L’accessibilité du dispositif « permis unique » aux migrant.e.s et son évaluation par la Région

Voici mon intervention adressée au Ministre sur le sujet :

À l’aune de l’actualité des migrants, notamment des Ukrainiens fuyant la guerre et encore attendus à Bruxelles dans les prochaines semaines ou les prochains mois, je vous interroge une nouvelle fois sur le permis unique. Bénéficiant d’un statut de protection temporaire au sein de l’Union européenne, les Ukrainiens obtiennent un droit de séjour et une autorisation de travail, qui seront étendus aux membres de leur famille. Depuis quelques années, le marché du travail bruxellois est progressivement touché par une pénurie de main-d’œuvre que les migrants disposant des qualifications et des compétences requises pourraient pourtant contribuer à palier. Dans ce contexte, la question de l’accès des migrants au marché du travail à Bruxelles est pressante. La ministre wallonne de l’emploi Christie Morreale a récemment affirmé en commission vouloir avancer sans délai sur la question du permis unique pour les migrants, quelle que soit leur nationalité, afin qu’ils aient accès au marché de l’emploi. Nous espérons que la Région bruxelloise lui emboîtera le pas et se montrera ambitieuse en matière d’insertion économique de ces populations migrantes. On ne peut plus regarder et laisser faire ! Des personnes sans titre de séjour sont actuellement employées sur le marché noir alors que certaines d’entre elles pourraient bénéficier, au même titre que les réfugiés ukrainiens, d’un permis unique, au moins pour les métiers en pénurie. Elles contribueraient ainsi sans conteste au développement de l’économie belge et bruxelloise.

Rappelons que la Belgique est visée par la directive européenne du 13 décembre 2011, dite « directive permis unique », qui enjoint aux États membres d’établir une procédure unique et la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à la fois à résider et à travailler sur leur territoire.
Dans sa déclaration de politique régionale, le gouvernement s’est donné la mission d’évaluer la procédure d’octroi et de renouvellement des permis de travail afin, d’une part, d’améliorer l’intégration des ressortissants étrangers en Région bruxelloise et, d’autre part, d’apporter des solutions à une pénurie d’emploi croissante et aux difficultés des entreprises bruxelloises à pourvoir certaines fonctions.
Où en est le processus d’évaluation de la procédure d’octroi et de renouvellement des permis de travail ? Sur quels indicateurs porte-t-elle ? Quelles sont les questions spécifiques auxquelles cette évaluation doit répondre ? Quels acteurs sont consultés dans le cadre de cette évaluation ? Les conclusions de cette évaluation pourront-elles déboucher sur la modification de la procédure actuelle ? Quelle est la marge de manœuvre de la Région pour amender la législation actuelle en matière d’octroi des permis uniques ? Des consultations et des mécanismes de coordination existent entre la Région, le niveau fédéral et l’Office des étrangers quant à la mise en œuvre et à l’amendement des procédures et des conditions d’obtention du permis unique. Comment fonctionnent-ils ? Pouvez-vous déjà nous fournir les chiffres, pour l’année 2021, concernant les demandes de permis de travail déposées auprès de Bruxelles Économie et emploi, leur issue et leur justification ? Avez-vous, comme la ministre Morreale, sollicité l’inscription du dossier du permis unique à l’ordre du jour de prochaine la conférence interministérielle sur la migration et l’intégration ? Dans l’affirmative, qu’allez-vous y plaider ou, si elle a déjà eu  lieu, qu’y avez-vous plaidé ?

Quelles sont les mesures mises en place pour faciliter l’inscription des migrants – notamment ukrainiens – chez Actiris ?
Comment Actiris est-il mobilisé pour accompagner les migrants en demande d’emploi et de formation ? Des effectifs supplémentaires sont-ils déployés pour répondre à l’afflux des réfugiés ukrainiens ?
Des formations en langue étrangère ou en lien avec la liste des métiers en pénurie sont-elles envisagées ? Enfin, des séances d’information collectives sur le marché du travail ainsi que sur l’offre de services d’Actiris sont- elles organisées au départ des communes bruxelloises ? Dans l’affirmative, comment se déroulent-elles ?

Le Ministre m’a répondu ;

