par Farida Tahar | 4 novembre 2022 | Au parlement, Emploi et formation, Parlement Bruxellois, Travail politique
Le 5 octobre 2022, j’avais l’occasion d’interroger le Ministre Bernard Clerfayt concernant la réforme du secteur des titres services. Car, en effet, dans le cadre de la future réforme du secteurs des titres-services, il importe de faire régulièrement le point sur le sujet.
Dans l’écrasante majorité (98 %) des cas, il s’agit de femmes en situation précaire, qui travaillent dans des conditions de très grande pénibilité et occupent des contrats à temps partiel. Cette réalité s’est encore exacerbée au fil des crises – sanitaire hier, énergétique aujourd’hui – en raison d’une conjonction d’inégalités sociales dont elles sont constamment l’objet.
Les aides ménagères jouent un rôle essentiel dans la société. On ne cesse de le répéter et c’est là toute l’hypocrisie de la situation. Nous savons que nous avons besoin d’elles pour nettoyer nos bureaux, pour garder nos enfants. Elles prennent soin de notre environnement immédiat, souvent au détriment de leur propre santé.
J’ai alors pu lui poser les questions suivantes :
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Dans le cadre de vos compétences régionales, quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour revaloriser le statut des travailleuses du secteur des titres-services et améliorer leurs conditions de travail ?
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Qu’en est-il du futur plan de formation que vous dites vouloir mettre en place pour les aides ménagères ? S’agit-il de formations de base uniquement ou plutôt de formations qualifiantes et continues permettant à ces travailleuses de s’orienter vers d’autres professions ?
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Le principe même des titres-services est d’offrir un emploi de proximité qui, ensuite, permette une réorientation vers d’autres métiers. Qu’en est-il de l’utilisation du fonds de formation par les entreprises de titres-services ? Constatez-vous une sous-utilisation de clui-ci ?
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Allez-vous vous inspirer du modèle wallon, qui prévoit un nombre d’heures minimum par semaine (dix-neuf en l’occurrence) ? A Bruxelles, la moyenne est d’environ 23 heures par semaine. Le nivellement doit bien évidemment se faire par le haut.
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Où en est la réforme en cours ?
Le ministre nous répondait ainsi :
Nous consacrons un budget global de 1 milliard d’euros environ pour l’emploi, dont 250 millions d’euros pour le dossier des titres-services.
Par ailleurs, ce gouvernement a pris l’engagement de maîtriser le coût budgétaire. Je rappelle que les dépenses s’élèvent à 250 millions d’euros. Étant donné que 16 millions de chèques sont achetés chaque année et qu’ils coûtent 25 euros, le coût total atteint environ 400 millions d’euros. La part publique est de 60 à 65 %.
[…] nous ne sommes pas nécessairement compétents pour le contrôle des conditions de travail en général, qui relève de l’exécution du contrat de travail et reste donc du ressort de l’État fédéral. Nous nous trouvons dans une zone où la répartition des compétences est assez complexe et où il est difficile de déterminer qui fait exactement quoi.
Nos compétences sont principalement l’agrément des opérateurs – c’est-à-dire toutes les conditions que l’on peut leur imposer pour qu’ils respectent mieux les droits des travailleurs, qu’ils leur assurent des formations et que la relation entre l’opérateur (l’agence des titres-services) et les aides ménagères s’améliore – ainsi que le financement. Il ne s’agit pas d’imposer à toutes les femmes de travailler au minimum dix-neuf heures. Ce n’est qu’une moyenne. Celle à Bruxelles étant de 23 heures, nous faisons déjà mieux que les Wallons sur ce point-là, ce n’est donc pas un enjeu chez nous. À Bruxelles, le temps de travail est plus élevé, la rémunération est marginalement supérieure et le temps de trajet entre les sites est plus court. Ainsi, sur certains aspects, la situation est meilleure à Bruxelles qu’en Wallonie, pour des raisons structurelles liées à la taille réduite de la Région.
Concernant la réforme, au mois de décembre de l’année dernière, le gouvernement a sollicité l’avis des partenaires sociaux. Ceux-ci ont organisé une quinzaine de réunions et ont remis leur avis à la fin du mois de juin. Nous avons passé les deux mois suivants à examiner les scénarios proposés et à réfléchir à la manière de les faire évoluer. Le gouvernement n’ayant encore rien décidé à ce jour, je ne peux rien vous annoncer. Les pistes sont en cours d’examen, mais le gouvernement ne sait pas encore précisément quelle direction il suivra. Le dossier étant une priorité partagée, l’avis des partenaires sociaux est très important et nous comptons nous en inspirer largement. Nous avons l’intention non seulement d’adapter le prix des titres-services, mais aussi de modifier des éléments dans les conditions d’agrément, notamment ajouter des conditions relatives à la vérification de l’amélioration des conditions de travail ou au suivi de formations. Cette réforme sera donc accompagnée d’un texte d’ordonnance portant sur la modification des conditions d’agrément. Nous verrons ce que le gouvernement décidera, mais nous souhaitons introduire des visites à domicile faites par l’entreprise avant le début du contrat. Elles pourraient être effectuées par une aide ménagère expérimentée, plus âgée, qui pourrait effectuer une première vérification et estimer si le nombre d’heures et le travail correspondent […]
Vous m’interrogez sur les critères de proximité pour la Région bruxelloise : tout est déjà relativement « proche ». En Wallonie, c’est un vrai problème. À Bruxelles, le temps de trajet est beaucoup plus faible. La question de la proximité est toutefois complexe et nous n’avons pas trouvé de mécanismes permettant de la réguler car certains opérateurs risqueraient alors de ne pas proposer de travail à des personnes qui veulent travailler. La difficulté tient au grand nombre d’opérateurs. S’il n’y en avait qu’un qui gérait tous les contrats, on pourrait signer des contrats de proximité, et dire : dans telle rue, c’est telle aide-ménagère qui vient, dans telle autre, c’est celle-ci. Mais le client est libre de choisir son opérateur, et parfois même la personne qui vient exécuter le travail.
