Les conditions de travail dans les entreprises de titres-services

La semaine dernière, nous prenions connaissance des résultats accablants de la dernière campagne nationale d’information concernant le secteur des Titres-services.
Sur 175 visites de contrôles dans ces entreprises : 159 avertissements, 19 avis correctifs et 1 Pro Justitia ont été dressés ! https://www.sudinfo.be/id609388/article/2023-01-30/un-tres-mauvais-bulletin-pour-les-societes-de-titres-services-les-visites-de

Avec Ecolo, nous n’avons de cesse, et ce depuis plusieurs mois, d’interpeller les pouvoirs publics quand à la situation des personnes employées dans ce secteur. Celles-ci, puisqu’il s’agit très largement de femmes, travaillent bien souvent dans des conditions de grande pénibilité, avec très peu de sécurité face à l’emploi et d’importantes nuisances observées sur leur santé de manière générale.

En Séance plénière de ce vendredi 3 février, j’avais l’occasion d’interroger le ministre Bernard Clerfayt, en charge de l’Emploi en Région bruxelloise, à ce sujet.

Retrouvez, ici, un extrait de ma question ainsi que de ma réplique suite à la réponse du Ministre : https://www.facebook.com/1240101019/videos/1561107477698266/

Ma question :

Monsieur le Ministre,

La presse a récemment fait état du nombre important d’infractions à la réglementation sur le bien-être au travail constatées au sein des entreprises de titres-services ! En effet, 175 visites de contrôle ont été effectuées dans le cadre de la campagne nationale d’inspection réalisée en 2022.
Sur les 175 visites, 159 avertissements, 19 avis correctifs et 1 Pro Justicia ont été dressés.
Les trois principales infractions constatées concernaient l’absence d’une analyse des risques, l’absence d’une surveillance de la santé et l’absence de contrôle par l’employeur.

La réforme des titres-services prévoit notamment d’améliorer les conditions de travail des aides-ménagères. Dans votre tweet du 31 janvier, vous indiquez pouvoir y contribuer.

  • A cet effet, que mettez-vous concrètement en place pour y parvenir?
  • A l’instar de votre homologue Christie Morreale3, allez-vous demander à l’inspection régionale de prendre contact avec l’inspection fédérale pour disposer des rapports qui concernent les entreprises bruxelloises et le cas échéant demander un avis à la commission d’agréments des entreprises de titres services?
  • Une conférence interministérielle est-elle convoquée pour dégager des pistes de solutions conjointes ?

 

Voici sa réponse :

Comme moi, vous avez appris par la presse le résultat des enquêtes menées par l’inspection fédérale de l’emploi sur le bien-être au travail des travailleuses bénéficiant de titres-services.
Si nous l’avons appris dans la presse, notre administration – en l’occurrence, notre direction de l’inspection régionale de l’emploi – en était parfaitement informée puisque ces opérations ont été menées de concert et en parfaite collaboration.

Dans le cadre de leur travail quotidien, nous demandions depuis longtemps que de telles opérations conjointes soient menées pour assurer la coordination entre les services d’inspection.
Nous savons tous, en effet, que les conditions de travail des aides ménagères sont pénibles.

Nous en avons reçu de nouveaux témoignages, émanant des aides ménagères elles-mêmes, de leurs représentants syndicaux et d’autres sources encore. En témoigne également le grand nombre de maladies musculo-squelettiques qui frappent cette profession. Nous savons que c’est un vrai problème.

Je me réjouis dès lors que ces inspections aient eu lieu et que ces constats aient pu être dressés. Si les constats devaient s’avérer très graves, j’espère que l’inspection fédérale prendra des mesures plus sévères que la simple rédaction de procès-verbaux d’infraction. Un cas a néanmoins donné lieu à un pro justitia.

Ces inspections conjointes sont donc menées par les deux services, régional et fédéral. Mais les inspecteurs des deux Régions ont des compétences propres. S’agissant ici d’infractions à la législation fédérale sur le travail, seuls les inspecteurs fédéraux peuvent dresser le procès-verbal. Aucune infraction ne relevait de compétences régionales.

Les informations et les procès-verbaux sont donc entre les mains de l’inspection fédérale, qui fait son travail et c’est très bien ainsi. Nous avons demandé que nous soit transmis ce dossier mais nous ne l’avons pas encore reçu. Lorsque ce sera le cas, nous verrons si nous pouvons l’exploiter dans le cadre de nos propres compétences, ainsi que vous l’indiquez, en ce qui concerne le non-agrément éventuel d’entreprises qui seraient responsables d’un grand nombre d’infractions graves.

Nous assurons ainsi les suites de cette opération puisque c’est à notre demande et avec notre participation que ces enquêtes ont eu lieu. Nous connaissons la difficulté et la pénibilité du métier d’aide ménagère.

En Région bruxelloise, nous avons pris des mesures spéciales qu’aucune autre Région n’a prises jusqu’à présent. Ces mesures sont en préparation et en discussion avec les partenaires sociaux. J’espère vous présenter prochainement le texte qui en découlera afin de durcir les conditions d’agrément, de pouvoir exercer un meilleur contrôle sur les entreprises, et de leur rappeler plus efficacement leurs obligations. J’espère que nous en discuterons très prochainement.

Enfin, en ce qui concerne la conférence interministérielle, j’ai appuyé, le 17 novembre dernier, avec le ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale, une demande adressée au ministre fédéral Pierre-Yves Dermagne afin qu’une telle conférence interministérielle soit organisée. L’idée est de discuter ensemble du bien-être au travail et des conditions de rémunération des aides ménagères. La majeure partie de ces compétences sont fédérales, mais nous sommes disposés à en parler avec tous acteurs régionaux et fédéraux.

 

La formation des métiers de la Construction

Ce 25 janvier 2023, j’avais l’occasion d’interroger le Ministre bruxellois en charge de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Il était important pour moi de l’interroger sur cette question des métiers en pénurie et/ou porteurs en Région bruxelloise. Plus de 113 métiers sont recensés en tant que telles, ces emplois représentent de véritables chances d’intégration durable sur le marché du travail. Or malgré cette pénurie, les employeurs éprouvent encore beaucoup de difficultés à récruter. Il nous faut apporter une réponse efficace tant aux demandeurs d’emplis qu’aux employeurs potentiels.