Vous évoquez plusieurs sujets. Permettez-moi d’abord de distinguer quatre situations différentes :
– les Ukrainiens qui arrivent chez nous ne sont ni des migrants ni des demandeurs d’asile. Ils bénéficient de la protection temporaire, qui constitue un statut distinct. Ils n’ont pas à introduire une demande particulière car la procédure est automatique ;
– les demandeurs d’asile doivent, quant à eux, suivre une procédure particulière. Dès qu’ils sont reconnus, ils obtiennent automatiquement le droit de travailler ;
– les travailleurs étrangers qui introduisent, depuis l’étranger, une demande pour travailler sur le territoire bruxellois, font l’objet de la procédure de permis unique; un autre débat concerne enfin les personnes résidant sur le territoire, qui travaillent peut-être, mais qui n’ont pas de résidence légale sur le territoire.
Quant aux procédures d’octroi, de renouvellement et de l’évaluation du processus actuel, chaque Région est compétente pour octroyer des autorisations de travail aux travailleurs étrangers depuis le 1er juillet 2014, à la suite de la sixième réforme de l’État. Au cours des premières années, les Régions et le gouvernement fédéral ont travaillé de manière intensive sur la refonte des procédures et la transposition de la directive européenne 2011/98 relative au permis unique.  Cela a finalement abouti à un nouveau cadre juridique créé par l’accord de coopération du 2 février 2018 conclu entre les trois Régions et l’État fédéral. Il porte sur la coordination des politiques d’octroi des autorisations de travail et du permis de séjour, ainsi que les normes relatives à l’emploi et au séjour des travailleurs étrangers. Cette nouvelle procédure est en vigueur depuis le 24 décembre 2018 et, après trois ans et demi, elle s’est révélée très robuste et efficace. Les demandes sont traitées sans problème, de manière souple et en bonne coordination entre les différentes instances fédérales et régionales, et les services sont plutôt satisfaits de la procédure. Afin d’éliminer une série de problèmes de fond et de mieux adapter l’ancienne législation fédérale à la situation spécifique de la Région bruxelloise, l’arrêté royal du 9 juin 1999 portant exécution de la loi du 30 avril 1999 relative à l’occupation de travailleurs étrangers a été adapté par les arrêtés du gouvernement bruxellois du 16 mai 2019 et du 25 juin 2020. Il s’agissait de quelques changements très importants. Ainsi, pour de nombreuses catégories, les autorisations de travail ont été allongées et sont désormais possibles pour une durée maximale de trois ans. La possibilité d’autorisations de travail pour une durée illimitée a été considérablement élargie, et la limitation d’autorisations de travail pour le personnel hautement qualifié à deux périodes de quatre ans a été supprimée. En outre, la restriction selon laquelle seuls les ressortissants des pays avec lesquels la Belgique a conclu un accord dans le domaine de l’emploi pouvaient être admis au travail, hors catégories, a été supprimée. Enfin, des règles ont été fixées pour pouvoir délivrer des autorisations de travail en application des directives européennes 2014/36, 2014/66 et 2016/801. Elles visent notamment les travailleurs saisonniers, les personnes transférées au sein d’une même entreprise située sur plusieurs territoires régionaux ou nationaux, les chercheurs, les stagiaires et les bénévoles dans le cadre du service volontaire européen. Il s’agit donc d’un processus d’assouplissement et d’élargissement de l’octroi des autorisations par le biais du permis de travail unique.

Toutes ces dispositions nous permettent de déjà disposer d’un système performant. Celui-ci permet d’une part aux employeurs de recruter facilement un travailleur étranger lorsque le marché du travail bruxellois est en pénurie, tout en prévoyant d’autre part les mécanismes de contrôle nécessaires pour lutter contre le dumping social et la fraude.
Rappelons que la loi de 1999 relative au permis de travail prévoit deux éléments de procédure fondamentaux pour l’obtenir. La demande doit être introduite par une entreprise souhaitant proposer un contrat de travail conforme aux normes conventionnelles du secteur à un travailleur étranger – comprenez extra-européen – qui dispose de compétences en pénurie sur le marché du travail bruxellois. Par conséquent, toute demande concernant une personne disposant de compétences présentes parmi les chercheurs d’emploi d’Actiris, ou qui n’est pas introduite par une entreprise pour un contrat dont les conditions respectent les normes du secteur, sera refusée.
Si ces procédures nous paraissent robustes, le travail ne s’arrête pas là pour autant. Ainsi, j’ai chargé Bruxelles Économie et emploi de préparer une note de principe reprenant certaines système existant, pour simplifier la procédure administrative dans le cadre de l’accord de coopération avec le gouvernement fédéral et pour adapter davantage la réglementation à la situation spécifique de la Région bruxelloise.
Vous m’interrogez sur la marge de manœuvre dont dispose la Région pour amender la législation actuelle dans le cadre des permis uniques et pour l’ouvrir éventuellement à des personnes ne disposant pas d’un titre de séjour légal. Le gouvernement fédéral a le pouvoir de régulariser les personnes en situation de séjour illégal, en vertu de la loi du 15 décembre 1980. C’est la compétence pleine et entière du gouvernement fédéral. Si l’octroi d’une autorisation de travail pour l’emploi d’un travailleur étranger est bien une compétence régionale, ce permis de travail doit également être suivi d’un permis de séjour fédéral. Ces deux décisions forment, ensemble, la procédure du permis unique.
Dans la pratique, cependant, on constate que le gouvernement fédéral a rendu plus strictes, en 2020, les conditions de séjour requises pour introduire une demande de permis unique depuis la Belgique. Ces conditions sont déterminées à l’article 61/25-1 et suivants de la loi fédérale sur le séjour. Cet article est entré en vigueur dans une version modifiée le 1er septembre 2020. Selon les dispositions de la loi fédérale, seules les premières demandes de travailleurs salariés qui, soit résident en Belgique sous le régime du court séjour (déclaration d’arrivée de court séjour), soit résident déjà en Belgique en tant qu’étudiants
ou chercheurs, sont recevables. Toutes les autres premières demandes en tant que travailleur salarié doivent être introduites lorsque le salarié est à l’étranger. Autrement dit, la régularisation par le travail n’est actuellement pas une option que la Région peut légalement mettre en œuvre. Seul un nouvel amendement de la loi par le Parlement fédéral peut créer de nouvelles ouvertures. J’ai cependant décidé de commander une étude complémentaire sur l’étendue des compétences régionales en matière de migration économique. Cette étude doit apporter une réponse aux questions suivantes.
Premièrement, compte tenu des normes légales applicables, et d’un point de vue prospectif, quelle est l’autonomie maximale dont dispose l’autorité régionale pour réglementer l’octroi d’une autorisation de travail à un étranger en séjour irrégulier sur le territoire belge ? Deuxièmement, que doit faire l’État fédéral, le cas échéant, d’une autorisation de travail accordée à une personne en séjour irrégulier sur le territoire belge ?
Cette étude vient d’être attribuée à un consortium de juristes mené par une professeure de droit des étrangers de l’UCLouvain. Compte tenu du résultat de cette étude complémentaire, nous pourrons examiner si la Région peut prendre elle-même des mesures supplémentaires.
Vous m’interrogez sur les chiffres relatifs à l’octroi des permis de travail. J’ai ici une très longue liste de chiffres, qu’il serait plus simple, à mon avis, de vous communiquer par écrit, en réponse à une question écrite. Pour 2021 – année complète -, nous avons reçu 6.556 demandes de permis unique, qui ont débouché sur 6.156 décisions – le restant des dossiers étant en traitement entre deux années – et sur l’octroi de 5.373 permis uniques. Je dispose ici de tous les tableaux reprenant les octrois par type de permis ou par niveau d’emploi. Les refus n’ont concerné que 323 décisions sur les 6.500 demandes reçues, soit un chiffre extrêmement bas. Les nationalités pour lesquelles le nombre de refus est le plus élevé sont les nationalités marocaine, tunisienne, philippine, pakistanaise, indienne, camerounaise et albanaise. Pour toutes les autres nationalités, le nombre de cas est inférieur à dix. Par ailleurs, les 323 refus ont donné lieu à 152 recours, dont le traitement est effectué par l’administration. À la suite des 152 recours, j’ai octroyé un permis unique dans 90 cas – soit environ 60 % -. Lors du réexamen des dossiers, des éléments complémentaires sont apportés, qui permettent de lever des obstacles ayant justifié un refus par l’administration. Voilà pourquoi, dans 60 % des cas, ces nouveaux éléments nous permettent d’octroyer un permis de travail.