Concernant la formation, je rappelle qu’il existe, comme dans tous les secteurs, un fonds de formation sectoriel dont je n’ai de cesse de dire qu’il est sous-utilisé. Aujourd’hui, l’obligation de formation n’est pas réalisée au vu des budgets disponibles. Par ailleurs, la récente réforme fédérale, qui impose cinq heures de formation par an par personne, sera une très bonne chose. Nous pourrons ainsi vérifier si les cinq heures sont bien accordées à chaque personne individuellement, et pas à l’ensemble de la masse du personnel.
Enfin, je compte adapter le dispositif du congé-éducation payé en vue de l’assouplir pour les régimes de temps partiel. Il s’agit en effet du principal mécanisme par lequel des femmes peuvent décider de suivre des formations qui les mèneront dans d’autres directions que le secteur dans lequel elles exercent La formation professionnelle dans ce secteur reste nécessaire pour acquérir les compétences nécessaires à leur emploi, mais le congé éducatif rémunéré devrait permettre à ces femmes de choisir un autre emploi dans un autre secteur. Nous lancerons également quelques appels à projets et initiatives pilotes pour voir dans quelles directions nous pouvons proposer des reconversions – qui nécessiteront généralement des formations. Le gouvernement débat en ce moment des scénarios possibles en vue d’une augmentation du titre-service. Le prix ne sera sans doute pas inférieur à 10 euros. Nous réfléchissons à établir une certaine progressivité. Le prix actuel est de 9 euros jusqu’à 400 titres et de 10 euros ensuite. Certaines catégories peuvent comptabiliser jusqu’à 2.000 titres.
S’agissant des conditions d’agrément, nous étudions la possibilité d’imposer des conditions de formation préalables à l’entrée en service ou d’assurer, à tout le moins, que dans les premiers mois d’entrée en service dans le secteur, une formation de base adéquate sera donnée au travailleur. De nombreuses entreprises le font déjà, mais nous évaluons la possibilité de systématiser cette pratique et de l’imposer à tous les opérateurs. Le Fonds de formation sectoriel des titres-services est loin d’être épuisé.
J’ai récemment assisté à une formation en entreprise pour travailleurs de titres-services. Elle consistait à leur enseigner les bases de l’accès aux outils numériques comme l’ordinateur et le smartphone. Dans la réforme que nous voudrions mettre en place, rappelons que le plus grand danger est le retour du travail au noir.
Retrouvez ma réplique, en vidéo :
par Farida Tahar | 22 février 2022 | Dans les médias, Emploi et formation, Opinion
En région bruxelloise, les inégalités fondées sur l’origine ont une ampleur massive et structurelle. Les constats sont interpellants!

A diplôme égal, les personnes d’origine extra-européenne rencontrent plus de difficultés à s’insérer sur le marché du travail.
Le taux de chômage des personnes d’origine maghrébine ou afrodescendantes est 3 à 4 fois plus élevé.

Les jeunes d’origine sub-saharienne ont les plus grandes difficultés à décrocher un travail, malgré leur présence plus importante dans les formations. Ces jeunes sont statistiquement bien plus nombreux à ne pas avoir d’emploi, trois ans après leur première inscription chez Actiris.

Les femmes originaires de pays non-européens, à l’intersection de deux facteurs de discriminations, sont triplement vulnérables. Elles sont statistiquement bien plus à risque d’être confinées dans des emplois précaires, d’être au chômage, de ne percevoir aucun revenu de remplacement, …

Que faire?

Pour lutter structurellement contre les discriminations, il faut certes travailler sur le changement des mentalités, la déconstruction des préjugés, … mais il importe également de renforcer notre législation pour la rendre plus effective en matière de contrôle et de sanction.

C’est dans ce sens que nous avons déposé avec Groen (en soutien du PS), notre proposition de modification de l’ordonnance dite « testing », visant à lutter contre les discriminations à l’embauche.

Ce texte vise entre-autres à rendre pro-actifs les tests de discriminations effectués notamment par l’inspection régionale de l’emploi en permettant à ses derniers de les enregistrer, de les prévoir en présentiel dans certains secteurs comme les intérims par exemple, mais aussi de lever la condition cumulative, inscrite dans le texte original, d’être en possession d’indices sérieux de discriminations ET de déposer un signalement/plainte. Nous demandons que ce soit l’un OU l’autre!
Dans La Libre, je m’exprime sur le sujet. Découvrez l’article en cliquant sur le lien:
par Farida Tahar | 7 janvier 2022 | Au parlement, Emploi et formation, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires
Voici ma question posée à M. Clerfayt ;
Les récentes discussions budgétaires ont permis de mettre en lumière les principales actions gouvernementales. Parmi celles-ci, la stratégie Rénolution mobilisera plus de 350 millions d’euros publics d’ici à 2024 dans la rénovation du bâti bruxellois.
La stratégie Rénolution est un élément clé des politiques mises en place pour atteindre les objectifs de réduction de CO2 fixés à l’horizon 2050. Elle comporte plusieurs volets, dont un important lié à l’emploi. Les mesures prévues stimuleront indubitablement la demande de travaux de rénovation et dynamiseront dès lors l’emploi dans le secteur de la construction.
Une étude menée par Bruxelles Environnement estime ainsi que les budgets prévus pour la stratégie Rénolution devraient mener à la création d’environ 8.000 emplois non délocalisables.
