🗣 Colloque : l’accès au titre de séjour pour les travailleuses domestiques

Nous organisions au Parlement bruxellois, le 17 décembre passé, un colloque sur  « l’accès au titre de séjour pour les travailleuses domestiques »

Le colloque a débuté par une mise en scène originale mettant en lumière la situation extrêmement difficile des travailleuses domestiques « sans papiers » (travail précaire, horaire pénible, salaire indécent, …)

Des témoignages poignants ont été lus par des travailleuses domestiques ainsi que par mes collègues parlementaires bruxelloises: (Magali Plovie, Fadila Laanan, Els Rochette, Françoise De Smedt, Nicole Nketo Bomele et Latifa Aït-Baala).

 👉 Le premier panel, modéré par ma collègue Marie Lecocq, a permis de dresser les constats et les enjeux, avec l’expertise de Evelyne Ayong, (membre de la Ligue des travailleuses domestiques de la CSC bxl), Josephine Ngole (comité des femmes sans papiers), Chiara Giordano (chercheuse au GERME) et Jan Knockaert (représentant de Fairwork Belgium).

Les personnes sans titre de séjour font partie intégrante du marché de l’emploi bruxellois. Elles sont invisibles de par leur statut de séjour, mais sont pourtant bien présentes dans de nombreux secteurs de l’économie bruxelloise: nettoyage, aide à domicile, horeca, etc. Cantonnées dans l’économie informelle, ces travailleuses sans-papiers subissent des rapports de domination (de genre, de classe et de race), et elles sont particulièrement vulnérables aux risques professionnels et aux abus de certains employeurs (salaire indécent, horaires démesurés, conditions de travail dangereuses, absence d’assurance et de protection sociale, …). Ce n’est tout simplement pas acceptable.

 👉 Le second panel fût consacré aux recommandations et aux pistes de solutions, avec l’expertise de Luc Walleyn (avocat), de Michael De Gols (directeur de Unisoc) et Eva Maria Jimenez Lamas (responsable syndicale interprofessionnelle pour la CSC Bxl).

Nos intervenant.e.s ont mentionné les leviers régionaux et fédéraux en matière de régularisation par le travail. En ce qui concerne la région bruxelloise, elle est devenue compétente depuis la 6ème réforme de l’état (en 2014) en matière d’octroi de permis de travail (cfr. directive permis unique) mais aussi de protection des travailleurs contre les employeurs abuseurs (directive sanctions). Pour le niveau fédéral, compétent en matière d’asile et de migration, il importe de modifier la loi, notamment pour objectiver les critères d’octroi de titre de séjour.

Bref, des pistes existent pour améliorer et modifier les législations. Il suffit d’en avoir la volonté (politique)! Avec mon groupe, nous travaillons sur des textes législatifs que nous soumettrons prochainement au Parlement.

En conclusion, ce fut une belle journée intense, émouvante et instructive !

A suivre!

L’interdiction du port de signes convictionnels ostentatoires aux agents de la fonction publique – Cachez ce voile qu’on ne saurait voir !

Le 25 novembre 2022, en séance plénière, le MR a présenté sa proposition d’ordonnance « LIGNE » (Libertés Individuelles Garanties par la Neutralité de l’État), visant à assurer la neutralité et l’impartialité des agents des services publics de la Région de Bruxelles-Capitale et à interdire le port de signes convictionnels ostentatoires dans l’exercice de leurs fonctions.

Voici mon intervention en réponse à leur proposition d’ordonnance :

Chers collègues, laissez-moi vous dire que je suis fatiguée par ces débats stériles qui déchaînent les passions et polarisent le monde politique. Dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, laissez-moi vous dire que, s’il y a bien une forme de violence insidieuse, c’est bien celle qui concerne l’interdiction faite aux femmes de porter librement un foulard. Car nous savons toutes et tous que c’est de cela dont il s’agit ici.