Je dispose également d’informations par type de métier. Quelque 80 % des autorisations de travail sont accordées à du personnel  hautement qualifié, qui dispose de compétences absentes du
marché de l’emploi bruxellois, notamment dans les métiers en pénurie et en particulier ceux de l’informatique. Pour les métiers informatiques, la moitié du personnel hautement qualifié bénéficiaire d’un permis sont des ressortissants indiens. Ces personnes travaillent principalement dans le secteur des services.
En ce qui concerne la déclaration de la ministre Christie Morreale et les travaux de la conférence interministérielle (CIM) sur la migration et l’intégration, j’ai soutenu avec d’autres cabinets, dont ceux des ministres Morreale et Dermagne, la demande d’ouvrir la réflexion sur l’octroi d’autorisations de travail dans les métiers en pénurie aux personnes sans titre de séjour, et ce, dans le cadre d’une politique d’activation. Cependant, il a été clairement suggéré de ne pas inscrire cette question à l’ordre du jour des travaux afin de ne pas bloquer le fonctionnement de la CIM dès le départ, vu les positions des autres partenaires à la réunion.
Je vous lis un extrait du procès-verbal de la réunion en question : « Au sujet de l’activation, plusieurs membres demandent que l’accès au permis unique à partir du séjour irrégulier soit discuté.
Plusieurs membres s’y opposent également. Il est indiqué que les positions en la matière sont connues, et qu’un consensus rapide n’est pas en vue. Il est donc suggéré qu’il n’est pas opportun de mettre cette question à l’ordre du jour afin de ne pas bloquer le fonctionnement de la CIM dès le départ. Il est préférable d’opter pour des thèmes dans lesquels des progrès sont possibles. Néanmoins, chaque membre est libre d’ajouter des points à l’ordre du jour. » Soyons clairs : le gouvernement fédéral n’a pas souhaité que l’on en discute. J »en viens à présent aux mesures mises en place pour faciliter l’accueil des personnes d’origine ukrainienne, dans le cadre de l’octroi d’une protection temporaire. Pour les personnes hors Union Européenne et possédant un numéro d’identification de la sécurité sociale, il est possible depuis janvier de cette année de s’inscrire directement depuis la plateforme My Actiris. Les réfugiés ukrainiens peuvent ainsi bénéficier d’une aide textuelle qui leur explique comment encoder leur demande de permis unique. Ils ont également la possibilité de s’identifier comme ne parlant ni le français et ni le néerlandais et d’avoir recours à un interprète. Actiris propose en effet des services d’interprétariat en 22 langues, en vue d’accompagner les chercheurs d’emploi qui s’adressent à ses services et de faciliter leur intégration. En outre, pour les bénéficiaires de la protection temporaire en provenance d’Ukraine – un régime mis en place récemment -, il a été octroyé une autorisation d’inscrire ces personnes hors Union européenne, même si elles ne disposent pas d’un numéro d’identification de la sécurité sociale. Nous avons publié une banderole spéciale sur la page d’accueil de My Actiris, qui renvoie vers des informations utiles. De même, nous avons créé une page web comportant toutes les informations utiles pour les bénéficiaires de la protection  temporaire et mis en place un fanion « identification » afin  d’assurer l’accompagnement des bénéficiaires nouvellement inscrits. Actiris a introduit auprès de la Commission permanente de contrôle linguistique une demande de dérogation sur l’usage des langues, afin de permettre une communication dans des langues autres que le français et le néerlandais. Actiris s’est ainsi vu autorisé à utiliser l’anglais comme langue de travail avec ces personnes-là.
Depuis le 19 avril, une permanence centralisée à la tour Astro est opérationnelle et permet d’inscrire, d’informer et d’orienter les bénéficiaires de la protection temporaire. Ces personnes ont la possibilité de suivre une séance d’information spécifique qui leur propose des solutions telles que l’orientation vers une formation en langues. Depuis 2018, date d’entrée en service des bureaux d’accueil des primo-arrivants du côté francophone, Actiris a mis au point une stratégie visant l’intégration des primo-arrivants sur le marché de l’emploi. Un réseau de partenaires en contact avec les chercheurs d’emploi primo-arrivants a été développé, de même qu’une expertise dans la transmission d’informations directement aux bénéficiaires et le développement d’une équipe de conseillers spécialisés dans l’accompagnement de ce public. L’organisation activera toutes les mesures prévues à cet effet en mobilisant des ressources très larges et en adaptant son fonctionnement à l’ampleur des besoins.
En ce qui concerne l’arrivée des réfugiés ukrainiens, dès réception de l’annexe 15 délivrée par la commune, les bénéficiaires d’une protection temporaire en provenance d’Ukraine peuvent s’inscrire auprès d’Actiris. Rappelons cependant qu’il n’y a aucune obligation d’inscription, c’est une liberté qui leur est offerte. Dans les premières semaines de leur arrivée en Belgique, ces personnes ont naturellement d’autres
urgences à régler qu’une inscription sur le marché de l’emploi. Il y a le stress, l’installation, la recherche d’un logement, les enfants à scolariser, les nouvelles du pays, etc.
Aujourd’hui, Actiris n’est pas encore confronté à un afflux de réfugiés, même si quelques-uns sont déjà venus s’y présenter. Il leur est possible de s’inscrire dans toutes les antennes d’Actiris et, depuis le 19 avril, un point d’appui supplémentaire pour les inscriptions est organisé dans un espace aménagé au rez-de- chaussée de la tour Astro.