Il y a là une belle opportunité à saisir ! Pour ce faire, il est toutefois urgent de collaborer et de travailler avec le secteur de la construction et de la rénovation pour qu’il puisse disposer de travailleurs bruxellois qualifiés. C’est dans cette perspective que construcity.brussels, le pôle formation-emploi dédié au secteur de la construction, a dernièrement vu le jour. Ce pôle doit constituer un point de contact privilégié dans les domaines de l’information, de l’orientation et de l’emploi durable dans le secteur de la construction.
Ses trois missions principales sont :
– l’orientation et l’accompagnement des étudiants, apprentis, stagiaires, chercheurs d’emploi dans leur recherche de formation ou d’emploi dans le secteur de la construction (orientation et accompagnement) ;
– la création d’un pont entre l’enseignement et le monde des entreprises (enseignement et formation) ;
– l’accompagnement des entreprises et des chercheurs d’emploi.
Pouvez-vous préciser plus concrètement les actions menées par construcity.brussels pour atteindre ces trois objectifs ?
Quelles actions ont-elles déjà eu lieu et quels projets ont-ils déjà été lancés ?
Quels sont les moyens financiers et humains alloués à construcity.brussels ? Quelles collaborations ce pôle entretient-il avec les autres acteurs de la formation professionnelle à
Bruxelles ?
Au-delà de construcity.brussels, quels autres leviers en matière d’emploi et de formation seront-ils mobilisés ?
Par ailleurs, si la stratégie Rénolution constitue une opportunité importante sur le plan de la création d’emplois non délocalisables, nous devons néanmoins nous assurer de la qualité
des emplois créés. Les problèmes de dumping social sont en effet particulièrement présents dans le secteur de la construction. Si cette question fait déjà partie de l’agenda bruxellois, notamment de la stratégie 2030 dont l’objectif 2.2.5 vise à lutter contre le dumping social dans les marchés publics, nous pensons qu’elle doit faire partie des enjeux et axes de travail du volet emploi de la stratégie Rénolution.
Comment les risques de dumping social sont-ils actuellement pris en considération dans le volet emploi de la stratégie Rénolution ? Que défendez-vous en la matière ? Quelles sont vos
priorités ? Des mesures spécifiques sont-elles discutées dans le cadre de Rénolution pour renforcer la lutte contre le dumping social dans le domaine de la construction ? Dans les marchés publics en particulier, les clauses sociales sujettes à révision font-elles au préalable l’objet d’une évaluation ? Si oui, quand est prévue la prochaine évaluation ?
Monsieur le Ministre m’a répondu ;
Il va sans dire que la stratégie Rénolution est un axe majeur des politiques que la Région bruxelloise doit mettre en œuvre pour aborder toutes les questions climatiques et limiter nos émissions de dioxyde de carbone (CO2). Il s’agit là d’un volet fondamental, qui mobilisera d’énormes moyens, tant publics que privés.
L’objectif de la stratégie Rénolution est donc bien de créer un effet d’entraînement au départ des règles plus strictes qui seront imposées au bâti, mais aussi des aides publiques considérables
devant donner lieu à une grande vague de transformation du bâti et d’activités économiques dans le secteur de la construction.
La stratégie aura donc également une incidence positive sur l’emploi.
S’agissant des politiques d’emploi et de formation en Région bruxelloise, nous avons, depuis quelques années, opté pour une stratégie consistant à mettre en œuvre cette politique et ces
mécanismes de réponse en collaboration avec les partenaires sociaux, et ce tout particulièrement dans les quatre secteurs pour lesquels il existe aujourd’hui un pôle formation-emploi.
Ce pôle a en réalité succédé à ce qui s’appelait alors le centre de référence de la construction et qui porte aujourd’hui le nom de construcity.brussels. Il a officiellement vu le jour au cours du
premier semestre 2021 et rassemble les principaux opérateurs de l’emploi et de la formation professionnelle dans le secteur de la construction.
Il s’agit plus exactement des interlocuteurs sociaux, de Constructiv (le centre de formation du secteur professionnel de la construction), de la Confédération construction, de syndicats (la Confédération des syndicats chrétiens, la Fédération générale du travail de Belgique et la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique), des services publics bruxellois de l’emploi et de la formation professionnelle (Actiris, Bruxelles Formation et le VDAB), d’autres opérateurs publics tels que Bruxelles Environnement, le service formation PME, l’Espace formation PME, et enfin de l’administration de l’enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il existe en effet des filières techniques et professionnelles qui préparent aux métiers de la construction.
Ce pôle formation-emploi réunit tous les partenaires qui, d’une manière ou d’une autre, jouent un rôle dans la formation ou dans l’emploi au sein du secteur de la construction. Une part
importante des services consolidés s’inscrit dans la continuité de ce que proposaient déjà les partenaires actifs au sein du Centre de référence professionnelle de la construction, qui existait déjà
avant d’être élargi dans le pôle construcity.brussels. Un plan d’action propre au pôle formation-emploi a été élaboré pour l’année 2022. Il prévoit 2.839 places de formation et totalise 755.130 heures de formation professionnelle destinées aux chercheurs d’emploi et aux travailleurs du secteur. En effet, le secteur de la construction ayant la spécificité d’avoir une activité saisonnière, des formations sont organisées durant les périodes de chômage saisonnier pour mettre à niveau les travailleurs.
En matière d’orientation vers les métiers de la construction, construcity.brussels travaille en étroit partenariat avec la Cité des métiers de Bruxelles, afin de fournir une offre claire et cohérente et de garantir un parcours le plus fluide possible aux personnes désireuses de s’orienter vers les métiers de la construction. Le pôle formation-emploi est amené à jouer un rôle de porte d’entrée donnant accès aux informations spécifiques au secteur de la construction.
S’agissant de l’accompagnement des chercheurs d’emploi inscrits auprès d’Actiris et repris dans la base de données comme souhaitant travailler dans le secteur de la construction, il est
réalisé au sein des antennes d’Actiris. Cet accompagnement sera assuré au sein de construcity.brussels, dans le courant du mois prochain. Il en sera de même pour l’accompagnement des entreprises, qui seront également invitées par construcity.brussels, au sein duquel nous concentrerons ainsi tous les moyens.