Cachez ce voile qu’on ne saurait voir ! Quand il s’agit porter un foulard et de travailler dans les coulisses, de nettoyer les toilettes, d’être dans un service d’appui (back office), cela ne pose pas de problème. Quelle hypocrisie ! Ce qui vous préoccupe, visiblement, ce sont les sorts des femmes musulmanes si fragiles, si fébriles, si soumises et si incapables de décider par elles-mêmes et pour elles-mêmes. En fait, dans une mission civilisatrice, vous songez à les éduquer, à les émanciper, à les libérer.

Ne nous libérez pas, on s’en charge ! La véritable émancipation des femmes, c’est le respect de leur libre arbitre. Oui, les femmes ont un libre arbitre, et elles ont également une capacité à disposer librement de leur corps. Voyez comme je vous parle librement, depuis cette enceinte démocratique ! Ai-je l’air d’une femme soumise ? Ai-je l’air d’une personne incapable de penser par elle-même et pour elle-même ?

Je ne suis pas un cas isolé. Beaucoup de femmes, en dehors du Parlement, travaillent dans des administrations publiques, depuis des années, sans que cela soit problématique. Voyez le nombre de femmes coiffées d’un foulard qui s’investissent dans des administrations publiques ! Il est vrai que toutes n’ont pas cette opportunité : d’aucunes continuent d’essuyer des refus d’embauche parce qu’elles n’ont pas la bonne apparence de neutralité.

La proposition d’ordonnance que nous examinons vise précisément à interdire aux agents de la fonction publique le port de signes convictionnels ostentatoires. En somme, cette prohibition contribuera à reléguer de nombreuses femmes dans la sphère privée. Est-ce ce projet de société que nous voulons, que vous voulez ? Est-ce le modèle d’émancipation que nous prônons ?

Avez-vous seulement une idée de l’impact de ces mesures de coercition sur la santé mentale de ces femmes, du poids de cette violence symbolique – pour reprendre le concept de Bourdieu – sur une partie de nos concitoyennes ? Vous n’imaginez pas non plus le risque de licenciement d’agents publics qui portent le foulard. Vous ne vous rendez pas compte des conséquences. Vous ne vous rendez pas compte de la menace sur le droit du travail. Pour un parti libéral, attaché au droit du travail, il y a lieu de relever cette incohérence manifeste.

Qui plus est, cela se passe dans un contexte inflationniste, où nous vivons des crises successives et des pénuries d’emploi. Les organismes publics peinent à recruter. Or, vous comme nous affichons l’ambition d’un taux d’emploi de 80 %. Comment alors y parvenir ? Cela doit aller de pair avec l’adoption d’une politique inclusive et émancipatrice. Nos administrations doivent refléter la sociologie de notre Région cosmopolite. Loin des considérations partisanes, les pouvoirs publics ont un devoir d’exemplarité.

Il est interpellant de constater que le MR, qui se targue de défendre les droits des femmes, s’en prend implicitement à ces dernières pour les invisibiliser et les exclure. Et que penser de la barbe des hommes ? Reflète-t-elle une dimension esthétique ou religieuse ? Vous conviendrez que c’est une question difficile à trancher.

Cela laisse à penser que la neutralité est un leurre. Nous sommes porteurs d‘identités multiples, d’expressions singulières, d’attitudes particulières, et le regard que nous portons sur les individus n’est jamais neutre.

Les signes convictionnels affichés par les agents ne montrent qu’un élément de leur vie privée. Ils ne disent pas tout de l’individu et de ses convictions. Qui plus est, ils ne constituent en aucun cas l’engagement favorable de l’organisme public pour cette conviction.

Vous l’aurez compris, les écologistes défendent et privilégient le principe d’impartialité, qui vise un traitement égalitaire par les agents de la fonction publique, quelles que soient leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques.

À vrai dire, la neutralité de l’État n’est pas une fin en soi. Il s’agit d’un instrument qui vise à garantir le respect de la liberté et la garantie de la légalité. Or, pour les écologistes, la liberté est la règle et l’interdiction l’exception, conformément à l’article 19 de la Constitution belge, qui garantit la liberté des cultes et de leur exercice public.

Il est donc surréaliste de devoir rappeler aux libéraux la nécessaire défense des libertés individuelles. Vous devriez peut-être vous inspirer du positionnement très inclusif de M. Hasquin.