Un appel à volontaires a été lancé auprès des collaborateurs, en particulier auprès des agents d’inscription et des conseillers emploi ayant une bonne connaissance de l’anglais et éventuellement d’autres langues pertinentes, comme le russe et l’ukrainien, en vue des inscriptions et des premières orientations. L’équipe du service guidance recherche active d’emploi pour primo-arrivants et les conseillers du service antidiscrimination sont également mobilisés afin de soutenir les volontaires et d’approfondir les premières orientations.Les réfugiés ukrainiens ne seront pas spécialement dirigés vers un accompagnement classique. Nous les orienterons dans un premier temps vers des formations linguistiques. Actiris réfléchit également à l’opportunité de mettre en place, dans le cadre de la nouvelle loi fédérale, ce que nous appelons des « actions positives », dont l’objectif est d’accompagner tout particulièrement les chercheurs d’emploi ukrainiens qui se seraient inscrits chez Actiris. La direction employeurs et le service diversité sont également mobilisés dans leurs contacts avec les employeurs, afin de voir s’il est possible d’offrir des fonctions ou postes particuliers à ce public.
Vous me demandez s’il existe des modules de formations en langues. Effectivement, dans le cadre des chèques langue d’Actiris et du partenariat avec les écoles de promotion sociale, une offre de cours « français langue étrangère » (FLE) scolarisé – pour les personnes scolarisées dans leur langue d’origine ou qui possèdent les compétences équivalentes au certificat d’études de base – a été mise en place en octobre 2020. Quelque 63 chercheurs d’emploi ont pu en bénéficier en 2020, 219 en 2021, et 77 pour les deux premiers mois de l’année 2022. Ces cours de FLE rencontrent un franc succès. Dans le cadre de la crise ukrainienne, Actiris est en contact avec la coordination des écoles de promotion sociale bruxelloises, afin d’accroître l’offre actuellement disponible. Ainsi, à Auderghem, un cursus spécialisé a été élaboré. En outre, la plateforme d’apprentissage des langues Brulingua.be permet aux personnes intéressées de se tester et de suivre une formation dans 24 langues, au départ de 32 langues d’interface, dont le russe. Nous avons demandé que l’ukrainien soit ajouté aux langues gérées par la plateforme, j’espère que cela sera fait le plus rapidement possible. Par ailleurs, nous avons assoupli les modalités d’inscription pour les Ukrainiens.
Des séances d’information en anglais et en ukrainien à l’attention des chercheurs d’emploi inscrits auprès d’Actiris sont organisées à la tour Astro, selon les besoins et l’affluence des personnes désireuses de s’inscrire. Des séances d’information seront organisées à l’intention des partenaires locaux tels que les CPAS, les missions locales, les communes, les agences locales pour l’emploi ou encore les ateliers de recherche active d’emploi. Le service animation organise des séances d’information collectives, qui peuvent se dérouler tant à distance qu’en présentiel, sur l’accompagnement global pour le public cible d’Actiris. Ces séances d’information peuvent également être thématiques. Pour ce qui est des chiffres relatifs aux Ukrainiens, je n’y ai pas répondu mais nous en avons discuté hier dans une autre commission. Le nombre d’arrivées dépend fortement des situations de guerre et les premières hypothèses tablant sur une invasion totale de l’Ukraine ont entraîné un gigantesque afflux d’Ukrainiens. À présent que l’invasion russe semble se limiter à
une petite partie de l’est du territoire, le flux d’Ukrainiens sera peut-être moindre et certains rentreront peut-être au pays. Nous suivons la situation et nous tenons prêts.
Enfin, pour répondre à M. Dagrin à propos de la directive sanctions, celle-ci impose de prévoir un mécanisme de sanction des employeurs qui abusent de l’emploi de personnes migrantes, qui sont des personnes par définition fragiles et dans l’incapacité de faire valoir leurs droits de manière pleine et totale.
La direction de l’inspection régionale de l’emploi est bien compétente pour dresser des procès-verbaux d’infraction aux normes bruxelloises de l’emploi, comme l’emploi d’un travailleur étranger sans permis de travail. En revanche, s’il s’agit d’infractions à d’autres normes fédérales, comme l’absence de contrat de travail, le non-respect des rémunérations prévues dans les conventions collectives ou des problèmes de bien-être et de sécurité au travail, cela relève des compétences des inspecteurs fédéraux de l’emploi.
Heureusement, nos services d’inspection collaborent efficacement et opèrent souvent des contrôles ensemble. Cependant, seule la première matière peut figurer dans le procès-verbal de l’inspecteur régional et la seconde matière doit apparaître dans le procès-verbal de l’inspecteur fédéral, sous peine de rendre impossible tout suivi administratif ou pénal. La procédure d’obtention du permis unique étant lourde et contraignante, nous avons tout fait pour la simplifier. Je précise que ce sont les entreprises qui introduisent la demande de permis unique, et non les travailleurs. Elles sont rodées au mécanisme et la procédure a été sensiblement simplifiée.  La dernière question à laquelle je n’ai pas encore répondu est celle qui concerne l’accès aux formations. J’y ai néanmoins déjà répondu par le passé. Les comités de gestion de Bruxelles Formation et d’Actiris ont chargé la direction générale de vérifier s’il existait une solution devant permettre d’inscrire aux formations des personnes sans papiers. Nous n’avons pas encore reçu de proposition de ces deux organismes et il semble n’exister aujourd’hui aucune solution à cet égard, au regard des dispositions légales d’application. Les personnes qui entrent en formation doivent être assurées et identifiées, et il n’existe pas de solution pour les personnes qui se trouvent en situation de séjour irrégulier.