Ces entreprises bénéficieront également d’un accompagnement par les conseillers clauses sociales d’Actiris, qui font aussi de l’insertion de chercheurs d’emploi au sein des entreprises du secteur. Les collaborations avec les acteurs de l’enseignement perdurent sur la base d’actions déjà existantes et seront renforcées pour mettre pleinement en œuvre la stratégie Rénolution.
En ce qui concerne les moyens financiers et humains de ce pôle formation-emploi (PFE), le pilier formation et validation des compétences mobilise 32 équivalents temps plein (ETP) mis à
disposition par Bruxelles Formation. Pour le pilier emploi, il est prévu quinze personnes ressources, financées par Actiris (un responsable, deux consultants, deux conseillers clauses sociales
et dix conseillers PFE). Le budget annuel est de 455.000 euros et inclut des actions emploi et formation, pour lesquelles trois ETP supplémentaires sont prévus.
Le pilier formation et validation des compétences du PFE rassemble non seulement Bruxelles Formation et ses partenaires conventionnés, dont plusieurs organismes d’insertion
socioprofessionnelle, mais également l’organisme de formation VDAB-Regionale Dienst Brussel, l’Espace formation PME, Constructiv (le centre de formation propre au secteur de la
construction). Tous peuvent se charger de la formation des travailleurs du secteur. La vocation de ce pilier, coordonné par Bruxelles Formation, est précisément de rassembler sous une même coupole l’ensemble des acteurs ou opérateurs bruxellois de formation et de validation des compétences dans le secteur de
la construction.
Les volets emploi et formation de la stratégie Rénolution sont bien pilotés par construcity.brussels, qui chapeaute le groupe de travail sur la formation et l’emploi au sein de la stratégie
Rénolution. Des travaux sont en cours pour affiner les besoins, préciser les ressources à développer pour assurer une meilleure mise en œuvre de la stratégie Rénolution afin que ces emplois
bénéficient le plus possible aux Bruxellois, après les avoir formés dans les circuits professionnels identifiés par les acteurs du secteur.
Je reviendrai sur cet important travail d’identification des leviers en matière d’emploi et de formation quand il aura été mené à son terme par les acteurs de construcity.brussels.
S’agissant de technicity.brussels, je ne dispose pas actuellement d’éléments de réponse. Mais vous avez raison, Mme Barzin, certaines de ses formations sont également utiles dans le secteur de la construction. Les partenaires se mettront d’accord sur l’endroit le plus approprié pour les organiser, en fonction du matériel et des formateurs disponibles.
Il convient de rappeler que construcity.brussels n’est pas le seul lieu de formation en construction à Bruxelles. Notre Région en compte d’autres : le centre de formation de Bruxelles Formation, les écoles techniques et professionnelles, etc. Il ne s’agit donc pas de regrouper les formations en un lieu, mais de regrouper l’information, la coordination et la globalisation de la stratégie afin de pouvoir compter sur tous les opérateurs susceptibles d’assurer les formations, que ce soit en entreprises, en alternance, etc
Le dumping social est également un chantier de la stratégie 2030, mené en priorités partagées. Ce dossier est aujourd’hui piloté par l’Observatoire des prix de référence dans les marchés publics
de Brupartners. Les partenaires sociaux ont donc été chargés de mener ce travail de débroussaillage et de préparation de la stratégie, en concertation avec les parties prenantes et les experts, dont l’inspection régionale de l’emploi.
En effet, le secteur de la construction est l’un des secteurs prioritaires pour mener ces travaux de lutte contre le dumping social. À ce titre, il fera l’objet d’un travail spécifique. L’un des membres actifs dans le chantier dumping social est un représentant des groupes de travail de l’alliance Rénolution, créant ainsi le lien entre ces deux priorités.
La volonté est de s’appuyer sur les recommandations et les outils que développera ce groupe de travail au sein de Brupartners et de l’Observatoire des prix de référence dans les marchés
publics pour guider et encadrer la mise en œuvre de la stratégie Rénolution en matière de lutte contre le dumping social.
Vous m’avez également interrogé sur les clauses sociales. Je vous rappelle que le vade-mecum « Clauses sociales dans les marchés publics bruxellois » a été adopté au début de l’année 2020. Un processus d’évaluation sera lancé au mois de mars, comme le prévoit la circulaire régionale. Il s’agira de vérifier si, malgré les deux dernières années compliquées sur le plan économique, ce
vade-mecum est utile, nécessite des améliorations, etc. Ma priorité est bien entendu de mettre à l’emploi un maximum de Bruxellois et de profiter de toutes les occasions qui s’offrent à nous. La stratégie Rénolution en est une, puisque nous avons dégagé des moyens importants pour soutenir le secteur.
J’ose croire qu’en mobilisant toutes les ressources et tous les partenaires que j’ai indiqués, nous pourrons déployer la stratégie la plus efficace possible. Par ailleurs, compte tenu des heures
et des chiffres que j’ai cités tout à l’heure, j’espère vous avoir rassurés quant à l’existence de l’offre de formations recensées jusqu’à présent par les partenaires.
Enfin, je terminerai par un fait marquant, porté à mon attention par le secteur de la construction lors d’une récente réunion concernant les développements futurs de construcity.brussels.
Bien qu’environ 8.000 travailleurs relèvent de la convention collective s’appliquant au secteur de la construction en Région bruxelloise, le secteur enregistre une rotation annuelle de près de 16 %, alors que celle-ci est généralement de 10 % dans les autres secteurs. Le secteur présente donc la particularité que beaucoup de personnes y entrent ou en sortent chaque année.