En outre, le texte du MR soulève des questions sur le plan du respect des droits fondamentaux, à savoir le droit à la liberté, notamment religieuse, et le droit à la non-discrimination.

Les droits fondamentaux peuvent évidemment faire l’objet d’une restriction, moyennant des conditions strictes. Dans ce cas, l’interdiction doit être nécessaire et proportionnée à l’objectif visé.

Votre volonté d’interdire les signes convictionnels – ici le foulard – est-elle nécessaire et proportionnée à l’objectif visé, en l’occurrence la neutralité des services publics ? J’ai de bonnes raisons d’en douter.

J’ose espérer que l’intelligence collective l’emportera sur le voilement des esprits. J’ose espérer que notre attention sera portée sur les vrais enjeux de société plutôt que sur des débats stériles qui visent encore et toujours les femmes qui portent le foulard. 

Les politiques de (re)logement des personnes « sans chez soi » à la lumière de la récente étude de l’ULB-DULBEA

Le 09 octobre dernier, j’ai interrogé la Secrétaire d’État, chargée du Logement et de l’Egalité des Chances, Nawal Ben Hamou sur le rapport de l’ULB-DULBEA intitulé « le sans-chez-soirisme suite ou fin ? » commandité par le « Syndicat des Immenses » et « Droit à un toit ».

L’étude ULB-DULBEA

L’étude « le sans-chez-soirisme suite ou fin ?», vise à établir le coût réel (direct et indirect) du sans-abrisme en région bruxelloise.

Selon ladite étude, le coût moyen, par année, d’une personne sans logement est de 40 000 euros en région bruxelloise ! Celui-ci ne prend pourtant pas en compte tous les coûts difficilement quantifiables tels que ceux liés au bénévolat, à l’aide alimentaire, aux interventions de police, etc.

Il est fort probable que s’ils l’étaient, la somme serait bien plus importante et pourrait atteindre 85 000 euros par année et par personne. Ce chiffre, il faut le multiplier par 5 3133, correspondant au nombre de personnes sans-abris recensées en 2020.

Reloger ces personnes qui ne bénéficient pas de logement coûterait bien moins cher à la région.

Plus important encore ; ce serait le moyen de mettre fin au sans-abrisme et à ses conséquences dramatiques sur les personnes en situation d’extrême précarité.

Le sans-abrisme n’est pas une fatalité ! Il s’agit avant tout de volonté politique !

Tout comme le fait d’offrir à chaque personne des conditions de vie décentes. Cela passe notamment par la mise en œuvre de mesures structurelles et pérennes de (re)logement.

En effet, le logement constitue un droit fondamental inscrit à l’article 23 de notre constitution, lequel stipule que chacun a le droit « de mener une vie conforme à la dignité humaine ».

D’après les chercheurs de l’étude, « si même les personnes sans-abri ayant des besoins d’accompagnement intensifs avec des problématiques lourdes peuvent se maintenir en logement justement grâce à un accompagnement spécifique, alors toutes les personnes sans-abri sont capables de sortir de la rue et de se maintenir en logement ».

J’ai alors demandé à Nawal Ben Hamou, si elle partageait le constat de l’étude ? Quelle lecture et analyse fait-elle de l’étude de DULBEA?

Quelles politiques publiques met-elle en place concrètement pour reloger les personnes « sans chez-soi »? Des moyens supplémentaires sont-ils budgétisés pour répondre aux nombreuses demandes de logement en région bruxelloise?

Dans quelle mesure le dispositif Housing First est-il, en l’état, adapté à la situation de sortie de rue des personnes « sans chez-soi »? Permettra-t-il, selon vous, de répondre à l’importante demande de relogement? Si non, quelles améliorations sont envisagées ?

Enfin, des concertations sont-elles organisées avec son homologue Alain Maron, Ministre de la santé et de l’action sociale, pour coordonner au mieux leurs politiques publiques? Dans l’affirmative, que ressort-il de leurs échanges? Quelles actions conjointes sont-elles mobilisées?