Retrouvez tous les échanges ci-dessous :
http://weblex.brussels/data/crb/biq/2021-22/00108/images.pdf#page=6

Etat des lieux du sans-abrisme en contexte de vague de froid et de propagation du variant omicron

Voici ma question adressée à M. Maron :

 » Je souhaite faire le point sur la situation du sans-abrisme en Région bruxelloise – comme nous le faisons régulièrement au sein de cette assemblée – à la lumière de la vague de froid et de la propagation du variant omicron, qui vient quelque peu bousculer la gestion du sans-abrisme à Bruxelles. Je voudrais plus particulièrement centrer le débat sur la prise en charge des personnes sans abri. Certes, celle-ci est déjà assurée par les nombreux services et les travailleurs sociaux qui, grâce à leur travail considérable, soulagent les maux de ce public cible.
Toutefois, étant donné le contexte météorologique et l’actualité sanitaire, j’aimerais savoir dans quelle mesure les services sont amenés à se réorganiser en interne. Comment la prise en charge de cette population vulnérable que sont les sans-abri s’opère-t- elle dans les centres d’accueil ? Disposez-vous du nombre précis de personnes vaccinées, non vaccinées, hospitalisées et contaminées ? Des aides matérielles ou financières complémentaires sont-elles prévues dans ce contexte particulier de la vague de froid et du variant omicron, pour renforcer les équipes et les structures d’accueil qui travaillent à flux tendu ? »

Monsieur le Ministre m’a répondu ;

« En préambule, je vous renvoie à ma très longue réponse donnée en commission de la santé du 16 décembre 2021. J’y avais exposé dans le détail la capacité d’accueil de nuit et d’accompagnement mise en œuvre pour cet hiver. J’y avais également expliqué la manière dont les recommandations formulées par Bruss’help dans un avis d’initiative transmis le 26 novembre dernier avaient été prises en considération. Pour donner suite à la recommandation relative à l’accueil de familles, 50 places supplémentaires d’accueil d’urgence de familles ont été ouvertes dans un hôtel, le 15 décembre dernier.
Nous avons par ailleurs décidé d’augmenter la capacité d’accueil de familles en maison d’accueil, en complément des 499 places accessibles à ce public en maison d’accueil, dont 45 avaient déjà été créées en 2021. Un appel aux maisons d’accueil souhaitant étendre leur capacité a été lancé le 23 novembre dernier. Le résultat de cet appel sera communiqué la semaine prochaine aux opérateurs concernés. Par ailleurs, une nouvelle maison d’accueil à destination des femmes victimes de violences verra le jour prochainement.
Concernant les autres suites réservées aux recommandations de cet avis d’initiative et le détail de la capacité d’accueil et d’accompagnement, je vous renvoie à ma réponse du 16 décembre dernier.

Concernant la capacité d’accueil de personnes et familles, Bruss’help est chargée, en étroite concertation avec les acteurs du secteur, de contrôler l’adéquation de l’offre d’accueil, en tenant compte des capacités récemment créées et de celles qui le seront dans les semaines et mois à venir, à destination des familles. Bruss’help devrait rendre un nouvel avis prochainement.
En ce qui concerne le contexte de la vague omicron actuelle, je tiens avant toute chose à saluer la mobilisation des professionnels du secteur de l’aide aux personnes sans abri qui font face à la crise sanitaire depuis presque deux ans. La gestion du Covid-19 pour les publics les plus précaires fait l’objet de toute notre attention depuis deux ans et, avec les acteurs concernés, nous nous sommes énormément investis sur cette question.
Actuellement, la circulation très importante du variant omicron et l’augmentation des infections accroissent la pression sur tous les secteurs, y compris celui de l’aide aux personnes sans abri, ce qui a pu entraîner des tensions dans certains lieux d’hébergement. Une circulaire a été transmise au secteur la semaine dernière : elle vise à cibler les personnes sans abri qui présentent le plus de fragilités, de manière à les mettre prioritairement à l’abri et à diminuer les risques. Il a été demandé à l’ensemble des lieux d’hébergement de procéder prioritairement à des tests antigéniques rapides, qui ont été mis gratuitement à disposition de l’ensemble des centres en nombre suffisant. Les règles et recommandations relatives à l’isolement des personnes positives et à la mise en quarantaine des contacts à haut risque ont été rappelées dans cette circulaire. Il est évident que le contexte actuel est complexe pour les lieux d’hébergement, sachant qu’une partie du personnel est également positive, ce qui fragilise les équipes. Nous menons un dialogue permanent avec le secteur, avec l’outbreak support team sans-abri et avec le projet Combo – qui s’adresse aux personnes sans abri présentant des problématiques d’assuétudes et/ou de santé mentale – pour examiner la manière dont ils peuvent venir en soutien des structures d’hébergement et leurs usagers sur les dimensions sanitaires.

