, les autorités locales qui tentent d’aider ces personnes en situation de grande précarité. De même, nous soulignons le renforcement des moyens accordés notamment au New Samusocial ainsi qu’aux dispositifs de type Housing First. Nul ne doute de votre volonté politique en la matière, d’autant que celle-ci s’inscrit dans une approche structurelle et pérenne.
Comme vous le savez, il apparaît que les personnes migrantes, et les familles roms en particulier, sont livrées à la mendicité. Elles font état de besoins spécifiques, en raison, entre autres, des modes de vie spécifiques, d’une mobilité active, de cultures qui, même si elles sont hétérogènes, rencontrent des systèmes parfois inadaptés (je pense entre autres au système scolaire). Il nous semble nécessaire d’insister, dans un premier temps, sur l’hébergement de court et moyen terme pour renforcer les chances d’insertion et, par la suite, proposer des solutions pérennes, notamment en matière de logement. Un ensemble d’acteurs particulièrement concernés par cette question de la précarité des familles roms s’exprime d’ailleurs en ce sens. Ils rappellent qu’il est nécessaire d’agir avant tout sur le logement, un préalable nécessaire à toute insertion sociale.
Quelles évolutions constatez-vous en matière d’hébergement et de mise à disposition de centres d’accueil pour les populations roms ? Celles-ci ont-elles des demandes particulières ? Des médiateurs culturels ou des travailleurs sociaux sont-ils spécialement formés afin de mieux accompagner ces populations aux besoins parfois spécifiques ?
Avez-vous pris connaissance des recommandations relatives à l’hébergement de moyenne durée, qui avaient été formulées en 2013 et qui, aujourd’hui encore, sont reprises par les associations ?
Qu’en est-il des contacts avec des professionnels qui connaissent bien ce phénomène de mendicité, les populations roms, leurs demandes et leur attentes ? Dans quelle mesure le renforcement des moyens accordés au New Samusocial ainsi qu’au dispositif Housing First a-t-il permis une amélioration de l’accueil des familles roms ? Enfin, cette matière étant transversale, des concertations sont- elles organisées avec la secrétaire d’État au logement, Mme Ben Hamou, pour coordonner au mieux vos politiques publiques ? Dans l’affirmative, que ressort-il de ces échanges ? Prévoyez- vous de mener des actions conjointes ?
Monsieur le Ministre Alain Maron m’a répondu ;
A ce jour, il n’existe pas de dispositif d’hébergement ou de centre d’accueil spécifiquement dédié aux populations roms. Il n’est donc pas possible de réaliser une évaluation à ce sujet. De plus, le dénombrement effectué à Bruxelles ne reprend pas non plus d’informations spécifiquement relatives à ce public. Concernant la mobilisation des médiateurs interculturels et des travailleurs sociaux spécialement formés en vue de mieux accompagner les populations roms, l’asbl le Foyer, l’asbl Diogènes et la cellule Roms du CPAS de la Ville de Bruxelles emploient plusieurs médiateurs interculturels qui facilitent grandement les contacts avec ces populations. Par ailleurs, nous avons consulté à plusieurs reprises différentes associations qui travaillent avec des populations roms afin d’écouter leurs demandes et leurs attentes. Des entretiens ont été organisés, notamment avec Unia, Diogènes, le Foyer, le CIRÉ et la cellule Roms du CPAS de la Ville de Bruxelles. Une réunion est prévue le 21 juin prochain en vue de mener un travail conjoint sur l’élaboration d’un plan d’actions concret et de développer une stratégie d’intégration des populations roms au niveau bruxellois. Quant au renforcement des moyens accordés au New Samusocial et au programme Housing First, le public rom fait partie des bénéficiaires, bien que le renforcement ne le vise pas spécifiquement. Par ailleurs, il n’y a pas de statistiques d’identification de ce public dans l’un ou l’autre des dispositifs mis en place. Comme je l’ai déjà mentionné, plusieurs rencontres ont eu lieu avec le cabinet de Mme Ben Hamou pour coordonner au mieux nos politiques. Ces rencontres ont permis de lancer des actions conjointes, qui ne visent pas spécifiquement les populations roms, mais plus largement les publics en situation de grande précarité, de mal-logement et sans abri. Nous pouvons citer les actions 26 et 27 du plan d’urgence logement adopté en décembre 2020 par le gouvernement bruxellois, qui ont été concertées par nos cabinets. Nous devons poursuivre ce travail avec Mme Ben Hamou, car la mise à disposition de logements constitue l’un des nœuds de notre politique d’aide aux personnes sans abri et de remise en logement. Nous devrons probablement collaborer plus en profondeur encore avec les différents acteurs du logement, tant publics que privés.