La réponse de la Secrétaire d’État :

Le constat dépeint dans l’étude du coût réel du « sans-chez-soirisme » n’est, en effet, pas une surprise. Les politiques que nous entendons mettre en place relèvent plutôt du préventif que de l’accueil strictu sensu.

Plusieurs des projets que nous avons portés vont dans ce sens : la réforme de la procédure d’expulsion et le moratoire hivernal.

Dans le cadre de l’élaboration de ces 2 mesures, nous avons pu prouver que les moyens qu’il convenait de dégager étaient inférieurs à ce qu’aurait coûté à la collectivité, la prise en charge du public visé après expulsion. Nous partageons donc bel et bien la ligne défendue par l’étude de rediriger les moyens le plus en amont possible pour soulager les finances du secteur public et lui permettre d’agir de manière préventive.

Concernant les politiques mises en place pour reloger les personnes « sans chez soi », sachez que l’action 27 du Plan d’Urgence Logement vise à augmenter l’offre d’accueil pour les personnes sans abri en Région de Bruxelles-Capitale.

Elle prévoit deux appels à projets, qui ont été lancés en 2021 et 2022.

D’une part, le premier est un appel à projets adressé aux Communes et aux CPAS en vue d’acquérir et/ou de rénover des logements à destination de personnes sans abri.

Son objectif consiste à soutenir les communes et CPAS dans la rénovation et l’aménagement de logements mis durablement à disposition d’un public sans abri. La commune et/ou le CPAS s’engagent à assurer la gestion locative du logement en question. Les logements ainsi mobilisés font l’objet d’une convention d’une durée minimale de dix ans avec un ou plusieurs opérateurs psychosociaux spécialisés dans l’accompagnement de personnes sans abri, sous la supervision de Bruss’help.

Trois communes ont remis un projet dans le cadre de cet appel : Anderlecht, Bruxelles et Watermael-Boitsfort, ainsi que trois CPAS : Berchem-Sainte-Agathe, Bruxelles et Etterbeek.

Les six projets déposés permettront de reloger environ 25 personnes, et ont reçu une subvention d’un montant global de 1.255.276,97 euros.

D’autre part, le second est un appel à manifestation d’intérêt destiné aux AIS et relatif à la mise à disposition de logements à destination de personnes et de familles sans abri en Région de Bruxelles-Capitale.

L’objectif est, à terme, de mettre durablement à disposition 400 logements à destination d’un public de personnes sans-abri sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale tout en assurant la gestion locative du bien et en veillant à ce que chaque personne relogée bénéficie, au plus tard au moment de l’entrée en logement, d’un accompagnement par un service spécialisé dans l’accompagnement psychosocial de personnes sans abri, sous la supervision de Bruss’help.

En 2022, trois AIS ont décidé de mettre un total de 12 logements à disposition d’un public sans abri, mais il est vraisemblable que d’autres logements s’ajoutent à ceux-ci en 2023.

De manière plus globale, en dehors de cet appel à manifestation d’intérêt, certains logements du parc de logements AIS sont expressément dédiés pour des personnes sans-abri.

Dans les données du relevé au 30/09/2021, dernières données pour lesquelles les chiffres sont complets et validés, 125 logements étaient spécifiquement dédiés à des sans-abris. A noter qu’en ajoutant les logements de transit, on arrive au total à 473 logements. Les données du relevé au 30/09/2022 seront disponibles d’ici la fin de l’année.

En règle générale, toutes les AIPL mises à part les associations plus spécialisées (asbl dédiées aux handicapés, femmes battues, personnes âgées, services juridiques…) offrent leurs services à toutes personnes en situation précaire en ce compris le sans-abrisme.

Quelques missions pertinentes :

– Offre d’hébergement, maisons d’accueil, habitat léger, housing first (Febul, ULAC, CEMO);
– Permanences, accompagnement personnalisé, orientation vers des hébergements et prise en charge (Habitat et rénovation, la Source, UL Marolienne, UL Saint-Gilles, Fami-home, Maison de quartier Saint-Antoine);
– Distribution de repas (Syndicat des locataires, UL Saint-Gilles);
– Récolte de boites cadeaux pour les sans-abris (Maison en plus);
– Participation aux réunions sur le thème de l’avant- projet « allocation d’accompagnement au relogement » (ULAC);
– Réunions sur le thème des sans-abris (ULMK).