À cela s’ajoute l’ensemble des dispositifs d’aide en santé mentale et assuétudes qui accueillent ces publics en présentiel et par téléphone pour les prendre en charge. Par ailleurs, les personnes sans abri infectées peuvent, depuis le début de la crise sanitaire, être accueillies dans un centre de confinement. Actuellement, il en existe un au centre Lemonnier, et sa capacité est de 70 lits. Bruss’help continue à assurer un rôle d’orientation des personnes testées positives. Le service d’orientation vers le centre Lemonnier est disponible sept jours sur sept.
En matière de vaccination, il n’est pas possible de disposer de chiffres fiables relatifs au public sans abri.
Toutefois, il ressort de l’évaluation du dispositif mobile de vaccination pour les personnes sans abri, Mobivax, mis en place dès le début de la crise sanitaire, qu’environ 2.000 personnes sans abri ont pu être vaccinées entre mai et octobre 2021. Ce dispositif avait été mis en place dans le cadre d’un partenariat entre la Croix-Rouge, Médecins du monde, Médecins sans frontière et le Samusocial avec l’aide de la Cocom. En outre, à partir de juin 2021, d’autres actions de vaccination mobiles ont été menées par la Cocom et relayées par Bruss’help auprès des acteurs de terrain. Elles ont permis de cibler des collectifs de prostitués, des usagers de drogues, etc. Dans ce cadre, environ 2.900 doses ont été administrées. Bruss’help, chargée de suivre la stratégie de vaccination au sein du secteur, en conclut que, malgré le profil du public sans abri, éloigné des soins et souvent hésitant à se faire vacciner, leur couverture vaccinale est similaire à celle de la population bruxelloise.
Ce résultat est à mettre en rapport avec le fait que l’ensemble des structures d’hébergement – centres d’urgence et d’insertion – ont été touchées par la campagne de sensibilisation et, ensuite, par les équipes de vaccination. Les actions de sensibilisation et de vaccination menées ont également permis l’accès des personnes sans papiers aux centres de vaccination.
Concernant le renforcement des opérateurs, nous examinerons également les éventuels coûts supplémentaires auxquels les centres d’hébergement doivent faire face et la manière dont ceux- ci peuvent être couverts par les crédits Covid-19 disponibles. S’agissant de la suite réservée aux recommandations de la commission délibérative, une commission portant spécifiquement sur cette question sera organisée très prochainement.
Enfin, en ce qui concerne les questions complémentaires portant sur les liens avec le niveau fédéral, des réunions de travail ont lieu entre le secrétaire d’État à l’asile et la migration, Sammy Mahdi, et le président du Collège réuni, Rudi Vervoort. Le dialogue entre la Région bruxelloise et l’État fédéral n’est donc pas rompu. Ce dernier a d’ailleurs ouvert des centres de pré- accueil, uniquement accessibles aux personnes qui ont introduit une demande d’asile. Il y a donc eu une petite amélioration par rapport à la situation catastrophique connue antérieurement.
Cependant, cela ne couvre pas l’entièreté du champ puisque certaines personnes n’introduisent pas une demande d’asile même si elles sont présentes sur notre territoire. À ce stade, le niveau fédéral refuse toujours de les prendre en considération. Remarquons également que les efforts fournis par les deux autres Régions sont proportionnellement bien inférieurs à ceux consentis par la Région bruxelloise à l’égard du sans-abrisme. On peut même les qualifier de négligeables. Il faut souligner qu’à Bruxelles, le nombre de places disponibles, les moyens mis en place pour l’accompagnement de ces personnes et les budgets sont sans commune mesure avec ce qui se passe dans les deux autres Régions. Dans ce domaine, ces deux dernières ne font pas solidarité par rapport à Bruxelles. Elles se gardent bien d’ouvrir des places, en tout cas un nombre de places suffisant pour qu’il soit proportionnel à celui de Bruxelles. Si ces places existaient dans d’autres villes, les personnes s’y rendraient.

Ne nous voilons pas la face. S’il y a une concentration de la problématique à Bruxelles, il y a aussi une forme de concentration, y compris de la part des députés, de l’obligation
de réponse sur les épaules de la Région de Bruxelles-Capitale. Ce n’est pas correct, tout le monde doit assumer sa part de responsabilités, y compris les autres Régions. On parle d’un public qui n’est pas nécessairement établi à Bruxelles. Il se déplace dans notre Région pour y profiter des systèmes d’aide mis en place. Il faut prendre conscience du fait que l’effort de la Région bruxelloise à l’égard de ce public extrêmement précarisé est colossal au regard de ce qui est mis en œuvre dans les deux autres Régions. Gardons cela à l’esprit. Au mois d’avril, j’avais écrit à Mme Lalieux pour relancer le groupe de travail sans-abri, qui existe dans le cadre de la conférence interministérielle de l’intégration dans la société. Mme Lalieux n’ayant pas donné suite à ce courrier, je vais la relancer car cette problématique doit être discutée entre les entités afin de trouver, ensemble, des solutions structurelles.