Par conséquent, nous devrons travailler à la fois sur les entrées, c’est-à-dire sur l’attraction et l’orientation vers la formation à ces métiers, mais aussi sur la réduction du flux de sorties, afin de conserver plus longtemps les travailleurs dans le secteur. Cela fera l’objet des réflexions de construcity.brussels auxquelles nous contribuons.
Retrouvez le compte-rendu intégral de nos échanges ci-dessous :
http://weblex.irisnet.be/data/crb/biq/2021-22/00066/images.pdf#page=7
par Farida Tahar | 2 janvier 2022 | Dans les médias, Emploi et formation, Opinion
Connaissez-vous le test de situation ou le « testing »?
Depuis janvier 2018, il est possible pour les inspecteurs de l’emploi de la Région bruxelloise d’effectuer des tests pour vérifier et, le cas échéant, prouver une discrimination subie par les candidats durant les procédures de recrutement. Ces tests s’effectuent soit par l’envoi de paires de candidatures similaires qui ne varient que selon un critère potentiellement discriminant, soit par des appels téléphoniques « mystères ».
En cas d’infractions à la législation (ordonnance du 16 novembre 2017 visant à lutter contre les discriminations en matière d’emploi), les peines peuvent varier d’une amende à un emprisonnement.
En décembre dernier, j’ai denouveau interrogé en commission le Ministre de l’emploi Bernard Clerfayt pour savoir quand cette ordonnance fera-t-elle enfin l’objet d’une évaluation vu le faible nombre de tests effectués depuis l’entrée en vigueur de ladite ordonnance.
Dans sa réponse, le Ministre avait indiqué que les conclusions de l’étude juridique commandée par son cabinet serait disponible en janvier 2022. Or cette étude (évaluation de l’ordonnance) a rendu ses conclusions en octobre dernier, soit deux mois avant mon interpellation.
Cette étude juridique menée par deux chercheurs de l’ULB préconise entre autres une réforme de ladite ordonnance, tout comme je l’avais suggéré dans une proposition de modification de l’ordonnance dite « testing » envoyée à nos partenaires de majorité.
Il appartient désormais au Ministre de l’emploi d’honorer les engagements pris dans la déclaration de politique régionale et d’avoir une politique plus ambitieuse en matière de lutte contre les discriminations.
Dans l’article ci-dessous, je mentionne notamment la nécessité d’évaluer et de performer la législation bruxelloise anti-discrimation pour la rendre plus proactive bien que ce ne soit pas la panacée. Le travail de prévention et de sensibilisation est également nécessaire pour lutter efficacement contre les discriminations sur le marché de l’emploi.
par Farida Tahar | 12 décembre 2021 | Au parlement, Emploi et formation, Non classé, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires
Voici la question parlementaire que j’ai adressée à M. Clerfayt :
« Permettez-moi de revenir, une fois de plus, sur la question de l’application à Bruxelles de l’expérience française des « territoires zéro chômeur de longue durée ». Je vous sais attentif à ce dispositif, même s’il n’incombe pas uniquement à la Région bruxelloise. Pour rappel, ce dispositif concerne la lutte contre le chômage de longue durée et existe en France depuis 2017. Il présente un caractère innovant dans le sens où il renverse l’approche classique de la remise à l’emploi et part des aspirations et des compétences des personnes très éloignées du marché du travail pour créer des emplois manquants à l’échelle locale qui soient à la fois durables et de qualité. Ce mécanisme de création d’emplois s’opère bien évidemment en concertation avec les actrices et les acteurs du tissu socioéconomique local.
Trois principes sous-tendent ce projet. Premièrement, personne n’est inemployable, car chacun dispose d’une expérience et de compétences à valoriser. Deuxièmement, ce n’est pas le travail
qui manque – bon nombre de besoins de la société n’étant pas satisfaits – mais l’emploi. Troisièmement, le financement ne manque pas non plus, parce que le chômage de longue durée entraîne des coûts directs et indirects considérables qui sont assumés par la collectivité. Il est important de rappeler ces trois principes dans le cadre de ce projet.
En tant qu’écologistes, nous sommes convaincus de l’intérêt de tout dispositif qui vise la mise à l’emploi de personnes réellement désireuses de travailler et de chômeurs de très longue durée, qu’il est plus difficile d’insérer sur le marché du travail.
Ce dispositif s’inscrit par ailleurs dans la stratégie bruxelloise de transition économique et environnementale, car il s’appuie sur une logique de localisation de l’emploi, de résilience territoriale et de participation citoyenne, qui remplace celle du « tout au contrôle » dans l’accompagnement individuel des chômeurs. Lors des travaux budgétaires, nous avons constaté qu’aucun montant n’avait été dégagé en 2022 pour la mise en œuvre du projet « Territoire zéro chômeur de longue durée ». Sa mise en œuvre figure pourtant parmi les engagements de la déclaration de politique régionale. Malgré les nombreuses avancées réalisées ces dernières années et les études favorables à l’expérimentation du dispositif, il est difficile de savoir où en est la Région bruxelloise.
Quels sont vos contacts avec votre homologue fédéral, cette compétence étant à cheval entre les niveaux régional et fédéral ? De nouveaux contacts ont-ils été établis en vue de dégager un accord sur le financement du dispositif ? Comme vous l’avez déjà dit plusieurs fois en commission, vous souscrivez à cette expérimentation, mais la Région n’a pas à en supporter le coût. Je suis entièrement d’accord avec vous. Dès lors, quelle est la part de responsabilité du pouvoir fédéral dans l’expérimentation du dispositif ? Quels sont les éventuels obstacles rencontrés dans le cadre de ces négociations ? Une position commune est-elle défendue avec la Région wallonne, qui progresse également en la matière ? Les difficultés de financement actuelles suspendent-elles la mise en œuvre du dispositif en Région bruxelloise ? A contrario, le travail entamé sera-t-il poursuivi en 2022 ?