3 associations concentrent leurs missions sur le sans-abrime

L’Ilôt (situé à Saint-Gilles):

Leur service d’accompagnement à domicile s’adresse aux personnes qui ont quitté la rue ou un service d’aide aux personnes sans abri, ainsi qu’éventuellement à des personnes qui, par un accompagnement préventif, éviteront de recourir à l’un de ces services. Le service est offert à toute personne s’installant/installée en Région bruxelloise, qui en fait la demande et qui bénéficie (ou bénéficiera prochainement) d’un logement.

Infirmiers de rue (situé à Anderlecht):

L’action des infirmiers·ères de terrain est multiple et vise à faire sortir de la rue les personnes prises en charge et les reloger durablement. Les démarches pour y arriver consistent à réaliser des soins, en rue ou en logement, à motiver et conseiller les personnes sans-abri à prendre soin de leur hygiène et de leur santé, et enfin à les accompagner à leurs rendez-vous médicaux. Les patient·es intègrent ainsi progressivement un véritable réseau médical, coordonné au départ par les infirmiers·ères avec l’aide du médecin de l’association. À terme, c’est le réseau médical « normal » (c’est à dire qui s’adresse d’habitude aux personnes qui ont un logement, comme les médecins traitants habituels, les maisons médicales, etc.) qui va prendre le relais et assurer la prise en charge des patient·es.

Diogènes (situé à 1000 Bruxelles):

Leur mission consiste d’une part à accompagner des personnes sans-abri dans leur sortie de la rue, et d’autre part à soutenir des personnes qui disposent d’un logement mais qui vivent comme des habitants de la rue. Pour le premier groupe, il s’agit d’offrir des pistes de relogement et un accompagnement à l’entrée en logement. Pour le second groupe, il s’agit de faire un travail de prévention à la perte de logement et de proposer une aide à la personne pour investir et s’approprier au mieux son logement.

Plus précisément, il s’agit :

– D’un travail de rue et d’un travail de motivation au changement;
– D’un accompagnement personnalisé;
– De développer des dynamiques d’appropriation d’un logement;
– De relais vers les services d’accompagnement à domicile ou de housing first.

Concernant le dispositif Housing Frist, nous vous renvoyons, pour cette sous-question, au Ministre Alain Maron dans le cadre de ses compétences en COCOM (sortie de rue).

Enfin, concernant les concertations organisées avec le Ministre Maron à ce sujet, comme indiqué précédemment, les deux appels à projets et à manifestation d’intérêt lancés par Bruxelles Logement en 2021 et 2022 incluent une collaboration avec Bruss’help, qui dépend de sa compétence.

Mobilisation : l’humain avant le numérique !

La transition numérique est inéluctable mais elle ne peut contribuer à exclure une partie de nos concitoyen.ne.s.  Selon le baromètre de l’inclusion numérique, 46 % de la population sont en situation de vulnérabilité numérique en 2021.

Ce mardi 06 décembre, des travailleuses et travailleurs sociaux du secteur associatif se sont mobilisé.e.s en faveur du maintien et de l’amélioration des « guichets physiques » au sein des administrations publiques notamment.

Autrement dit, les manifestant.e.s plaident en faveur de « l’humain par défaut » plutôt que du « numérique par défaut » tel qu’il semble être le cas dans l’avant-projet d’ordonnance « Bruxelles numérique » qui fait actuellement l’objet d’une série de critiques, avant même son dépôt au gouvernement bruxellois, puis au Parlement.

Le secteur est inquiet des conséquences de la dématérialisation des services publics, notamment sur les personnes vulnérables (personnes âgées, personnes en situation de handicap, personnes analphabètes, etc.) en terme de non accès et de non-recours aux droits. Il est urgent de replacer l’humain au centre de nos préoccupations et d’investir des moyens ambitieux pour soutenir les associations qui pallient aux carences des pouvoirs publics pour assurer l’accueil et l’accompagnement des usager.e.s.