Retrouvez le compte-rendu intégral des interventions ci-dessous :

http://weblex.irisnet.be/data/arccc/biq/2021-22/00006/images.pdf#page=36

 

Les avancées du projet Territoire zéro chômeur de longue durée prévues en 2022

Voici la question parlementaire que j’ai adressée à M. Clerfayt :

« Permettez-moi de revenir, une fois de plus, sur la question de l’application à Bruxelles de l’expérience française des « territoires zéro chômeur de longue durée ». Je vous sais attentif à ce dispositif, même s’il n’incombe pas uniquement à la Région bruxelloise. Pour rappel, ce dispositif concerne la lutte contre le chômage de longue durée et existe en France depuis 2017. Il présente un caractère innovant dans le sens où il renverse l’approche classique de la remise à l’emploi et part des aspirations et des compétences des personnes très éloignées du marché du travail pour créer des emplois manquants à l’échelle locale qui soient à la fois durables et de qualité. Ce mécanisme de création d’emplois s’opère bien évidemment en concertation avec les actrices et les acteurs du tissu socioéconomique local.
Trois principes sous-tendent ce projet. Premièrement, personne n’est inemployable, car chacun dispose d’une expérience et de compétences à valoriser. Deuxièmement, ce n’est pas le travail
qui manque – bon nombre de besoins de la société n’étant pas satisfaits – mais l’emploi. Troisièmement, le financement ne manque pas non plus, parce que le chômage de longue durée entraîne des coûts directs et indirects considérables qui sont assumés par la collectivité. Il est important de rappeler ces trois principes dans le cadre de ce projet.
En tant qu’écologistes, nous sommes convaincus de l’intérêt de tout dispositif qui vise la mise à l’emploi de personnes réellement désireuses de travailler et de chômeurs de très longue durée, qu’il est plus difficile d’insérer sur le marché du travail.

Ce dispositif s’inscrit par ailleurs dans la stratégie bruxelloise de transition économique et environnementale, car il s’appuie sur une logique de localisation de l’emploi, de résilience territoriale et de participation citoyenne, qui remplace celle du « tout au contrôle » dans l’accompagnement individuel des chômeurs. Lors des travaux budgétaires, nous avons constaté qu’aucun montant n’avait été dégagé en 2022 pour la mise en œuvre du projet « Territoire zéro chômeur de longue durée ». Sa mise en œuvre figure pourtant parmi les engagements de la déclaration de politique régionale. Malgré les nombreuses avancées réalisées ces dernières années et les études favorables à l’expérimentation du dispositif, il est difficile de savoir où en est la Région bruxelloise.

Quels sont vos contacts avec votre homologue fédéral, cette compétence étant à cheval entre les niveaux régional et fédéral ? De nouveaux contacts ont-ils été établis en vue de dégager un accord sur le financement du dispositif ? Comme vous l’avez déjà dit plusieurs fois en commission, vous souscrivez à cette expérimentation, mais la Région n’a pas à en supporter le coût. Je suis entièrement d’accord avec vous. Dès lors, quelle est la part de responsabilité du pouvoir fédéral dans l’expérimentation du dispositif ? Quels sont les éventuels obstacles rencontrés dans le cadre de ces négociations ? Une position commune est-elle défendue avec la Région wallonne, qui progresse également en la matière ? Les difficultés de financement actuelles suspendent-elles la mise en œuvre du dispositif en Région bruxelloise ? A contrario, le travail entamé sera-t-il poursuivi en 2022 ?
Qu’en est-il d’éventuelles discussions au niveau local, notamment avec les communes qui seraient intéressées par le dispositif ? Enfin, si ce dispositif ne devait pas voir le jour à Bruxelles – ce qui serait vraiment dommageable -, réfléchissez-vous déjà à d’autres mesures d’accompagnement des chômeurs de longue durée qui seraient fondées sur la logique inversée promue par les
créateurs des territoires zéro chômeur de longue durée ? »

M. Clerfayt m’a répondu ;

 » Je vous remercie pour votre constance dans le suivi de ce dossier.
Des contacts réguliers se tiennent toujours avec mes homologues, aux niveaux fédéral et wallon, au sujet du dispositif des territoires zéro chômeur de longue durée. Comme l’indiquent les études auxquelles vous renvoyez, le volet budgétaire est un point important pour expérimenter ce projet en Région bruxelloise, eu égard aux répartitions institutionnelles en Belgique, qui diffèrent quelque peu de celles de la France.
En France, c’est l’autorité nationale qui finance à la fois les allocations de chômage et les programmes de mise à l’emploi au travers des territoires zéro chômeur de longue durée. En effet, le budget de l’allocation de chômage est mis au service du financement du salaire des personnes qui s’investissent dans le projet. Les études – notamment celle commandée par Actiris sur la faisabilité financière – démontrent clairement que les effets de retour bénéficient principalement, dans le cadre belge, à l’État fédéral au sens large. En effet, lorsque le salaire d’une personne est entièrement supporté par les pouvoirs publics, parce qu’elle dégagerait une activité économique qui crée un marché, l’économie d’allocations se fait sur le compte du budget des autorités fédérales.

Pour les raisons qui précèdent, les études commandées par Actiris recommandent de mobiliser les moyens fédéraux pour financer en grande partie – la Région peut ajouter sa part – le programme des territoires zéro chômeur. On peut tirer comme enseignement de l’expérience française le besoin d’ajouter un budget de formation. Il s’agit de personnes qui ont souvent des projets de reconversion professionnelle ou qui ont besoin de remettre à jour des compétences professionnelles avant de pouvoir les mettre au service d’un projet de retour à l’emploi.