Ma question au Ministre : 

Les métiers de la construction sont confrontés à de nombreuses difficultés de recrutement. Comme vous le savez, Actiris publie annuellement une liste des fonctions critiques, reprenant les métiers en pénurie ou porteurs en Région bruxelloise. Cette année, les métiers de la construction font partie des 113 métiers répertoriés. Selon Actiris, si les employeurs éprouvent des difficultés à recruter dans le secteur de la construction, c’est pour des raisons d’ordre à la fois quantitatif et qualitatif. En effet, pour la majorité des métiers de la construction, il y a trop peu de candidats et ceux qui sont disponibles et prêts à travailler, ne disposent pas de la formation nécessaire et pertinente pour ces métiers. Il existe donc une forte demande pour la formation des demandeurs d’emploi. À l’occasion de la déclaration de politique générale, le gouvernement bruxellois s’était engagé à mettre en place un pôle formation-emploi, notamment dans le secteur de la construction. Nous saluons d’ailleurs la création de construcity.brussels, en 2021, qui répond à cet engagement dans une vision d’accompagnement et de formation des demandeurs d’emploi. Certes, les formations permettent de revitaliser les secteurs, mais surtout, elles augmentent les opportunités d’embauche. En 2021, Bruxelles Formation comptabilisait 476 demandeurs d’emploi qui suivaient une formation dans le secteur de la construction. Néanmoins, force est de constater que la réponse aux demandes de formation n’est pas satisfaisante. Le secteur de la construction recherche toujours de la main-d’œuvre dans plus de 24 métiers porteurs ou en pénurie. Nous devons impérativement rendre l’offre de formation plus attrayante. Actiris parle de fonctions critiques ou, parfois, de métiers en pénurie. Comment sont définies ces fonctions critiques ? Disposez-vous de chiffres relatifs aux formations pour les métiers de la construction déjà mises en place, ainsi qu’au nombre de demandeurs d’emploi qui les ont suivies ?

Sa réponse : 

La problématique des métiers en pénurie et en particulier des métiers de la construction ne date pas d’hier. Ce problème est présent tant en Wallonie, en Flandre que dans d’autres pays comme la France, les Pays-Bas, l’Angleterre, l’Allemagne, etc. Les causes en sont multifactorielles et ne sont pas spécifiques à la Région bruxelloise. Elles ont trait aux conditions salariales, fiscales, à l’organisation du travail, aux conventions collectives, à l’image des métiers, aux donneurs d’ordre, etc. Tous les instruments pour agir sur cette pénurie ne sont donc pas aux mains de la Région ou de la formation. En Région bruxelloise, nous avons mis en place une nouvelle structure innovante qui réunit les acteurs publics de l’emploi et de la formation professionnelle et les acteurs professionnels du secteur privé. Nous avons créé un pôle formation-emploi, une asbl, une structure juridique, ainsi qu’un site internet construcity.brussels qui donne nombre d’informations sur les métiers, à la fois sur la gestion des formations continues des travailleurs du secteur pour améliorer leur formation aux métiers nouveaux, aux compétences vertes qu’ils doivent acquérir pour mettre en œuvre le plan Rénolution, mais aussi sur les formations pour les chercheurs d’emploi ou les chercheurs de formation pour accéder aux métiers du secteur.

C’est une dynamique nouvelle, mise en place il y a quelques années, qui est en cours de déploiement. Elle fonctionne, même s’il est peut-être encore trop tôt pour l’évaluer globalement. Toutefois, nous croyons que c’est la meilleure manière de mettre ensemble les compétences de chacun. Les acteurs du secteur privé savent faire la veille sur les orientations qu’il faut donner aux métiers et les besoins quantitatifs et qualitatifs des travailleurs et des formations, et nous mettons à leur disposition les moyens financiers d’Actiris, de Bruxelles Formation et du VDAB, auxquels s’ajoutent les moyens financiers des fonds sectoriels de formations qui permettent de construire une offre de formations adaptée aux réalités.

J’en viens à votre question sur les fonctions critiques et les métiers en pénurie, des termes qui ne sont pas toujours utilisés de façon adéquate. Les fonctions critiques sont les métiers pour lesquels les employeurs et employeuses rencontrent des difficultés de recrutement. Ces difficultés sont catégorisées selon trois ordres, qui peuvent être cumulés. Ainsi, elles peuvent être d’ordre quantitatif (pas suffisamment de candidats ou candidates), qualitatif (un net décalage entre le profil des candidats et candidates et les attentes des employeurs, c’est d’ailleurs là qu’intervient la reconnaissance des diplômes) ou liées aux conditions de travail (manque d’attractivité des rémunérations, horaires de nuit, travail à l’extérieur, pénibilité du travail).

En bref, soit il n’y a pas suffisamment de candidats, soit les candidats que l’on trouve n’ont pas le profil ou n’acceptent pas les conditions qui leur sont proposées. Les métiers en pénurie sont les fonctions critiques qui le sont pour des raisons quantitatives. La détermination de la liste des fonctions critiques est le résultat d’une analyse des offres d’emploi – en matière de volume, de durée et de satisfaction – qu’Actiris reçoit et d’une consultation de terrain par les services d’Actiris. Je précise qu’Actiris ne dispose pas de l’ensemble des offres d’emploi qui s’organisent spontanément sur le marché. Actiris ne travaille qu’avec les offres d’emploi qui passent par son propre canal. Il va sans dire que si les employeurs ont du mal à recruter sur le marché en dehors d’Actiris, ils s’adressent à Actiris et on retrouve ces informations dans le flux pouvant être analysées par view.brussels. Actiris complète son information par une consultation des acteurs de terrain. Pour plus de détails sur cette méthodologie, je vous renvoie vers le site d’Actiris et les analyses réalisées par view.brussels.

