par Farida Tahar | 30 janvier 2023 | Au parlement, Emploi et formation, Non classé, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires
Ce 25 janvier, j’avais l’occasion d’interpeller le Ministre Bernard Clerfayt, en charge notamment de l’emploi et de la formation professionnelle concernant l’évaluation de la réforme des contrats dits « articles 60 » ainsi que de l’impact de ce dispositif sur les chercheurs d’emploi qui bénéficient du Revenu d’Intégration Sociale (RIS),
Voici mon intervention :
Le 1er janvier 2023 marque les trois ans de l’entrée en vigueur de la réforme du dispositif article 60. Je souhaite donc me saisir de cette occasion afin de vous interroger, une fois de plus, sur son avancement et les constats que vous avez déjà pu observer.
À l’occasion de la Déclaration de Politique Générale, le Gouvernement s’engageait à : «poursuivre les réformes initiées en matière d’aide à l’emploi […] pour les personnes sous statut dit « article 60 ». Ces réformes seront évaluées dans le courant de la législature. Le service LINK d’Actiris se verra renforcé pour améliorer encore les fins de parcours des personnes sous statut dit « article 60 » en vue de faciliter leur retour sur le marché de l’emploi».
Les contrats « article 60 », contrats de travail conclus entre le CPAS et les bénéficiaires, permettent, en effet, d’acquérir une expérience professionnelle. Cependant, ils ont parfois, comme simple vocation la récupération des droits au chômage ou le fait d’y accéder tout simplement. La dimension « formatrice » des contrats « article 60 » est donc malheureusement parfois négligée. Or, la réforme des contrats d’insertion a comme vocation de renforcer le volet qualitatif des dispositifs article 60, notamment, en ce qui concerne l’offre de formation. Ce que nous ne pouvons que saluer. Néanmoins, il ne faut pas oublier le caractère, malheureusement, précaire des contrats article 60. Les travailleurs ne sont pas certains de trouver un emploi durable après leur contrat d’insertion, le retour au chômage est de courte durée et à terme, ils se retrouvent, pour la plupart, de retour à la case de départ. Certes, il est primordial de soutenir la mise à l’emploi, mais, il est encore plus important de fournir des emplois de qualité ! Car la mise à l’emploi ne doit pas se faire au détriment de la durabilité et de la qualité de l’emploi. Les contrats d’insertion « article 60 » doivent mener à une véritable mise à l’emploi.
En Commission des Affaires économiques et de l’Emploi de ce 25 janvier 2023, j’interrogeais le Ministre Bernard Clerfayt avec les questions suivantes :
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Lorsque je vous ai interpelé il y a un an, sur ce même sujet , vous nous aviez informés qu’une évaluation ne serait pas faite avant 2022. Depuis lors, une évaluation a-t-elle été effectuée ? Si oui, par qui et quels en sont les résultats ?
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Disposez-vous des chiffres relatives à la réinsertion professionnelle des bénéficiaires du RIS ayant travaillé sous contrat d’insertion « article 60 » ? Combien de personnes sont actuellement employées sous ces contrats ?
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Lors de votre réponse à ma dernière demande d’explication sur ce sujet, vous aviez répondu que les personnes concernées par ce dispositif d’insertion, ne tiraient pas profit de cette période pour améliorer leurs qualifications professionnelles. Je vous demande alors ce qu’il est prévu pour les personnes sous contrat article 60 en termes de formation ? Des dispositifs de formations sont-ils mis en place pendant leur période d’emploi sous contrat « article 60 » pour accroître leurs qualifications ?
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À l’occasion de l’étude et des discussions concernant la présentation budgétaire pour cette année 2023, nous observions une augmentation du budget alloué aux dispositifs de mise en œuvre des contrats d’insertion « article 60 ». Nous constations alors une augmentation de 28 % des subventions de fonctionnement accordées aux ASBL privées, « liées à l’ordonnance concernant l’économie sociale » ainsi qu’une augmentation de 58% du montant des subventions de fonctionnement accordées aux « ASBL des pouvoirs locaux liées ». Comment le budget alloué va-t-il être utilisé dans le cadre des contrats « article 60 » ? Quel sera le budget alloué au volet qualitatif de la réforme ?