En marge de l

a manifestation, une délégation de 10 associations a été reçue par plusieurs député.e.s au Parlement bruxellois.

Par ailleurs, le groupe Écolo a déposé aujourd’hui une proposition de résolution visant le maintien et le renforcement des « guichets humains » dans les services publics afin d’assurer aux citoyen.n.e.s, l’accès et le recours aux droits. 

Mobilisation et solidarité avec les travailleuses domestiques « sans papiers »

Dans le cadre de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, la Ligue des travailleuses domestiques sans papiers a décidé de mener une action symbolique ! Celle de remettre en main propre au président du Parlement bruxellois une motion comportant trois points :

  • la protection des travailleuses lors de dépôt de plainte contre un employeur abuseur;
  • l’accès à un travail légal;
  • l’accès aux formations d’Actiris.

Invisibilisées et cantonnées dans l’économie informelle, ces travailleuses domestiques occupent des emplois précaires et très pénibles. Elles nettoient nos toilettes, gardent nos enfants et participent à l’économie informelle. Elles contribuent ainsi à l’essor socio-économique de notre Région.

Or, la Région bruxelloise dispose d’un levier politique. Depuis la sixième réforme de l’État, les Régions sont compétentes pour délivrer un permis de travail unique, et ce, en concertation avec l’État fédéral.

A cet, effet j’ai interpellé le Ministre de l’emploi, s’il avait pris connaissance de la motion, est-ce qu’il la soutenait ? Quels leviers politiques peut-il activer pour répondre à leurs doléances ?

J’ai aussi saisi l’opportunité de lui remettre une série de témoignages poignants que les travailleuses domestiques ont lus devant les portes du Parlement.

La réponse du Ministre :

Tout le problème est lié à l’accès au séjour. Dans le cadre de l’accord de coopération qui lie les trois Régions et l’État fédéral sur le permis unique, nous sommes totalement dépossédés, en tant que Région, de la question de l’accès au séjour, qui est une compétence intégralement fédérale.

Je ne suis pas insensible au sort de ces personnes qui travaillent sans statut, sans reconnaissance, sans contrat.

On peut en effet se demander s’il ne s’agit pas, dans le chef de certains employeurs, d’exploitation de personnes en situation de fragilité, qui reçoivent une rémunération indigne et insuffisante et qui, faute de payer des cotisations sociales, n’ont pas droit au remboursement des soins de santé et à la pension. Cependant, pour lever les problèmes ici posés, il faut qu’avec le Parlement tout entier, nous interpellions le gouvernement fédéral ou le parlement fédéral pour trouver des réponses à cette question.

Quant à la troisième recommandation concernant l’accès aux formations, cela fait déjà plusieurs années que tant le comité de gestion d’Actiris que celui de Bruxelles Formation sont incapables de répondre à ma demande de trouver une solution juridiquement valable permettant un accès au séjour et toutes les assurances qui accompagnent l’accès aux formations.

Nous sommes au maximum de nos compétences. Pour trouver une réponse aux interrogations posées aujourd’hui, il faut que nous interpellions tous ensemble le gouvernement ou le parlement fédéral, qui pourrait s’en saisir.


Evidemment, il est désolant d’entendre que la Région ne peut rien faire pour les travailleuses domestiques sans papiers, alors qu’il est possible d’activer des leviers politiques, ici en Région bruxelloise.

 

L’avancement de l’ordonnance « Testing » visant à lutter contre les discriminations à l’embauche

Le 26 octobre passé, j’ai eu l’occasion d’interroger le ministre Clerfayt concernant l’avancement de la modification de l’ordonnance dite « testing » visant à lutter contre les discriminations à l’embauche.

Dernièrement, le gouvernement bruxellois a approuvé en seconde lecture le projet d’ordonnance visant à renforcer les tests proactifs permettant de détecter les traitements différenciés et de lutter plus efficacement contre les discriminations à l’embauche.