J’en viens aux métiers en pénurie. Cette dénomination me paraît stigmatisante et je préfère parler de secteur qui recrute : un secteur qui recrute a envie de vous et de vos talents, il est prêt à vous accompagner dans l’acquisition des compétences et dans votre carrière. La construction est donc un des secteurs qui recrutent. Ne disposant pas encore des chiffres de 2022 sur les formations, je me réfère au rapport 2021 de Bruxelles Formation, selon lequel 476 chercheurs d’emploi ont été formés par le pilier formation de Construcity, qui réunit les forces vives dont j’ai parlé. Toutes les formations aux métiers de la construction de Bruxelles Formation s’inscrivent ainsi dans le pôle formation-emploi.

À ces 476 chercheurs d’emploi s’ajoutent des stagiaires formés chez les partenaires de Bruxelles Formation, soit un total, certes insuffisant pour combler les manques, de 813 chercheurs d’emploi formés et 278.970 heures de formation dispensées en centre de formation dans le domaine de la construction en 2021. Quant à d’éventuels dispositifs supplémentaires : des formations supplémentaires sont dispensées dans le cadre de la stratégie Rénolution. Bruxelles Environnement finance en effet construcity.brussels afin de renforcer son offre de formations et de l’adapter aux nouvelles orientations du secteur Rénolution. D’importants moyens issus du budget formation, d’Actiris et de Bruxelles Environnement sont donc alloués pour élargir l’offre de formations à construcity.brussels. En 2022 et 2023, nous avons alloué un budget supplémentaire à construcity.brussels pour améliorer la sélection des candidats aux formations, l’orientation vers ces métiers, la formation des chercheurs d’emploi intéressés par une carrière dans le secteur de la construction… Ce budget supplémentaire a aussi pour objectif de soutenir construcity.brussels dans la prospection en entreprises afin d’alimenter cette formation de stages en entreprise et en insertion, ainsi que dans l’élaboration, en collaboration avec les secteurs ou les professionnels, de parcours de formation sur mesure, adaptés aux besoins des entreprises.

[…]

La Région bruxelloise veille à accorder des moyens suffisants à ces actions, dans les limites de l’équilibre budgétaire régional qui sert d’autres politiques tout aussi souhaitables. J’en viens aux questions qui ne tombent pas dans le champ des compétences régionales. Des questions subsistent en effet au sujet des conditions de travail. À cet égard, le secteur ne met pas tant en avant les conditions de rémunération, un peu supérieures à la moyenne des métiers techniques, que d’autres éléments justifiant ce supplément de rémunération : la pénibilité, les horaires, les conditions de travail à l’extérieur.

Toutefois, il ne faut pas aggraver ces conditions, car un nombre croissant de métiers de la construction ont recours à la technologie. Oubliez l’image du maçon qui porte des briques sur l’épaule ou qui déplace des tas de sable à la main. C’était le cas il y a une trentaine d’années, mais maintenant, la technologie est aussi présente dans ce secteur et y réduit la pénibilité, beaucoup d’éléments étant notamment préparés en usine. Le travail est donc beaucoup plus technique, plus qualitatif et justifie dès lors de meilleures conditions de travail et une meilleure rémunération. Il convient ainsi de travailler sur l’image de ces métiers. Nous avons organisé des tables rondes sur les métiers en pénurie, dont les conclusions doivent être finalisées avec les secteurs. L’un des principaux aspects à retenir, a fortiori dans la construction, sera d’œuvrer à l’image et à l’attractivité du secteur, en montrant les emplois modernes qu’il propose. En effet, de belles carrières sont à faire, avec toutes les technologies qu’il déploie pour satisfaire aux exigences de Rénolution et à toutes nos ambitions de disposer d’un bâti plus technologique et de meilleure qualité.


J’ai pu remercier le Ministre pour sa réponse particulièrement complète. Je relevais cependant le fait que ce secteur n’est toujours pas assez attractif. Un dispositif inédit a été mis en place et c’est très bien, il nous faudra cependant l’évaluer. Aujourd’hui encore nous entendons des personnes nous rapporter la précarité de certains de ces métiers, les difficultés pour des employeurs a embaucher, même en ayant contacté Actiris ou Bruxelles Formation. Nous devons donc prendre la mesure de cette problématique et tenter d’y répondre le plus rapidement possible. Cette situation n’a que trop duré.

L’évaluation de la réforme des contrats «article 60»

Ce 25 janvier, j’avais l’occasion d’interpeller le Ministre Bernard Clerfayt, en charge notamment de l’emploi et de la formation professionnelle concernant l’évaluation de la réforme des contrats dits « articles 60 » ainsi que de l’impact de ce dispositif sur les chercheurs d’emploi qui bénéficient du Revenu d’Intégration Sociale (RIS), 


Voici mon intervention : 

Le 1er janvier 2023 marque les trois ans de l’entrée en vigueur de la réforme du dispositif article 60. Je souhaite donc me saisir de cette occasion afin de vous interroger, une fois de plus, sur son avancement et les constats que vous avez déjà pu observer.

À l’occasion de la Déclaration de Politique Générale, le Gouvernement s’engageait à : «poursuivre les réformes initiées en matière d’aide à l’emploi […] pour les personnes sous statut dit « article 60 ». Ces réformes seront évaluées dans le courant de la législature. Le service LINK d’Actiris se verra renforcé pour améliorer encore les fins de parcours des personnes sous statut dit « article 60 » en vue de faciliter leur retour sur le marché de l’emploi».