Ainsi que la réponse du Ministre :
Il y a trois ans est entrée en vigueur la réforme des emplois d’insertion portée par mon prédécesseur, M. Gosuin, et votée à la fin de la législature précédente. Nous avons alors voulu privilégier la notion d’emplois d’insertion plutôt que de parler d’article 60.
Nous avions pour ambition d’accroître la reprise en emploi des personnes accompagnées par les CPAS. L’objectif était de faire en sorte que les CPAS atteignent un taux de 10 % pour cette catégorie de personnes qui, chaque année, sont prises en charge en vue d’améliorer leur insertion dans l’emploi.
Une deuxième ambition forte était d’améliorer leurs conditions de rémunération, car chaque CPAS avait des politiques et des usages différents en la matière. La plupart des personnes concernées sont peu qualifiées et
étaient rémunérées selon différents barèmes. Nous avons voulu que toutes ces personnes perçoivent une rémunération de niveau D.
Troisièmement, pour maintenir ces personnes dans l’emploi au-delà de cette période minimale pour couvrir leur droit au chômage, il fallait améliorer leur formation et faire en sorte qu’à la fin de la période d’accompagnement des emplois d’insertion, ces personnes possèdent de meilleures compétences, afin d’augmenter leurs chances de trouver un emploi ultérieurement. J’aimerais à ce sujet rappeler que le fait de retrouver pleinement les droits au chômage et à l’accompagnement y afférent – cet accompagnement est garanti par le CPAS – est déjà un élément positif, même s’il est insuffisant. Cette réforme portait donc de fortes ambitions. Toutefois, pour être franc, les chiffres ne sont pas à la hauteur de nos ambitions, tout simplement parce que l’entrée en vigueur de la réforme a coïncidé avec le début de la crise sanitaire, une crise qui a ralenti l’activité économique et la prise en emploi et qui a eu des répercussions sur le chômage et sur le nombre de cessations d’activité. Il est donc très compliqué d’estimer les causes de cet échec relatif. Est-il imputable uniquement à la crise sanitaire, à d’autres éléments du mécanisme ou à une combinaison de plusieurs facteurs ? Nous n’y voyons pas clair, de sorte que nous ignorons ce qu’il faut réformer exactement. Pour bien faire, il faudrait un diagnostic sérieux et pertinent.
Je suis en discussion avec les CPAS sur la question : les CPAS étant financés à concurrence de la réalisation de leurs objectifs, je devrais diminuer leur financement, mais ils demandent qu’il soit maintenu. Il y a donc un dialogue entre le ministre, qui veut faire appliquer les règles, les normes et les contrats, et les CPAS, qui restent nos partenaires et sur qui nous comptons pour mener avec succès cette politique d’insertion de publics très éloignés du marché de l’emploi.
C’est la Fédération des CPAS bruxellois qui mène à bien ce travail d’évaluation. Je lui ai demandé de me faire des propositions sur la base de son expérience et des retours du terrain. Certains CPAS obtiennent en effet de meilleurs résultats que d’autres. Il y a donc lieu de voir quelles stratégies ont le mieux fonctionné ou si certaines réalités socioéconomiques locales entraînent des différences. Autant d’éléments pertinents et nécessaires pour adapter le mécanisme de façon intelligente. L’ordonnance du 28 mars 2019 relative au dispositif d’insertion à l’emploi dans le cadre de l’article 60, § 7 que je mets en œuvre, prévoit l’élaboration d’un rapport annuel transmis au Parlement. Le rapport 2022 a été transmis au Parlement le 25 novembre dernier. Vous y retrouverez le détail des chiffres pour l’année 2021. En raison de la crise du Covid-19, les chiffres 2021 ne sont bons ni pour l’emploi en général, ni pour les emplois d’insertion.