Qu’en est-il d’éventuelles discussions au niveau local, notamment avec les communes qui seraient intéressées par le dispositif ? Enfin, si ce dispositif ne devait pas voir le jour à Bruxelles – ce qui serait vraiment dommageable -, réfléchissez-vous déjà à d’autres mesures d’accompagnement des chômeurs de longue durée qui seraient fondées sur la logique inversée promue par les
créateurs des territoires zéro chômeur de longue durée ? »
M. Clerfayt m’a répondu ;
» Je vous remercie pour votre constance dans le suivi de ce dossier.
Des contacts réguliers se tiennent toujours avec mes homologues, aux niveaux fédéral et wallon, au sujet du dispositif des territoires zéro chômeur de longue durée. Comme l’indiquent les études auxquelles vous renvoyez, le volet budgétaire est un point important pour expérimenter ce projet en Région bruxelloise, eu égard aux répartitions institutionnelles en Belgique, qui diffèrent quelque peu de celles de la France.
En France, c’est l’autorité nationale qui finance à la fois les allocations de chômage et les programmes de mise à l’emploi au travers des territoires zéro chômeur de longue durée. En effet, le budget de l’allocation de chômage est mis au service du financement du salaire des personnes qui s’investissent dans le projet. Les études – notamment celle commandée par Actiris sur la faisabilité financière – démontrent clairement que les effets de retour bénéficient principalement, dans le cadre belge, à l’État fédéral au sens large. En effet, lorsque le salaire d’une personne est entièrement supporté par les pouvoirs publics, parce qu’elle dégagerait une activité économique qui crée un marché, l’économie d’allocations se fait sur le compte du budget des autorités fédérales.
Pour les raisons qui précèdent, les études commandées par Actiris recommandent de mobiliser les moyens fédéraux pour financer en grande partie – la Région peut ajouter sa part – le programme des territoires zéro chômeur. On peut tirer comme enseignement de l’expérience française le besoin d’ajouter un budget de formation. Il s’agit de personnes qui ont souvent des projets de reconversion professionnelle ou qui ont besoin de remettre à jour des compétences professionnelles avant de pouvoir les mettre au service d’un projet de retour à l’emploi.
En réponse à mon dernier courrier adressé au ministre Dermagne au sujet du mécanisme de redistribution envisagé par l’autorité fédérale sur ce dossier, le ministre m’a fait savoir que seule une réflexion sur l’adaptation ou l’extension du système des zones franches était envisagée au niveau fédéral. Il s’agit d’une réponse assez décevante, car aucune zone franche n’existe à ce jour en
Région bruxelloise. Une zone franche est une zone dans laquelle les entreprises ou opérateurs bénéficient d’une réduction d’impôt. Il ne s’agit pas tout à fait du mécanisme tel qu’il est décrit dans les notes et études d’Actiris. Ce dispositif est donc peu applicable en Région bruxelloise. Même si, jusqu’à présent, je n’entrevois pas de possibilités de mettre en œuvre ce projet en 2022, nous continuons à démarcher l’autorité fédérale et à négocier avec elle pour tenter d’obtenir un juste mécanisme de redistribution des avantages budgétaires de la mise en œuvre du système. À cet effet, je rencontrerai bientôt mon homologue wallonne en vue d’approfondir les réelles possibilités qu’offre la Région bruxelloise quant à une adaptation des zones franches. La Région wallonne est en effet concernée, et je verrai s’il est possible de tirer un bénéfice de son expérience à cet égard. La Wallonie a par ailleurs annoncé des projets sur lesquels elle a accolé l’appellation « territoires zéro chômeur de longue durée », projets en tous points identiques à ceux que nous mettons en œuvre dans le domaine de l’économie sociale. Nous avons donc déjà un dispositif similaire en Région bruxelloise. Actiris a récemment entamé des discussions, constitué des groupes de travail et mené des recherches, et quatorze des dixneuf communes ont manifesté de l’intérêt pour un partenariat avec Actiris. Certaines communes telles que Forest, Schaerbeek et Berchem-Sainte-Agathe se sont penchées sur des dynamiques locales et sur la préparation de projets de territoires zéro chômeur de longue durée. Plusieurs communes attendent de connaître le cadre de financement régional pour s’impliquer.
Il est donc important que le gouvernement fédéral se mobilise et nous propose un mécanisme de redistribution applicable et adapté. Nous avons accompli notre part du travail. Actiris a commandé une étude de faisabilité financière auprès de l’ULB, ainsi qu’une étude de faisabilité juridique dont les résultats sont probants. Une étude consacrée au détail des projets et aux réponses à apporter localement, avec des partenaires locaux, est également disponible. Nous avons ainsi préparé le terrain au mieux. Reste à trouver, dans le cadre belge, un bon accord sur la répartition de la charge budgétaire, de sorte que le dispositif ne s’avère pas être rien qu’une charge pour Bruxelles et rien qu’un gain pour l’État fédéral. Pour ma part, j’espère que l’expérimentation pourra être lancée d’ici la fin de la législature, même si je ne suis guère convaincu par la piste des zones franches.