En 2020, Actiris a enregistré 215 signalements de discrimination, dont 43 % concernent des critères dits « raciaux ». Nous avons en outre pris connaissance du dernier rapport d’Unia, qui nous apprend que quelque 10.000 signalements ont été enregistrés en 2021. La plupart concernent des discriminations sur la base de la prétendue race et touchent surtout au domaine de l’emploi. Il est important de signaler qu’il s’agit seulement de la partie visible de l’iceberg, puisque le phénomène de sous-rapportage doit être pris en considération.

Bientôt, des tests pourront être utilisés sur la base de signalements, de plaintes ou de soupçons suffisants, sans obtenir au préalable l’accord d’un magistrat, comme c’est le cas actuellement.

C’est une bonne nouvelle pour les victimes de discrimination ainsi que pour les secteurs concernés et les associations qui luttent contre le racisme. Il s’agit aussi d’une excellente nouvelle pour moi, qui n’ai eu de cesse d’interpeller le ministre Clerfayt depuis l’entame de la législature.

J’ai pu alors lui poser les questions suivantes :

  • Quel est l’état d’avancement du projet de modification de l’ordonnance dite « testing » ?

  • Outre le caractère proactif des tests de discrimination, il est prévu de renforcer la protection des inspecteurs régionaux qui réalisent ces tests et de développer la collaboration avec Actiris Inclusive. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

  • Dans quelle mesure avez-vous tenu compte des avis des partenaires sociaux consultés durant le processus de modification du texte législatif ?

  • Quel est le calendrier de dépôt du projet d’ordonnance et de son examen en commission ? Cet objectif figure dans la déclaration de politique régionale, j’espère donc que l’examen du texte aboutira rapidement. Parallèlement, le plan de lutte contre le racisme de Mme Ben Hamou doit être présenté. Y a-t-il une volonté d’associer vos calendriers sur ces thématiques similaires ?

  • Quel est le budget global estimé pour la mise en œuvre de ce projet d’ordonnance ? Des priorités sont-elles définies ? Si oui, lesquelles ?

  • En matière de méthodologie, quels sont les indicateurs de réussite du projet d’ordonnance, les délais de sa réalisation ainsi que les critères d’évaluation tant qualitatifs que quantitatifs ?

La réponse du ministre :

L’avant-projet d’ordonnance qui modifie l’ordonnance dite « testing » a été approuvé par le gouvernement en seconde lecture le 15 septembre dernier. Dans la foulée, nous avons sollicité l’avis du Conseil d’État qui dispose de 30 jours pour le remettre, mais il nous est revenu avec plusieurs questions très pointues. La remise de son avis pourrait donc prendre plus de temps.

Outre une certaine proactivité, le projet d’ordonnance prévoit de développer la collaboration avec Actiris et d’accroître la protection des inspecteurs régionaux de l’emploi lorsqu’ils effectuent ces tests anonymes. Il s’agit donc de deux axes différents. Concernant la protection des inspecteurs, le paradigme est inversé pour les infractions commises par ces derniers lorsqu’ils réalisent des tests.

La version actuelle prévoit que les inspecteurs sont exemptés de peine ; c’est la clause absolutoire. Les modifications proposées visent à introduire une nouvelle forme de protection à leur égard, car ils ne se sentaient pas suffisamment protégés par le régime actuel. Il s’agit d’une clause légale de justification permettant d’éviter toute poursuite des inspecteurs pour les actes posés dans le cadre de la réalisation des tests. On demande en effet à un inspecteur de commettre un faux. Or, les faux en écriture constituent une infraction. Auparavant, on estimait que lorsqu’ils réalisaient ce faux, ils commettaient une infraction pour laquelle ils n’étaient pas poursuivis. Aujourd’hui, on affirme qu’ils ne sont pas poursuivis du tout.

La collaboration avec Actiris sera double. D’une part, Actiris devra transmettre l’ensemble des signalements reçus par son guichet antidiscrimination deux fois par mois, pour chaque cas présentant une présomption suffisante de discrimination et moyennant l’accord explicite de la victime, qu’elle veuille rester anonyme ou non.

D’autre part, Actiris transmettra, à la demande de la direction de l’inspection régionale de l’emploi et dans un délai de dix jours maximum, des curriculums vitæ anonymisés permettant aux inspecteurs de réaliser plus efficacement des tests de situation.