Les contrats « article 60 », contrats de travail conclus entre le CPAS et les bénéficiaires, permettent, en effet, d’acquérir une expérience professionnelle. Cependant, ils ont parfois, comme simple vocation la récupération des droits au chômage ou
le fait d’y accéder tout simplement. La dimension « formatrice » des contrats « article 60 » est donc malheureusement parfois négligée. Or, la réforme des contrats d’insertion a comme vocation de renforcer le volet qualitatif des dispositifs article 60, notamment, en ce qui concerne l’offre de formation. Ce que nous ne pouvons que saluer. Néanmoins, il ne faut pas oublier le caractère, malheureusement, précaire des contrats article 60. Les travailleurs ne sont pas certains de trouver un emploi durable après leur contrat d’insertion, le retour au chômage est de courte durée et à terme, ils se retrouvent, pour la plupart, de retour à la case de départ. Certes, il est primordial de soutenir la mise à l’emploi, mais, il est encore plus important de fournir des emplois de qualité ! Car la mise à l’emploi ne doit pas se faire au détriment de la durabilité et de la qualité de l’emploi. Les contrats d’insertion « article 60 » doivent mener à une véritable mise à l’emploi.

En Commission des Affaires économiques et de l’Emploi de ce 25 janvier 2023, j’interrogeais le Ministre Bernard Clerfayt avec les questions suivantes : 

  • Lorsque je vous ai interpelé il y a un an, sur ce même sujet , vous nous aviez informés qu’une évaluation ne serait pas faite avant 2022. Depuis lors, une évaluation a-t-elle été effectuée ? Si oui, par qui et quels en sont les résultats ?

  • Disposez-vous des chiffres relatives à la réinsertion professionnelle des bénéficiaires du RIS ayant travaillé sous contrat d’insertion « article 60 » ? Combien de personnes sont actuellement employées sous ces contrats ?

  • Lors de votre réponse à ma dernière demande d’explication sur ce sujet, vous aviez répondu que les personnes concernées par ce dispositif d’insertion, ne tiraient pas profit de cette période pour améliorer leurs qualifications professionnelles. Je vous demande alors ce qu’il est prévu pour les personnes sous contrat article 60 en termes de formation ? Des dispositifs de formations sont-ils mis en place pendant leur période d’emploi sous contrat « article 60 » pour accroître leurs qualifications ?

  • À l’occasion de l’étude et des discussions concernant la présentation budgétaire pour cette année 2023, nous observions une augmentation du budget alloué aux dispositifs de mise en œuvre des contrats d’insertion « article 60 ». Nous constations alors une augmentation de 28 % des subventions de fonctionnement accordées aux ASBL privées, « liées à l’ordonnance concernant l’économie sociale » ainsi qu’une augmentation de 58% du montant des subventions de fonctionnement accordées aux « ASBL des pouvoirs locaux liées ». Comment le budget alloué va-t-il être utilisé dans le cadre des contrats « article 60 » ? Quel sera le budget alloué au volet qualitatif de la réforme ?

 

Ainsi que la réponse du Ministre :

 

Il y a trois ans est entrée en vigueur la réforme des emplois d’insertion portée par mon prédécesseur, M. Gosuin, et votée à la fin de la législature précédente. Nous avons alors voulu privilégier la notion d’emplois d’insertion plutôt que de parler d’article 60.
Nous avions pour ambition d’accroître la reprise en emploi des personnes accompagnées par les CPAS. L’objectif était de faire en sorte que les CPAS atteignent un taux de 10 % pour cette catégorie de personnes qui, chaque année, sont prises en charge en vue d’améliorer leur insertion dans l’emploi.

Une deuxième ambition forte était d’améliorer leurs conditions de rémunération, car chaque CPAS avait des politiques et des usages différents en la matière. La plupart des personnes concernées sont peu qualifiées et
étaient rémunérées selon différents barèmes. Nous avons voulu que toutes ces personnes perçoivent une rémunération de niveau D.

Troisièmement, pour maintenir ces personnes dans l’emploi au-delà de cette période minimale pour couvrir leur droit au chômage, il fallait améliorer leur formation et faire en sorte qu’à la fin de la période d’accompagnement des emplois d’insertion, ces personnes possèdent de meilleures compétences, afin d’augmenter leurs chances de trouver un emploi ultérieurement. J’aimerais à ce sujet rappeler que le fait de retrouver pleinement les droits au chômage et à l’accompagnement y afférent – cet accompagnement est garanti par le CPAS – est déjà un élément positif, même s’il est insuffisant. Cette réforme portait donc de fortes ambitions. Toutefois, pour être franc, les chiffres ne sont pas à la hauteur de nos ambitions, tout simplement parce que l’entrée en vigueur de la réforme a coïncidé avec le début de la crise sanitaire, une crise qui a ralenti l’activité économique et la prise en emploi et qui a eu des répercussions sur le chômage et sur le nombre de cessations d’activité. Il est donc très compliqué d’estimer les causes de cet échec relatif. Est-il imputable uniquement à la crise  sanitaire, à d’autres éléments du mécanisme ou à une combinaison de plusieurs facteurs ? Nous n’y voyons pas clair, de sorte que nous ignorons ce qu’il faut réformer exactement. Pour bien faire, il faudrait un diagnostic sérieux et pertinent.

Je suis en discussion avec les CPAS sur la question : les CPAS étant financés à concurrence de la réalisation de leurs objectifs, je devrais diminuer leur financement, mais ils demandent qu’il soit maintenu. Il y a donc un dialogue entre le ministre, qui veut faire appliquer les règles, les normes et les contrats, et les CPAS, qui restent nos partenaires et sur qui nous comptons pour mener avec succès cette politique d’insertion de publics très éloignés du marché de l’emploi.
C’est la Fédération des CPAS bruxellois qui mène à bien ce travail d’évaluation. Je lui ai demandé de me faire des propositions sur la base de son expérience et des retours du terrain. Certains CPAS obtiennent en effet de meilleurs résultats que d’autres. Il y a donc lieu de voir quelles stratégies ont le mieux fonctionné ou si certaines réalités socioéconomiques locales entraînent des différences. Autant d’éléments pertinents et nécessaires pour adapter le mécanisme de façon intelligente. L’ordonnance du 28 mars 2019 relative au dispositif d’insertion à l’emploi dans le cadre de l’article 60, § 7 que je mets en œuvre, prévoit l’élaboration d’un rapport annuel transmis au Parlement. Le rapport 2022 a été transmis au Parlement le 25 novembre dernier. Vous y retrouverez le détail des chiffres pour l’année 2021. En raison de la crise du Covid-19, les chiffres 2021 ne sont bons ni pour l’emploi en général, ni pour les emplois d’insertion.