Cependant, ce n’est pas parce que nous ne sommes pas en mesure de mettre en œuvre les expérimentations de territoires zéro chômeur de longue durée, faute de réponse du pouvoir fédéral, qu’il n’existe pas de mécanismes bruxellois qui s’attaquent efficacement au chômage de longue durée, en mobilisant des moyens régionaux. Nous disposons de tels mécanismes et ces mécanismes fonctionnent. Pour ne citer qu’eux : les emplois d’insertion en économie sociale (30 millions d’euros par an), le financement de l’encadrement dans les CPAS (15 millions d’euros par an) et les emplois d’insertion visés à l’article 60 (68 millions d’euros par an). Le budget régional dégage ainsi une centaine de millions d’euros par an à travers le mécanisme emploi d’insertion, adopté par ce parlement à la fin de la législature précédente, à l’initiative de M. Gosuin. Nous avons entamé la réforme de l’économie sociale des anciens systèmes et celle des emplois article 60, et les avons mises en œuvre au début de cette législature. Nous y consacrons des moyens importants et une évaluation des dispositifs réformés est prévue dans les deux ou trois ans, la crise sanitaire ayant quelque peu compliqué le travail des opérateurs. Il nous faudra attendre quelques années pour analyser les trajectoires des personnes inscrites dans la démarche et en mesurer l’efficacité.
Je rappelle que ces projets d’insertion en économie sociale ont un coût de l’ordre de 33.000 euros par emploi, soit un coût moins élevé que celui des territoires zéro chômeur de longue durée.
Je ne voudrais donc pas sacrifier les premiers pour financer les seconds, ce qui serait peu intelligent sur le plan budgétaire.
Dès lors, j’ai absolument besoin d’un cofinancement fédéral de juste dimension pour mettre en œuvre ces programmes supplémentaires d’insertion dans l’emploi de personnes durement touchées par un chômage de trop longue durée, qui a indubitablement une incidence sur leur motivation et leur envie de retrouver du travail, malgré tous les efforts d’Actiris.
Ajoutons que certains chômeurs de longue durée retrouvent du travail. Il convient donc d’éviter toute vision misérabiliste, même si le chômage de longue durée est malheureusement un phénomène trop présent en Région bruxelloise. Il nous appartient de mobiliser tous les mécanismes utiles, pour autant qu’ils puissent être financés.
Retrouvez l’intégralité des échanges ci-dessous :
https://weblex.irisnet.be/data/crb/biq/2021-22/00056/images.pdf#page=9
par Farida Tahar | 25 octobre 2021 | Emploi et formation, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires, Travail politique
Ces plateformes connaissent un grand succès, surtout durant le confinement.Cependant les conditions de travail des coursiers laissent à désirer. Ces livreurs à vélo munis de leur sac isotherme cubique bien reconnaissable sont à tous les coins de rue de la capitale. Ils seraient aujourd’hui plusieurs centaines, essentiellement des hommes, à sillonner chaque jour les rues de Bruxelles pour distribuer les repas commandés et ainsi faire vivre les restaurants bruxellois et les plateformes qui organisent les livraisons.Une enquête de la RTBF, en mai dernier, montrait que la majorité des livreurs ne sont ni salariés ni indépendants. Ils travaillent sous le régime fiscal de l’économie de plateforme pensé uniquement pour les travailleurs qui arrondissent leurs fins de mois. Travailler pour les plateformes collaboratives n’ouvre aucun accès aux mécanismes de sécurité sociale ni de soins de santé.Légalement, sous ce régime, le nombre d’heures prestées est plafonné et les livreurs ne peuvent pas travailler toute l’année à temps plein, mais la réalité est toute autre. Poussés par la nécessité, de nombreux livreurs -d’UberEats et de Deliveroo, pour ne citer qu’eux-travaillent sous ce statut toute l’année via des systèmes de sous-location de comptes. Ces mécanismes rendent les conditions de ces travailleurs encore plus précaires, puisqu’ils ne bénéficient d’aucune couverture sociale et doivent en plus reverser une partie de leurs revenus aux propriétaires du compte qu’ils louent. Selon un article du journal Le Soir, il semblerait qu’à Bruxelles, une écrasante majorité des livreurs d’UberEats et de Deliveroo travaillent ainsi illégalement, et donc, osons le mot, dans de réelles conditions d’exploitation.
Disposons-nous de chiffres régionaux de l’emploi des plateformes collaboratives UberEats et Deliveroo? Votre cabinet suit-il les questions du travail pour ces plateformes et de la qualité de ces emplois? Quelle est votre position à cet égard? Avez-vous des pistes de solutions?
Sur le même sujet, un autre article du Soir, paru le 11 octobre dernier, interpellait à nouveau sur l’aggravation des conditions de travail et de rémunération des livreurs à vélo. Dans ce contexte, l’article soulignait que le profil des livreurs a évolué. Il ne s’agit plus d’étudiants en mal d’argent de poche, mais de travailleurs précaires qui, de par leur situation, n’ont pas accès à d’autres formes de travail. C’est le cas notamment de nombreuses personnes sans titre de séjour.La situation mise en lumière par la RTBF et Le Soir pointe encore une fois l’indéniable présence des travailleurs sans papiers dans l’activité économique de la Région bruxelloise. Nous ne disposons pas de chiffres précis, mais nous les savons très nombreux. Pour rappel, à la suite de la sixième réforme de l’État, la Région bruxelloise est devenue compétente en matière d’occupation des travailleurs étrangers et d’octroi des permis de travail A et B.Depuis cet été et la grève des personnes sans titre de séjour, qui occupaient notamment l’église du Béguinage, l’ULB et la VUB, la situation a-t-elle évolué? Je sais que la matière relève également du pouvoir fédéral, et que des discussions sont en cours pour que chacun -vous-même et le gouvernement fédéral-fasse sa part du travail.Pouvez-vous nous faire état des discussions avec vos homologues fédéraux concernant la mise en œuvre du permis unique? Avez-vous pu obtenir des garanties quant au volet emploi et accès au travail des personnes sans papiers sur notre territoire? Ce sujet, qui me préoccupe énormément, est directement lié à la question des livreurs à vélo, dont la plupart sont sans titre de séjour.