La grande majorité des propositions reprises dans les avis des partenaires sociaux et des différentes instances consultées ont été prises en considération. Ainsi, six avis ont été analysés et intégrés quand cela s’est avéré possible, à savoir ceux de Brupartners, Unia (partenaire de toujours dans ce sujet difficile), l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, le Conseil bruxellois pour l’égalité entre les femmes et les hommes, le Conseil bruxellois de la personne handicapée et le comité de gestion d’Actiris. L’Autorité de protection des données a également été sollicitée. Cela représente un long travail de consultation qui a mis en évidence que les discriminations ne sont pas uniquement de nature raciste, mais portent aussi sur le handicap, l’âge, etc.

Le calendrier d’examen des dossiers au Parlement ne dépend pas de moi. En ce qui concerne le travail au gouvernement, j’espère pouvoir aboutir à une approbation en troisième et dernière lecture avant la fin de l’année, sous réserve des remarques formulées par le Conseil d’État. En effet, ayant travaillé aux confins de nos compétences, le Conseil d’État peut être tenté de pointer du doigt certains éléments de nature juridique. Le projet et l’ensemble des avis seront transmis au Parlement selon la procédure ad hoc, sans doute au début de l’année prochaine.

Plusieurs budgets ont été ou seront prévus pour la mise en œuvre de l’ordonnance. D’une part, un budget de 150.000 euros est prévu dès cette année pour l’organisation des études académiques permettant, le cas échéant, des tests proactifs dans des secteurs déterminés. Le marché est en cours d’attribution et j’espère pouvoir lancer les premiers tests cette année. Ces tests proactifs dans un secteur donné devraient aider à convaincre les juges d’y mener des actions spécifiques.

D’autre part, le gouvernement bruxellois a pris acte de la nécessité d’engager deux inspecteurs de niveau B et un agent administratif de niveau C pour la réalisation efficace des tests. Ces embauches font partie des projets d’adaptation des cadres du personnel.

Bien que nous connaissions tous le phénomène de sous-rapportage des discriminations, il ne me paraît pas opportun de fixer un nombre de tests à effectuer par an ou par trimestre. L’objectif est bien d’augmenter le nombre de signalements reçus, et donc d’augmenter le nombre de tests à réaliser par la direction de l’inspection régionale de l’emploi, mais ce nombre dépendra de la nature des informations transmises. En revanche, il sera de notre devoir, en tant que service public, d’effectuer l’ensemble des tâches que le Parlement confiera à l’administration.

Après le vote de l’ordonnance, un premier indicateur sera l’augmentation du nombre de signalements, notamment sur la base de la collaboration entre la direction de l’inspection régionale de l’emploi et Actiris. Un deuxième indicateur sera l’envoi, à temps, des deux salves mensuelles de signalements par Actiris vers la direction de l’inspection. Un troisième indicateur sera l’attribution d’une étude académique par l’administration et la réalisation des tests sectoriels en découlant, en fonction des résultats indiquant l’ampleur des discriminations dans le secteur testé et de l’avis de Brupartners. Nous verrons ensuite comment mieux déterminer et mesurer les cas de discriminations, secteur par secteur.

En conclusion :

Je salue la volonté de monsieur le ministre de mettre en place des tests plus proactifs et, surtout, d’intégrer, dans cette modification, les six avis des protagonistes.

Je me réjouis de l’engagement de deux inspecteurs. J’ai toutefois signaler à monsieur Clerfayt qu’il fallait veiller à les former correctement et à les sensibiliser à la lutte contre toutes les formes de discrimination, car il s’agit tout de même d’une matière très délicate. Les signalements repris dans les rapports d’Actiris et d’Unia augmentent et visent principalement des discriminations à caractère racial, mais je ne nie évidemment pas l’existence d’autres formes de discrimination, comme celles liées au handicap.

Bien que le texte n’ait pas encore été voté, je prends note des 150.000 euros alloués à l’organisation des tests proactifs. Un montant qui reste néanmoins, insuffisant.