Le rapport 2023 donnera les chiffres pour l’année 2022, que nous collationnons actuellement auprès des CPAS. Je dispose déjà de quelques données non encore définitives, que nous n’avons pas encore insérées dans le rapport : pour 2022, le dispositif concerne 4.410 bénéficiaires. Pour le seul mois d’octobre – le dernier pour lequel je dispose de chiffres -, il concerne 2.358 personnes. Pour le détail statistique, nous pouvons attendre le rapport, ou vous pouvez poser une question écrite. Pour 2020, par contre, 41 % des bénéficiaires sortant du dispositif des emplois d’insertion ont décroché un travail dans l’année qui a suivi. Nous pouvons nous réjouir de ce pourcentage, mais aussi estimer qu’il est possible de l’améliorer et nous interroger sur la façon de l’améliorer en fonction du profil des personnes prises en charge, du profil de formation, des secteurs ou encore des partenaires qui embauchent sous contrat « article 60 ».

La réforme a bien instauré un plan d’acquisition des compétences, qui impose au partenaire prenant quelqu’un en emploi d’insertion de lui assurer une formation. En effet, cet emploi ne peut consister uniquement à effectuer des tâches simples, rapides et peu coûteuses : il faut que l’intéressé acquière des compétences. Ce plan reçoit un soutien financier de la Région de 3.000 euros maximum. En 2021, 1.587 plans d’acquisition de compétences ont été déclarés par l’ensemble des dix-neuf CPAS bruxellois pour 467 travailleurs, et ce, pour des formations très variées. Les 3.000 euros visent à payer l’entrée en formation des personnes qui, pendant une fraction du temps, ne travaillent pas chez le partenaire.
Ainsi, j’ai invité les CPAS à me faire des propositions d’amélioration pour dynamiser l’utilisation de la prime formation. Le catalogue des formations financiables pourrait ainsi être élargi en fonction des profils des personnes qu’ils sont amenés à traiter.

Concernant l’augmentation des articles budgétaires inscrits au budget 2023, le budget régional alloué au financement des emplois d’insertion visés à l’article 60 reste stable et est seulement calculé sur la base :
– de l’occupation effective du nombre de postes. Comme les postes sont moins nombreux que prévu, il n’y a pas de raison d’augmenter le crédit budgétaire ; en effet, celui-ci ne sera pas dépensé tant que nous n’avons pas de proposition pour rendre cette politique plus efficace ;
– des préfigurations du service public de programmation Intégration sociale sur le nombre de personnes prises en charge par les CPAS. Il s’agit d’un budget global de 65,17 millions d’euros, dont 1,40 million d’euros pour la prime aux CPAS, puisque la Région intervient dans leurs frais administratifs à concurrence de 350 euros par emploi d’insertion. Sachant que la politique de l’emploi représente environ 1 milliard d’euros, ce budget de 65 millions d’euros pour la politique « article 60 » n’est pas négligeable.

Le budget régional alloué au financement de l’encadrement des entreprises sociales d’insertion a été augmenté de 6 millions d’euros, tous types d’entreprises confondus, portant le budget 2023 à 20,30 millions d’euros. C’est un écosystème : ces entreprises, qui sont financées pour mettre à l’emploi des personnes éloignées du marché du travail et les former, sont souvent celles qui prennent en formation des travailleurs « article 60 » qui leur sont envoyés par les CPAS. Par ailleurs, les personnes concernées par l’article 60 ne représentent qu’une fraction du public des entreprises sociales d’insertion, qui emploient également des personnes provenant directement d’Actiris ou d’ailleurs.

En conclusion, même si les chiffres sur la mise à l’emploi d’insertion visé à l’article 60 n’atteignent pas encore les ambitions initiales, nous allons continuer à soutenir le développement des compétences de ces Bruxellois au regard d’un projet professionnel leur permettant de s’insérer durablement sur le marché du travail. Les dix-neuf CPAS et leur fédération travaillent de concert en vue de déterminer des points d’amélioration. J’attends d’être saisi de leurs travaux pour m’en emparer à mon tour et, le cas échéant, ajuster le cadre réglementaire. Même si je suis insatisfait des résultats observés, je reste profondément mobilisé par l’accroissement des compétences de ces publics-là afin d’augmenter leurs chances de trouver un emploi et de conserver un partenariat fort avec les CPAS, dont c’est la mission.


 

Ce fut donc l’occasion pour moi de rappeler la nécessité d’aborder le problème de façon structurelle, et cela se fait principalement au niveau fédéral, où la réforme fiscale et sociale est en cours. Toutefois le Ministre bruxellois dispose lui-aussi de moyens, d’un rôle à jouer, au niveau régional. Je l’encourage donc dans cette voie, celle notamment du rehaussement des rémunération au niveau D. Il nous faut rehausser les salaires de manière générale. Il n’est pas normal que des travailleurs qui se lèvent tôt ne perçoivent qu’unsalaire très bas, proche des allocations sociales. Il est donc impératif d’entamer une réflexion globale sur cette question des salaires.

🗣 Colloque : l’accès au titre de séjour pour les travailleuses domestiques

Nous organisions au Parlement bruxellois, le 17 décembre passé, un colloque sur  « l’accès au titre de séjour pour les travailleuses domestiques »

Le colloque a débuté par une mise en scène originale mettant en lumière la situation extrêmement difficile des travailleuses domestiques « sans papiers » (travail précaire, horaire pénible, salaire indécent, …)

Des témoignages poignants ont été lus par des travailleuses domestiques ainsi que par mes collègues parlementaires bruxelloises: (Magali Plovie, Fadila Laanan, Els Rochette, Françoise De Smedt, Nicole Nketo Bomele et Latifa Aït-Baala).

 👉 Le premier panel, modéré par ma collègue Marie Lecocq, a permis de dresser les constats et les enjeux, avec l’expertise de Evelyne Ayong, (membre de la Ligue des travailleuses domestiques de la CSC bxl), Josephine Ngole (comité des femmes sans papiers), Chiara Giordano (chercheuse au GERME) et Jan Knockaert (représentant de Fairwork Belgium).