En réponse à mon dernier courrier adressé au ministre Dermagne au sujet du mécanisme de redistribution envisagé par l’autorité fédérale sur ce dossier, le ministre m’a fait savoir que seule une réflexion sur l’adaptation ou l’extension du système des zones franches était envisagée au niveau fédéral. Il s’agit d’une réponse assez décevante, car aucune zone franche n’existe à ce jour en
Région bruxelloise. Une zone franche est une zone dans laquelle les entreprises ou opérateurs bénéficient d’une réduction d’impôt. Il ne s’agit pas tout à fait du mécanisme tel qu’il est décrit dans les notes et études d’Actiris. Ce dispositif est donc peu applicable en Région bruxelloise. Même si, jusqu’à présent, je n’entrevois pas de possibilités de mettre en œuvre ce projet en 2022, nous continuons à démarcher l’autorité fédérale et à négocier avec elle pour tenter d’obtenir un juste mécanisme de redistribution des avantages budgétaires de la mise en œuvre du système. À cet effet, je rencontrerai bientôt mon homologue wallonne en vue d’approfondir les réelles possibilités qu’offre la Région bruxelloise quant à une adaptation des zones franches. La Région wallonne est en effet concernée, et je verrai s’il est possible de tirer un bénéfice de son  expérience à cet égard. La Wallonie a par ailleurs annoncé des projets sur lesquels elle a accolé l’appellation « territoires zéro chômeur de longue durée », projets en tous points identiques à ceux que nous mettons en œuvre dans le domaine de l’économie sociale. Nous avons donc déjà un dispositif similaire en Région bruxelloise. Actiris a récemment entamé des discussions, constitué des groupes de travail et mené des recherches, et quatorze des dixneuf communes ont manifesté de l’intérêt pour un partenariat avec Actiris. Certaines communes telles que Forest, Schaerbeek et Berchem-Sainte-Agathe se sont penchées sur des dynamiques locales et sur la préparation de projets de territoires zéro chômeur de longue durée. Plusieurs communes attendent de connaître le cadre de financement régional pour s’impliquer.

Il est donc important que le gouvernement fédéral se mobilise et nous propose un mécanisme de redistribution applicable et adapté. Nous avons accompli notre part du travail. Actiris a commandé une étude de faisabilité financière auprès de l’ULB, ainsi qu’une étude de faisabilité juridique dont les résultats sont probants. Une étude consacrée au détail des projets et aux réponses à apporter localement, avec des partenaires locaux, est également disponible. Nous avons ainsi préparé le terrain au mieux. Reste à trouver, dans le cadre belge, un bon accord sur la répartition de la charge budgétaire, de sorte que le dispositif ne s’avère pas être rien qu’une charge pour Bruxelles et rien qu’un gain pour l’État fédéral. Pour ma part, j’espère que l’expérimentation pourra être lancée d’ici la fin de la législature, même si je ne suis guère convaincu par la piste des zones franches.
Cependant, ce n’est pas parce que nous ne sommes pas en mesure de mettre en œuvre les expérimentations de territoires zéro chômeur de longue durée, faute de réponse du pouvoir fédéral, qu’il n’existe pas de mécanismes bruxellois qui s’attaquent efficacement au chômage de longue durée, en mobilisant des moyens régionaux. Nous disposons de tels mécanismes et ces mécanismes fonctionnent. Pour ne citer qu’eux : les emplois d’insertion en économie sociale (30 millions d’euros par an), le financement de l’encadrement dans les CPAS (15 millions d’euros par an) et les emplois d’insertion visés à l’article 60 (68 millions d’euros par an). Le budget régional dégage ainsi une centaine de millions d’euros par an à travers le mécanisme emploi d’insertion, adopté par ce parlement à la fin de la législature précédente, à l’initiative de M. Gosuin. Nous avons entamé la réforme de l’économie sociale des anciens systèmes et celle des emplois article 60, et les avons mises en œuvre au début de cette législature. Nous y consacrons des moyens importants et une évaluation des dispositifs réformés est prévue dans les deux ou trois ans, la crise sanitaire ayant quelque peu compliqué le travail des opérateurs. Il nous faudra attendre quelques années pour analyser les trajectoires des personnes inscrites dans la démarche et en mesurer l’efficacité.

Je rappelle que ces projets d’insertion en économie sociale ont un coût de l’ordre de 33.000 euros par emploi, soit un coût moins élevé que celui des territoires zéro chômeur de longue durée.
Je ne voudrais donc pas sacrifier les premiers pour financer les seconds, ce qui serait peu intelligent sur le plan budgétaire.
Dès lors, j’ai absolument besoin d’un cofinancement fédéral de juste dimension pour mettre en œuvre ces programmes supplémentaires d’insertion dans l’emploi de personnes durement touchées par un chômage de trop longue durée, qui a indubitablement une incidence sur leur motivation et leur envie de retrouver du travail, malgré tous les efforts d’Actiris.
Ajoutons que certains chômeurs de longue durée retrouvent du travail. Il convient donc d’éviter toute vision misérabiliste, même si le chômage de longue durée est malheureusement un phénomène trop présent en Région bruxelloise. Il nous appartient de mobiliser tous les mécanismes utiles, pour autant qu’ils puissent être financés.

Retrouvez l’intégralité des échanges ci-dessous :

https://weblex.irisnet.be/data/crb/biq/2021-22/00056/images.pdf#page=9