Le rapport 2023 donnera les chiffres pour l’année 2022, que nous collationnons actuellement auprès des CPAS. Je dispose déjà de quelques données non encore définitives, que nous n’avons pas encore insérées dans le rapport : pour 2022, le dispositif concerne 4.410 bénéficiaires. Pour le seul mois d’octobre – le dernier pour lequel je dispose de chiffres -, il concerne 2.358 personnes. Pour le détail statistique, nous pouvons attendre le rapport, ou vous pouvez poser une question écrite. Pour 2020, par contre, 41 % des bénéficiaires sortant du dispositif des emplois d’insertion ont décroché un travail dans l’année qui a suivi. Nous pouvons nous réjouir de ce pourcentage, mais aussi estimer qu’il est possible de l’améliorer et nous interroger sur la façon de l’améliorer en fonction du profil des personnes prises en charge, du profil de formation, des secteurs ou encore des partenaires qui embauchent sous contrat « article 60 ».
La réforme a bien instauré un plan d’acquisition des compétences, qui impose au partenaire prenant quelqu’un en emploi d’insertion de lui assurer une formation. En effet, cet emploi ne peut consister uniquement à effectuer des tâches simples, rapides et peu coûteuses : il faut que l’intéressé acquière des compétences. Ce plan reçoit un soutien financier de la Région de 3.000 euros maximum. En 2021, 1.587 plans d’acquisition de compétences ont été déclarés par l’ensemble des dix-neuf CPAS bruxellois pour 467 travailleurs, et ce, pour des formations très variées. Les 3.000 euros visent à payer l’entrée en formation des personnes qui, pendant une fraction du temps, ne travaillent pas chez le partenaire.
Ainsi, j’ai invité les CPAS à me faire des propositions d’amélioration pour dynamiser l’utilisation de la prime formation. Le catalogue des formations financiables pourrait ainsi être élargi en fonction des profils des personnes qu’ils sont amenés à traiter.
Concernant l’augmentation des articles budgétaires inscrits au budget 2023, le budget régional alloué au financement des emplois d’insertion visés à l’article 60 reste stable et est seulement calculé sur la base :
– de l’occupation effective du nombre de postes. Comme les postes sont moins nombreux que prévu, il n’y a pas de raison d’augmenter le crédit budgétaire ; en effet, celui-ci ne sera pas dépensé tant que nous n’avons pas de proposition pour rendre cette politique plus efficace ;
– des préfigurations du service public de programmation Intégration sociale sur le nombre de personnes prises en charge par les CPAS. Il s’agit d’un budget global de 65,17 millions d’euros, dont 1,40 million d’euros pour la prime aux CPAS, puisque la Région intervient dans leurs frais administratifs à concurrence de 350 euros par emploi d’insertion. Sachant que la politique de l’emploi représente environ 1 milliard d’euros, ce budget de 65 millions d’euros pour la politique « article 60 » n’est pas négligeable.
Le budget régional alloué au financement de l’encadrement des entreprises sociales d’insertion a été augmenté de 6 millions d’euros, tous types d’entreprises confondus, portant le budget 2023 à 20,30 millions d’euros. C’est un écosystème : ces entreprises, qui sont financées pour mettre à l’emploi des personnes éloignées du marché du travail et les former, sont souvent celles qui prennent en formation des travailleurs « article 60 » qui leur sont envoyés par les CPAS. Par ailleurs, les personnes concernées par l’article 60 ne représentent qu’une fraction du public des entreprises sociales d’insertion, qui emploient également des personnes provenant directement d’Actiris ou d’ailleurs.
En conclusion, même si les chiffres sur la mise à l’emploi d’insertion visé à l’article 60 n’atteignent pas encore les ambitions initiales, nous allons continuer à soutenir le développement des compétences de ces Bruxellois au regard d’un projet professionnel leur permettant de s’insérer durablement sur le marché du travail. Les dix-neuf CPAS et leur fédération travaillent de concert en vue de déterminer des points d’amélioration. J’attends d’être saisi de leurs travaux pour m’en emparer à mon tour et, le cas échéant, ajuster le cadre réglementaire. Même si je suis insatisfait des résultats observés, je reste profondément mobilisé par l’accroissement des compétences de ces publics-là afin d’augmenter leurs chances de trouver un emploi et de conserver un partenariat fort avec les CPAS, dont c’est la mission.