Les personnes sans titre de séjour font partie intégrante du marché de l’emploi bruxellois. Elles sont invisibles de par leur statut de séjour, mais sont pourtant bien présentes dans de nombreux secteurs de l’économie bruxelloise: nettoyage, aide à domicile, horeca, etc. Cantonnées dans l’économie informelle, ces travailleuses sans-papiers subissent des rapports de domination (de genre, de classe et de race), et elles sont particulièrement vulnérables aux risques professionnels et aux abus de certains employeurs (salaire indécent, horaires démesurés, conditions de travail dangereuses, absence d’assurance et de protection sociale, …). Ce n’est tout simplement pas acceptable.

 👉 Le second panel fût consacré aux recommandations et aux pistes de solutions, avec l’expertise de Luc Walleyn (avocat), de Michael De Gols (directeur de Unisoc) et Eva Maria Jimenez Lamas (responsable syndicale interprofessionnelle pour la CSC Bxl).

Nos intervenant.e.s ont mentionné les leviers régionaux et fédéraux en matière de régularisation par le travail. En ce qui concerne la région bruxelloise, elle est devenue compétente depuis la 6ème réforme de l’état (en 2014) en matière d’octroi de permis de travail (cfr. directive permis unique) mais aussi de protection des travailleurs contre les employeurs abuseurs (directive sanctions). Pour le niveau fédéral, compétent en matière d’asile et de migration, il importe de modifier la loi, notamment pour objectiver les critères d’octroi de titre de séjour.

Bref, des pistes existent pour améliorer et modifier les législations. Il suffit d’en avoir la volonté (politique)! Avec mon groupe, nous travaillons sur des textes législatifs que nous soumettrons prochainement au Parlement.

En conclusion, ce fut une belle journée intense, émouvante et instructive !

A suivre!

L’interdiction du port de signes convictionnels ostentatoires aux agents de la fonction publique – Cachez ce voile qu’on ne saurait voir !

Le 25 novembre 2022, en séance plénière, le MR a présenté sa proposition d’ordonnance « LIGNE » (Libertés Individuelles Garanties par la Neutralité de l’État), visant à assurer la neutralité et l’impartialité des agents des services publics de la Région de Bruxelles-Capitale et à interdire le port de signes convictionnels ostentatoires dans l’exercice de leurs fonctions.

Voici mon intervention en réponse à leur proposition d’ordonnance :

Chers collègues, laissez-moi vous dire que je suis fatiguée par ces débats stériles qui déchaînent les passions et polarisent le monde politique. Dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, laissez-moi vous dire que, s’il y a bien une forme de violence insidieuse, c’est bien celle qui concerne l’interdiction faite aux femmes de porter librement un foulard. Car nous savons toutes et tous que c’est de cela dont il s’agit ici.

Cachez ce voile qu’on ne saurait voir ! Quand il s’agit porter un foulard et de travailler dans les coulisses, de nettoyer les toilettes, d’être dans un service d’appui (back office), cela ne pose pas de problème. Quelle hypocrisie ! Ce qui vous préoccupe, visiblement, ce sont les sorts des femmes musulmanes si fragiles, si fébriles, si soumises et si incapables de décider par elles-mêmes et pour elles-mêmes. En fait, dans une mission civilisatrice, vous songez à les éduquer, à les émanciper, à les libérer.

Ne nous libérez pas, on s’en charge ! La véritable émancipation des femmes, c’est le respect de leur libre arbitre. Oui, les femmes ont un libre arbitre, et elles ont également une capacité à disposer librement de leur corps. Voyez comme je vous parle librement, depuis cette enceinte démocratique ! Ai-je l’air d’une femme soumise ? Ai-je l’air d’une personne incapable de penser par elle-même et pour elle-même ?

Je ne suis pas un cas isolé. Beaucoup de femmes, en dehors du Parlement, travaillent dans des administrations publiques, depuis des années, sans que cela soit problématique. Voyez le nombre de femmes coiffées d’un foulard qui s’investissent dans des administrations publiques ! Il est vrai que toutes n’ont pas cette opportunité : d’aucunes continuent d’essuyer des refus d’embauche parce qu’elles n’ont pas la bonne apparence de neutralité.

La proposition d’ordonnance que nous examinons vise précisément à interdire aux agents de la fonction publique le port de signes convictionnels ostentatoires. En somme, cette prohibition contribuera à reléguer de nombreuses femmes dans la sphère privée. Est-ce ce projet de société que nous voulons, que vous voulez ? Est-ce le modèle d’émancipation que nous prônons ?

Avez-vous seulement une idée de l’impact de ces mesures de coercition sur la santé mentale de ces femmes, du poids de cette violence symbolique – pour reprendre le concept de Bourdieu – sur une partie de nos concitoyennes ? Vous n’imaginez pas non plus le risque de licenciement d’agents publics qui portent le foulard. Vous ne vous rendez pas compte des conséquences. Vous ne vous rendez pas compte de la menace sur le droit du travail. Pour un parti libéral, attaché au droit du travail, il y a lieu de relever cette incohérence manifeste.

Qui plus est, cela se passe dans un contexte inflationniste, où nous vivons des crises successives et des pénuries d’emploi. Les organismes publics peinent à recruter. Or, vous comme nous affichons l’ambition d’un taux d’emploi de 80 %. Comment alors y parvenir ? Cela doit aller de pair avec l’adoption d’une politique inclusive et émancipatrice. Nos administrations doivent refléter la sociologie de notre Région cosmopolite. Loin des considérations partisanes, les pouvoirs publics ont un devoir d’exemplarité.

Il est interpellant de constater que le MR, qui se targue de défendre les droits des femmes, s’en prend implicitement à ces dernières pour les invisibiliser et les exclure. Et que penser de la barbe des hommes ? Reflète-t-elle une dimension esthétique ou religieuse ? Vous conviendrez que c’est une question difficile à trancher.