Voici la réponse que j’ai reçue :
M. Bernard Clerfayt : Ces plateformes sont une réalité et suscitent beaucoup de questions quant à la nature et à la qualité du travail, aux personnes qui y ont accès, aux conditions de travail et à la dangerosité de l’activité. Plusieurs études et reportages ont montré que les accidents de travail sont (trop) nombreux dans ce secteur.Je vous rappelle toutefois que la réglementation relative à ces plateformes relève du niveau fédéral. Il s’agit de la loi-programme du 1erjuillet 2016, appelée « loi De Croo », qui encadre le fonctionnement de celles-ci. Comme l’administration bruxelloise n’est pas chargée de ce dossier, je ne dispose pas des données, que nous aimerions détenir, portant sur le nombre de personnes employées par ces plateformes collaboratives et les horaires de travail. Ces informations nous permettraient pourtant d’avoir une vision plus claire du secteur.Certaines de ces plateformes fonctionnent quasi exclusivement avec des contrats de travail salariés, ce qui est déjà une évolution en soi, tandis que d’autres ne travaillent que via des prestations complémentaires et donc avec des personnes ayant un statut d’indépendant. La manière d’envisager les choses est donc différente tout comme l’est le cadre juridique qui l’entoure. Un litige opposant une plateforme à ses coursiers est en cours devant le tribunal du travail. Cette affaire pourrait constituer un moment charnière pour clarifier les relations de travail nouées au sein de ces plateformes.
La compétence de la Région bruxelloise en cette matière se limite aux règles relatives à la migration économique et au contrôle du respect de ces règles. Ainsi, les travailleurs extra-européens exerçant des prestations dans le cadre de ces plateformes doivent disposer soit d’un permis de travail dans le cadre d’une relation salariée, soit d’une carte professionnelle dans le cadre de prestations réalisées à titre d’indépendant.[195]Dans le cadre de mes compétences de migration économique, j’ai eu à me prononcer sur un cas de ce type en juin 2021. Une étudiante de nationalité extra-européenne sollicitait une carte professionnelle pour travailler sur une plateforme d’économie collaborative sous le statut d’indépendante. Cette demande ne s’inscrivait donc pas dans le cadre de la loi-programme De Croo de 2016 sur les mini-jobs, qui autorise des prestations de service à des conditions fiscales avantageuses.Je me suis notamment fondé sur la décision du 9mars 2018 de la Commission administrative de règlement de la relation de travail, qui estimait que les modalités de la relation de travail entre un livreur et la plateforme étaient incompatibles avec le statut d’indépendant. J’ai ainsi rejeté la demande de carte professionnelle. Dès l’instant où l’on juge ces conditions de travail mauvaises, il n’est pas logique de laisser s’installer quelqu’un sur le territoire bruxellois pour exercer ce type d’activité.Dans la sphère limitée de mes compétences, j’ai exprimé mes inquiétudes sur la précarisation des travailleurs à laquelle est susceptible de conduire le modèle économique de certaines de ces plateformes. J’ai aussi souligné ma volonté d’éviter toute forme de précarisation de l’emploi qu’implique la forme d’organisation du travail conçue et appliquée par certaines de ces plateformes, en m’appuyant notamment sur un avis du Conseil économique et social européen du 14décembre 2016.La direction de l’inspection régionale de l’emploi est l’organe compétent pour le contrôle des règles relatives à la migration économique. Elle a réalisé certains contrôles en collaboration avec la police et certains services d’inspection fédéraux. De nouveaux contrôles sont en préparation sous l’égide de l’auditorat du travail. En effet, les infractions aux conditions de travail ou de contrat, par exemple, relèvent principalement de l’inspection fédérale du travail. Elles sont ensuite soumises à l’auditorat.Il convient de rappeler que si une plateforme ou une personne sous-louant un compte à un travailleur sans papiers est reconnue par la justice comme l’employeur de ce dernier ou comme la personne l’ayant laissé travailler, elle encourt une amende allant jusqu’à 48.000 euros par travailleur, voire une peine de prison. Il s’agit en effet d’une forme de travail non déclaré. Sous-louer son compte, c’est exploiter une personne en situation de précarité dans sa relation contractuelle.Outre ces considérations théoriques sur les plateformes, j’ajouterai que sur la base de la loi fédérale actuelle, aucune régularisation par le travail n’est possible dans le cadre d’une demande de permis unique. Le processus de régularisation relève toujours du niveau fédéral aux termes de la loi de 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. À titre personnel, je pense qu’il conviendrait de mieux encadrer les pratiques de ces plateformes et de procéder à une modification de la loi-programme du 1erjuillet 2016 précitée. Concernant le dossier du suivi de la grève des personnes sans papiers qui ont occupé l’église du Béguinage, je rappelle que ce dossier relève uniquement des compétences du gouvernement fédéral.Le permis unique est bel et bien en vigueur depuis le 24décembre 2018, mais l’accord de majorité fédéral reprend seulement la volonté d’initier des travaux avec les entités fédérées sur la modernisation des procédures de permis unique, mais semble-t-il pas sur le contenu des conditions d’admission au séjour, et ce dans les limites des compétences du gouvernement fédéral.Une conférence interministérielle s’est tenue sur la migration et l’intégration. Son premier groupe de travails’est réuni le 29octobre dernier. Un des deux thèmes de travail pour l’année à venir est l’activation et l’acquisition de compétences chez les nouveaux arrivants. Et à cette occasion, la Région bruxelloise, entre autres, a demandé que l’accès au permis unique à partir du séjour irrégulier soit discuté dans ce cadre.Cette demande n’a toutefois pas été retenue en raison de l’opposition de différents membres de la conférence interministérielle. Il n’était donc pas souhaitable de bloquer l’avancement des travaux sur cette question, puisqu’il n’y avait pas de consensus. Malgré notre tentative, nous ne trouvons pas de réponse à cette question auprès du gouvernement fédéral.
Le compte-rendu intégral de la commission est disponible ici : http://weblex.irisnet.be/data/crb/biq/2021-22/00035/images.pdf