par Farida Tahar | 4 mai 2022 | Au parlement, Discriminations et égalité des chances, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires
Voici ma question adressée à M. Clerfayt :
Le récent rapport d’Unia « Discriminations à l’encontre des personnes afrodescendantes » nous fait part de diverses recommandations – dont j’espère que vous tiendrez compte – sur le plan législatif, fédéral, de la recherche, de l’enseignement, de la police et de la justice, du logement, de la décolonisation et de l’emploi. Le constat est frappant et de grande ampleur. En effet, Unia rappelle que, sur tous les dossiers concernant des critères dits « raciaux » dans le domaine de l’emploi pour l’ensemble de la période concernée par le rapport, un dossier sur cinq en moyenne porte sur la couleur de peau noire. Ce ratio est saisissant. Cela va d’une organisation et de conditions de travail déséquilibrées à des relations complexes avec les supérieurs hiérarchiques. Le passage suivant m’a particulièrement frappée :
« On peut donc dire qu’en termes de taux d’emploi, il y a peu de choses qui séparent une personne d’origine subsaharienne qui a fait des études supérieures d’une personne d’origine belge qui soit n’a pas de diplôme, soit un diplôme du primaire ou de l’enseignement secondaire inférieur. Lorsque l’on compare les personnes hautement qualifiées et moins qualifiées d’origines différentes, on trouve la confirmation du constat déjà fait ci- dessus : un niveau de diplôme élevé est le moins ‘profitable’ pour les personnes d’origine subsaharienne ».
C’est hallucinant ! On dit souvent qu’une des difficultés pour un chercheur d’emploi est de ne pas avoir de qualifications suffisantes, ou de ne pas avoir eu l’occasion de terminer un cursus scolaire. Or, Unia démontre que les populations d’origine subsaharienne, même détentrices d’un diplôme élevé, ne sont pas à l’abri de discriminations sur le marché de l’emploi.
Pour Unia, un contraste important persiste entre le niveau élevé de formation des personnes afrodescendantes et leur faible taux d’emploi sur le marché du travail. Ces problèmes structurels, dit- il, ne peuvent être résolus que par la sensibilisation, la formation la prévention et une meilleure connaissance du phénomène au travers de la collecte de données et de tests de situation. Nous savons à quel point vous êtes proactif ces dernières semaines dans la réforme de ces derniers, dans le cadre de l’ordonnance testing.
M. le ministre, avez-vous pu prendre connaissance du rapport d’Unia sur la question ? J’imagine que c’est bien le cas et que vous l’avez lu attentivement. Quelles conclusions pouvez-vous en tirer pour ce qui concerne l’emploi des personnes d’ascendance africaine ? Enfin, des initiatives et mesures concrètes sont-elles prévues à la suite des recommandations d’Unia en vue de favoriser l’emploi des personnes d’ascendance africaine ?
Monsieur Clerfayt m’a répondu ;
Le rapport d’Unia rappelle que les personnes afrodescendantes sont davantage victimes de discrimination que d’autres catégories de la population. C’est d’ailleurs sur ce critère de discrimination que la situation progresse le moins. Les études réalisées par Unia, par exemple sur les statistiques d’insertion à l’emploi, démontrent ce que son directeur, M. Patrick Charlier, appelle une discrimination structurelle. Selon lui, si la discrimination se mesure sur le taux de chômage ou d’autres paramètres, elle dépasse le cadre étudié, car elle est globale, sociétale. Elle trouve sa source plus en amont, dans une série de mécanismes sociaux qui aboutissent aux mauvais chiffres observés. Selon le même rapport, la discrimination structurelle que subissent les personnes d’ascendance subsaharienne intervient dès le plus jeune âge, parfois dans les sphères d’enseignement et d’éducation extrascolaire, où des représentations mentales créées dans la société s’expriment à leur égard.
Dès lors, les actions qui doivent être prises pour corriger ces phénomènes ou pratiques à l’œuvre sur le marché de l’emploi ne peuvent pas à elles seules modifier en profondeur le caractère structurel de ces discriminations sans une approche intégrée des politiques publiques dans leur ensemble.
Le gouvernement travaille à la mise sur pied de deux plans d’actions : tout d’abord, le plan bruxellois de lutte contre le racisme coordonné par la secrétaire d’État à l’égalité des chances, Mme Ben Hamou, sur lequel nos administrations travaillent activement. Ensuite, les quinze engagements pour lutter contre les discriminations à l’embauche et pour promouvoir la diversité sur le marché de l’emploi. Il s’agit de mises à jour des dix engagements que M. Gosuin, mon prédécesseur, avait pris en décembre 2016 et qui avaient donné naissance à toute une série d’initiatives. Nous allons envoyer ces quinze engagements aux partenaires sociaux pour en discuter avec eux, afin de pouvoir les adopter au niveau du gouvernement et vous les présenter.