Cela laisse à penser que la neutralité est un leurre. Nous sommes porteurs d‘identités multiples, d’expressions singulières, d’attitudes particulières, et le regard que nous portons sur les individus n’est jamais neutre.

Les signes convictionnels affichés par les agents ne montrent qu’un élément de leur vie privée. Ils ne disent pas tout de l’individu et de ses convictions. Qui plus est, ils ne constituent en aucun cas l’engagement favorable de l’organisme public pour cette conviction.

Vous l’aurez compris, les écologistes défendent et privilégient le principe d’impartialité, qui vise un traitement égalitaire par les agents de la fonction publique, quelles que soient leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques.

À vrai dire, la neutralité de l’État n’est pas une fin en soi. Il s’agit d’un instrument qui vise à garantir le respect de la liberté et la garantie de la légalité. Or, pour les écologistes, la liberté est la règle et l’interdiction l’exception, conformément à l’article 19 de la Constitution belge, qui garantit la liberté des cultes et de leur exercice public.

Il est donc surréaliste de devoir rappeler aux libéraux la nécessaire défense des libertés individuelles. Vous devriez peut-être vous inspirer du positionnement très inclusif de M. Hasquin.

En outre, le texte du MR soulève des questions sur le plan du respect des droits fondamentaux, à savoir le droit à la liberté, notamment religieuse, et le droit à la non-discrimination.

Les droits fondamentaux peuvent évidemment faire l’objet d’une restriction, moyennant des conditions strictes. Dans ce cas, l’interdiction doit être nécessaire et proportionnée à l’objectif visé.

Votre volonté d’interdire les signes convictionnels – ici le foulard – est-elle nécessaire et proportionnée à l’objectif visé, en l’occurrence la neutralité des services publics ? J’ai de bonnes raisons d’en douter.

J’ose espérer que l’intelligence collective l’emportera sur le voilement des esprits. J’ose espérer que notre attention sera portée sur les vrais enjeux de société plutôt que sur des débats stériles qui visent encore et toujours les femmes qui portent le foulard. 

Les politiques de (re)logement des personnes « sans chez soi » à la lumière de la récente étude de l’ULB-DULBEA

Le 09 octobre dernier, j’ai interrogé la Secrétaire d’État, chargée du Logement et de l’Egalité des Chances, Nawal Ben Hamou sur le rapport de l’ULB-DULBEA intitulé « le sans-chez-soirisme suite ou fin ? » commandité par le « Syndicat des Immenses » et « Droit à un toit ».

L’étude ULB-DULBEA

L’étude « le sans-chez-soirisme suite ou fin ?», vise à établir le coût réel (direct et indirect) du sans-abrisme en région bruxelloise.

Selon ladite étude, le coût moyen, par année, d’une personne sans logement est de 40 000 euros en région bruxelloise ! Celui-ci ne prend pourtant pas en compte tous les coûts difficilement quantifiables tels que ceux liés au bénévolat, à l’aide alimentaire, aux interventions de police, etc.

Il est fort probable que s’ils l’étaient, la somme serait bien plus importante et pourrait atteindre 85 000 euros par année et par personne. Ce chiffre, il faut le multiplier par 5 3133, correspondant au nombre de personnes sans-abris recensées en 2020.

Reloger ces personnes qui ne bénéficient pas de logement coûterait bien moins cher à la région.

Plus important encore ; ce serait le moyen de mettre fin au sans-abrisme et à ses conséquences dramatiques sur les personnes en situation d’extrême précarité.

Le sans-abrisme n’est pas une fatalité ! Il s’agit avant tout de volonté politique !

Tout comme le fait d’offrir à chaque personne des conditions de vie décentes. Cela passe notamment par la mise en œuvre de mesures structurelles et pérennes de (re)logement.

En effet, le logement constitue un droit fondamental inscrit à l’article 23 de notre constitution, lequel stipule que chacun a le droit « de mener une vie conforme à la dignité humaine ».

D’après les chercheurs de l’étude, « si même les personnes sans-abri ayant des besoins d’accompagnement intensifs avec des problématiques lourdes peuvent se maintenir en logement justement grâce à un accompagnement spécifique, alors toutes les personnes sans-abri sont capables de sortir de la rue et de se maintenir en logement ».

J’ai alors demandé à Nawal Ben Hamou, si elle partageait le constat de l’étude ? Quelle lecture et analyse fait-elle de l’étude de DULBEA?

Quelles politiques publiques met-elle en place concrètement pour reloger les personnes « sans chez-soi »? Des moyens supplémentaires sont-ils budgétisés pour répondre aux nombreuses demandes de logement en région bruxelloise?

Dans quelle mesure le dispositif Housing First est-il, en l’état, adapté à la situation de sortie de rue des personnes « sans chez-soi »? Permettra-t-il, selon vous, de répondre à l’importante demande de relogement? Si non, quelles améliorations sont envisagées ?

Enfin, des concertations sont-elles organisées avec son homologue Alain Maron, Ministre de la santé et de l’action sociale, pour coordonner au mieux leurs politiques publiques? Dans l’affirmative, que ressort-il de leurs échanges? Quelles actions conjointes sont-elles mobilisées?

La réponse de la Secrétaire d’État :

Le constat dépeint dans l’étude du coût réel du « sans-chez-soirisme » n’est, en effet, pas une surprise. Les politiques que nous entendons mettre en place relèvent plutôt du préventif que de l’accueil strictu sensu.

Plusieurs des projets que nous avons portés vont dans ce sens : la réforme de la procédure d’expulsion et le moratoire hivernal.

Dans le cadre de l’élaboration de ces 2 mesures, nous avons pu prouver que les moyens qu’il convenait de dégager étaient inférieurs à ce qu’aurait coûté à la collectivité, la prise en charge du public visé après expulsion. Nous partageons donc bel et bien la ligne défendue par l’étude de rediriger les moyens le plus en amont possible pour soulager les finances du secteur public et lui permettre d’agir de manière préventive.