Ce fut donc l’occasion pour moi de rappeler la nécessité d’aborder le problème de façon structurelle, et cela se fait principalement au niveau fédéral, où la réforme fiscale et sociale est en cours. Toutefois le Ministre bruxellois dispose lui-aussi de moyens, d’un rôle à jouer, au niveau régional. Je l’encourage donc dans cette voie, celle notamment du rehaussement des rémunération au niveau D. Il nous faut rehausser les salaires de manière générale. Il n’est pas normal que des travailleurs qui se lèvent tôt ne perçoivent qu’unsalaire très bas, proche des allocations sociales. Il est donc impératif d’entamer une réflexion globale sur cette question des salaires.
par Farida Tahar | 19 décembre 2022 | Emploi et formation, Parlement Bruxellois, Sur le terrain, Travail politique
Nous organisions au Parlement bruxellois, le 17 décembre passé, un colloque sur « l’accès au titre de séjour pour les travailleuses domestiques »
Le colloque a débuté par une mise en scène originale mettant en lumière la situation extrêmement difficile des travailleuses domestiques « sans papiers » (travail précaire, horaire pénible, salaire indécent, …)
Des témoignages poignants ont été lus par des travailleuses domestiques ainsi que par mes collègues parlementaires bruxelloises: (Magali Plovie, Fadila Laanan, Els Rochette, Françoise De Smedt, Nicole Nketo Bomele et Latifa Aït-Baala).
👉 Le premier panel, modéré par ma collègue Marie Lecocq, a permis de dresser les constats et les enjeux, avec l’expertise de Evelyne Ayong, (membre de la Ligue des travailleuses domestiques de la CSC bxl), Josephine Ngole (comité des femmes sans papiers), Chiara Giordano (chercheuse au GERME) et Jan Knockaert (représentant de Fairwork Belgium).
Les personnes sans titre de séjour font partie intégrante du marché de l’emploi bruxellois. Elles sont invisibles de par leur statut de séjour, mais sont pourtant bien présentes dans de nombreux secteurs de l’économie bruxelloise: nettoyage, aide à domicile, horeca, etc. Cantonnées dans l’économie informelle, ces travailleuses sans-papiers subissent des rapports de domination (de genre, de classe et de race), et elles sont particulièrement vulnérables aux risques professionnels et aux abus de certains employeurs (salaire indécent, horaires démesurés, conditions de travail dangereuses, absence d’assurance et de protection sociale, …). Ce n’est tout simplement pas acceptable.
👉 Le second panel fût consacré aux recommandations et aux pistes de solutions, avec l’expertise de Luc Walleyn (avocat), de Michael De Gols (directeur de Unisoc) et Eva Maria Jimenez Lamas (responsable syndicale interprofessionnelle pour la CSC Bxl).
Nos intervenant.e.s ont mentionné les leviers régionaux et fédéraux en matière de régularisation par le travail. En ce qui concerne la région bruxelloise, elle est devenue compétente depuis la 6ème réforme de l’état (en 2014) en matière d’octroi de permis de travail (cfr. directive permis unique) mais aussi de protection des travailleurs contre les employeurs abuseurs (directive sanctions). Pour le niveau fédéral, compétent en matière d’asile et de migration, il importe de modifier la loi, notamment pour objectiver les critères d’octroi de titre de séjour.
Bref, des pistes existent pour améliorer et modifier les législations. Il suffit d’en avoir la volonté (politique)! Avec mon groupe, nous travaillons sur des textes législatifs que nous soumettrons prochainement au Parlement.
En conclusion, ce fut une belle journée intense, émouvante et instructive !
A suivre!
par Farida Tahar | 8 décembre 2022 | Au parlement, Discriminations et égalité des chances, Emploi et formation, Parlement Bruxellois, Travail politique
Le 25 novembre 2022, en séance plénière, le MR a présenté sa proposition d’ordonnance « LIGNE » (Libertés Individuelles Garanties par la Neutralité de l’État), visant à assurer la neutralité et l’impartialité des agents des services publics de la Région de Bruxelles-Capitale et à interdire le port de signes convictionnels ostentatoires dans l’exercice de leurs fonctions.