Ma stratégie prévoit notamment des actions qui permettront de mieux mesurer les phénomènes discriminatoires agissant sur le marché de l’emploi en croisant les données de l’origine avec d’autres facteurs discriminatoires, comme le genre ou l’âge. Ces études devraient permettre de mieux identifier et comprendre les mécanismes à l’œuvre.
En 2022, je lancerai, comme chaque année, un appel à projets innovants pour lutter contre la discrimination à l’embauche et promouvoir la diversité. Cette année, nous avons choisi de nous concentrer sur le critère de l’origine. J’espère que les projets que nous recevrons seront particulièrement centrés sur la question des personnes d’origine subsaharienne. En 2020 et 2021, nous avons soutenu le seul projet à traiter de cette thématique : « You BELong » de l’asbl « Keep Dreaming ».
Il s’agit d’une recherche-action visant à favoriser la mise en contact, à permettre le recrutement et l’accès à des emplois de meilleure qualité de diplômés d’origine non européenne (avec pour objectif au moins 30 % de femmes), à encourager les employeurs à développer des pratiques plus inclusives et à changer les perceptions et préjugés en développant un réseau de mentors.
Les objectifs du renouvellement du projet en 2021, par rapport à 2020, étaient de :
– réunir au moins 5 entreprises et 60 talents prometteurs d’origine étrangère, principalement des personnes afrodescendantes ;
– permettre de découvrir de nouveaux métiers, secteurs et entreprises, et permettre le recrutement et l’accès à des emplois de meilleure qualité ;
– encourager les employeurs à revoir certains critères et à développer des pratiques de recrutement plus inclusives ;
– changer les perceptions et les préjugés (y compris l’autolimitation) en développant l’autonomisation des talents.
Le curriculum vitae (CV) anonyme ne peut être imposé par le seul gouvernement bruxellois : il s’agirait d’une norme liée au contrat de travail, qui relève des compétences fédérales.
Par ailleurs, sur un marché bruxellois particulièrement concurrentiel – nombre de travailleurs venus d’autres Régions postulent sur le territoire de la Région bruxelloise – une telle initiative risquerait d’accentuer les difficultés d’accès à l’emploi pour les Bruxellois, surtout si elle se limitait à notre Région. Si seuls les Bruxellois utilisaient un CV anonyme, la manière dont les entreprises bruxelloises examinent les candidatures reçues s’en trouverait compliquée.
En outre, les départements des ressources humaines (GRH) d’entreprises, chargés du recrutement de candidats pour des postes à Bruxelles, sont parfois établis dans d’autres Régions : beaucoup d’entreprises ont un seul service GRH mais trois ou quatre implantations. Il conviendrait donc d’envisager un cadre plus large que la seule capitale. La question a été très présente dans le débat public : en 2011, le service diversité d’Actiris a publié un rapport à la suite d’une expérimentation, menée en collaboration avec les partenaires sociaux, portant sur des CV anonymes en Région bruxelloise. Quelques recommandations et retours d’expérience en sont ressortis, provenant d’employeurs ayant joué le jeu ou de l’examen d’expérimentations similaires menées à l’étranger. Ces recommandations sont les suivantes :
– le CV anonyme véhicule une image négative pour nombre d’employeurs. Le terme fait référence de manière implicite à la notion de contrôle et de sanction, plutôt qu’à une mesure orientée vers un résultat. Les employeurs se sont donc beaucoup opposés à l’idée de le rendre obligatoire ;
– l’anonymisation doit être intégrée à une réflexion plus vaste sur l’ensemble de la procédure de sélection. Toute la politique de recrutement doit donc être revue et ajustée pour que l’on ne tienne pas compte des éléments non pertinents. En d’autres termes, si les éléments discriminants reviennent dans la suite du processus, c’est que l’ensemble de la procédure d’embauche n’a pas suffisamment été réformée ;
– la façon de formuler les offres d’emploi et les descriptions de fonction constitue la première étape d’un accès neutre à l’entreprise ;
– l’utilisation de formulaires de sollicitation standardisés. Une entreprise qui utilise un formulaire standardisé démontre au public qui se porte candidat qu’elle s’engage dans une procédure d’objectivation des critères de sélection ;
– la diversification des équipes de recrutement, car il est essentiel de diversifier celui ou ceux qui portent un regard sur les candidatures ;
– seules les compétences doivent être prises en considération lors du recrutement, élément dont les employeurs sont de plus en plus conscients. De nombreuses agences d’emploi en Région bruxelloise ont ainsi déjà modifié et transformé leur façon d’accompagner ou de sélectionner des travailleurs pour les orienter vers les entreprises qui font appel à elles. L’accent doit ainsi être mis sur des méthodes permettant de cerner à l’avance les compétences que l’on recherche, de repérer uniquement les compétences dans les CV et de construire l’évaluation des candidatures sur la base de ces éléments de compétence.