Concernant les politiques mises en place pour reloger les personnes « sans chez soi », sachez que l’action 27 du Plan d’Urgence Logement vise à augmenter l’offre d’accueil pour les personnes sans abri en Région de Bruxelles-Capitale.

Elle prévoit deux appels à projets, qui ont été lancés en 2021 et 2022.

D’une part, le premier est un appel à projets adressé aux Communes et aux CPAS en vue d’acquérir et/ou de rénover des logements à destination de personnes sans abri.

Son objectif consiste à soutenir les communes et CPAS dans la rénovation et l’aménagement de logements mis durablement à disposition d’un public sans abri. La commune et/ou le CPAS s’engagent à assurer la gestion locative du logement en question. Les logements ainsi mobilisés font l’objet d’une convention d’une durée minimale de dix ans avec un ou plusieurs opérateurs psychosociaux spécialisés dans l’accompagnement de personnes sans abri, sous la supervision de Bruss’help.

Trois communes ont remis un projet dans le cadre de cet appel : Anderlecht, Bruxelles et Watermael-Boitsfort, ainsi que trois CPAS : Berchem-Sainte-Agathe, Bruxelles et Etterbeek.

Les six projets déposés permettront de reloger environ 25 personnes, et ont reçu une subvention d’un montant global de 1.255.276,97 euros.

D’autre part, le second est un appel à manifestation d’intérêt destiné aux AIS et relatif à la mise à disposition de logements à destination de personnes et de familles sans abri en Région de Bruxelles-Capitale.

L’objectif est, à terme, de mettre durablement à disposition 400 logements à destination d’un public de personnes sans-abri sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale tout en assurant la gestion locative du bien et en veillant à ce que chaque personne relogée bénéficie, au plus tard au moment de l’entrée en logement, d’un accompagnement par un service spécialisé dans l’accompagnement psychosocial de personnes sans abri, sous la supervision de Bruss’help.

En 2022, trois AIS ont décidé de mettre un total de 12 logements à disposition d’un public sans abri, mais il est vraisemblable que d’autres logements s’ajoutent à ceux-ci en 2023.

De manière plus globale, en dehors de cet appel à manifestation d’intérêt, certains logements du parc de logements AIS sont expressément dédiés pour des personnes sans-abri.

Dans les données du relevé au 30/09/2021, dernières données pour lesquelles les chiffres sont complets et validés, 125 logements étaient spécifiquement dédiés à des sans-abris. A noter qu’en ajoutant les logements de transit, on arrive au total à 473 logements. Les données du relevé au 30/09/2022 seront disponibles d’ici la fin de l’année.

En règle générale, toutes les AIPL mises à part les associations plus spécialisées (asbl dédiées aux handicapés, femmes battues, personnes âgées, services juridiques…) offrent leurs services à toutes personnes en situation précaire en ce compris le sans-abrisme.

Quelques missions pertinentes :

– Offre d’hébergement, maisons d’accueil, habitat léger, housing first (Febul, ULAC, CEMO);
– Permanences, accompagnement personnalisé, orientation vers des hébergements et prise en charge (Habitat et rénovation, la Source, UL Marolienne, UL Saint-Gilles, Fami-home, Maison de quartier Saint-Antoine);
– Distribution de repas (Syndicat des locataires, UL Saint-Gilles);
– Récolte de boites cadeaux pour les sans-abris (Maison en plus);
– Participation aux réunions sur le thème de l’avant- projet « allocation d’accompagnement au relogement » (ULAC);
– Réunions sur le thème des sans-abris (ULMK).

3 associations concentrent leurs missions sur le sans-abrime

L’Ilôt (situé à Saint-Gilles):

Leur service d’accompagnement à domicile s’adresse aux personnes qui ont quitté la rue ou un service d’aide aux personnes sans abri, ainsi qu’éventuellement à des personnes qui, par un accompagnement préventif, éviteront de recourir à l’un de ces services. Le service est offert à toute personne s’installant/installée en Région bruxelloise, qui en fait la demande et qui bénéficie (ou bénéficiera prochainement) d’un logement.

Infirmiers de rue (situé à Anderlecht):

L’action des infirmiers·ères de terrain est multiple et vise à faire sortir de la rue les personnes prises en charge et les reloger durablement. Les démarches pour y arriver consistent à réaliser des soins, en rue ou en logement, à motiver et conseiller les personnes sans-abri à prendre soin de leur hygiène et de leur santé, et enfin à les accompagner à leurs rendez-vous médicaux. Les patient·es intègrent ainsi progressivement un véritable réseau médical, coordonné au départ par les infirmiers·ères avec l’aide du médecin de l’association. À terme, c’est le réseau médical « normal » (c’est à dire qui s’adresse d’habitude aux personnes qui ont un logement, comme les médecins traitants habituels, les maisons médicales, etc.) qui va prendre le relais et assurer la prise en charge des patient·es.

Diogènes (situé à 1000 Bruxelles):

Leur mission consiste d’une part à accompagner des personnes sans-abri dans leur sortie de la rue, et d’autre part à soutenir des personnes qui disposent d’un logement mais qui vivent comme des habitants de la rue. Pour le premier groupe, il s’agit d’offrir des pistes de relogement et un accompagnement à l’entrée en logement. Pour le second groupe, il s’agit de faire un travail de prévention à la perte de logement et de proposer une aide à la personne pour investir et s’approprier au mieux son logement.

Plus précisément, il s’agit :

– D’un travail de rue et d’un travail de motivation au changement;
– D’un accompagnement personnalisé;
– De développer des dynamiques d’appropriation d’un logement;
– De relais vers les services d’accompagnement à domicile ou de housing first.

Concernant le dispositif Housing Frist, nous vous renvoyons, pour cette sous-question, au Ministre Alain Maron dans le cadre de ses compétences en COCOM (sortie de rue).

Enfin, concernant les concertations organisées avec le Ministre Maron à ce sujet, comme indiqué précédemment, les deux appels à projets et à manifestation d’intérêt lancés par Bruxelles Logement en 2021 et 2022 incluent une collaboration avec Bruss’help, qui dépend de sa compétence.