Enfin, l’enquête révèle que, pour les candidats eux-mêmes, le fait de devoir cacher des éléments de leur identité – nom de famille, origine ethnique ou autres – pour trouver un emploi peut avoir des conséquences négatives sur leur propre identité sociale et développer chez eux une forme de gêne.
En définitive, la question du CV anonyme permet de s’interroger sur la discrimination à l’embauche. Elle ouvre aussi la réflexion sur les moyens d’objectiver et de professionnaliser toutes les étapes de sélection pour que le processus soit le plus neutre possible au regard des critères discriminants fixés par la loi. Objectiver l’ensemble de la procédure d’embauche relève donc d’un travail de plus longue haleine. ‘ajoute qu’en France, l’École nationale des ponts et chaussées a réalisé une étude scientifique et un test grandeur nature à Paris sur les CV anonymes. Ses résultats, disponibles sur internet, montrent que l’utilisation de CV anonymes rendait les employeurs plus réticents encore à prendre le risque d’engager des personnes subissant des discriminations. Ce seul élément est donc insuffisant à entraîner une modification dans les perceptions et représentations qui induisent des discriminations sur le marché de l’emploi. Il faut travailler plus largement à l’objectivation de la procédure de sélection et d’embauche.
Conformément aux recommandations d’Unia dans son rapport sur les personnes afrodescendantes et comme je l’ai déjà indiqué la semaine passée, je proposerai prochainement une réforme de l’ordonnance sur les tests de situation afin d’élargir la définition de l’emploi dans l’ordonnance de 2008 ; de réaliser un suivi basé sur une étude académique périodique mesurant les phénomènes de discrimination et orienter les actions proactives à envisager ; d’assouplir les conditions des tests de discrimination ; de sécuriser juridiquement ceux-ci, notamment pour les inspecteurs qui y recourent ; et d’être proactifs, dans un cadre juridiquement sécurisé, dans certains secteurs ou directions définis par l’étude.
Depuis 2020, il existe une base juridique fédérale pour les actions positives envers certains groupes cibles spécifiques. Ces actions peuvent avoir lieu au niveau de l’entreprise ou au niveau du secteur. Le plan d’action 2022 du service diversité d’Actiris prévoit de les promouvoir. En 2021, ce service a contribué à organiser des actions positives dans les secteurs de la santé et de l’électronique pour le groupe cible des primo-arrivants. Nous espérons les déployer également au bénéfice des personnes afrodescendantes discriminées sur le marché de travail J’ai en effet pu prendre connaissance du rapport d’Unia sur la discrimination des personnes afrodescendantes. Concernant l’emploi, Unia recommande la poursuite des recherches afin de mieux comprendre les mécanismes de discrimination, la mise en place d’actions positives sur le marché de l’emploi telles que je viens de les évoquer, la sensibilisation, la prévention et les tests de situation. Nous répondons en grande partie à ces recommandations.
L’étude d’Unia montre que les personnes d’ascendance africaine sont confrontées à des problèmes structurels tels qu’un taux de chômage plus élevé, du chômage de longue durée et des difficultés d’insertion. De nombreuses personnes, lorsqu’elles ont un emploi, se retrouvent dans les déciles salariaux les plus bas ou dans le travail intérimaire. Un autre constat marquant est que le fait d’avoir suivi de longues études semble apporter moins d’avantages à ce groupe sur le plan de l’emploi et du salaire. Ce constat est confirmé par une étude de la Banque nationale de Belgique portant, elle aussi, sur les discriminations à l’emploi.
Elle démontre qu’à partir d’un certain seuil, l’allongement des études devient un critère négatif d’insertion dans l’emploi, ce qui est paradoxal. Je reviens donc sur l’importance d’aborder la discrimination structurelle que subissent ces personnes dès leur plus jeune âge en proposant une approche intégrée et coordonnée pour l’ensemble des politiques publiques et notamment celles concernant la petite enfance, le système éducatif et l’enseignement supérieur.
Par ailleurs, nous poursuivrons les actions et initiatives dont je vous ai parlé.
http://weblex.irisnet.be/data/crb/biq/2021-22/00113/images.pdf#page=20