Voici mon intervention en réponse à leur proposition d’ordonnance :
Chers collègues, laissez-moi vous dire que je suis fatiguée par ces débats stériles qui déchaînent les passions et polarisent le monde politique. Dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, laissez-moi vous dire que, s’il y a bien une forme de violence insidieuse, c’est bien celle qui concerne l’interdiction faite aux femmes de porter librement un foulard. Car nous savons toutes et tous que c’est de cela dont il s’agit ici.
Cachez ce voile qu’on ne saurait voir ! Quand il s’agit porter un foulard et de travailler dans les coulisses, de nettoyer les toilettes, d’être dans un service d’appui (back office), cela ne pose pas de problème. Quelle hypocrisie ! Ce qui vous préoccupe, visiblement, ce sont les sorts des femmes musulmanes si fragiles, si fébriles, si soumises et si incapables de décider par elles-mêmes et pour elles-mêmes. En fait, dans une mission civilisatrice, vous songez à les éduquer, à les émanciper, à les libérer.
Ne nous libérez pas, on s’en charge ! La véritable émancipation des femmes, c’est le respect de leur libre arbitre. Oui, les femmes ont un libre arbitre, et elles ont également une capacité à disposer librement de leur corps. Voyez comme je vous parle librement, depuis cette enceinte démocratique ! Ai-je l’air d’une femme soumise ? Ai-je l’air d’une personne incapable de penser par elle-même et pour elle-même ?
Je ne suis pas un cas isolé. Beaucoup de femmes, en dehors du Parlement, travaillent dans des administrations publiques, depuis des années, sans que cela soit problématique. Voyez le nombre de femmes coiffées d’un foulard qui s’investissent dans des administrations publiques ! Il est vrai que toutes n’ont pas cette opportunité : d’aucunes continuent d’essuyer des refus d’embauche parce qu’elles n’ont pas la bonne apparence de neutralité.
La proposition d’ordonnance que nous examinons vise précisément à interdire aux agents de la fonction publique le port de signes convictionnels ostentatoires. En somme, cette prohibition contribuera à reléguer de nombreuses femmes dans la sphère privée. Est-ce ce projet de société que nous voulons, que vous voulez ? Est-ce le modèle d’émancipation que nous prônons ?
Avez-vous seulement une idée de l’impact de ces mesures de coercition sur la santé mentale de ces femmes, du poids de cette violence symbolique – pour reprendre le concept de Bourdieu – sur une partie de nos concitoyennes ? Vous n’imaginez pas non plus le risque de licenciement d’agents publics qui portent le foulard. Vous ne vous rendez pas compte des conséquences. Vous ne vous rendez pas compte de la menace sur le droit du travail. Pour un parti libéral, attaché au droit du travail, il y a lieu de relever cette incohérence manifeste.
Qui plus est, cela se passe dans un contexte inflationniste, où nous vivons des crises successives et des pénuries d’emploi. Les organismes publics peinent à recruter. Or, vous comme nous affichons l’ambition d’un taux d’emploi de 80 %. Comment alors y parvenir ? Cela doit aller de pair avec l’adoption d’une politique inclusive et émancipatrice. Nos administrations doivent refléter la sociologie de notre Région cosmopolite. Loin des considérations partisanes, les pouvoirs publics ont un devoir d’exemplarité.
Il est interpellant de constater que le MR, qui se targue de défendre les droits des femmes, s’en prend implicitement à ces dernières pour les invisibiliser et les exclure. Et que penser de la barbe des hommes ? Reflète-t-elle une dimension esthétique ou religieuse ? Vous conviendrez que c’est une question difficile à trancher.
Cela laisse à penser que la neutralité est un leurre. Nous sommes porteurs d‘identités multiples, d’expressions singulières, d’attitudes particulières, et le regard que nous portons sur les individus n’est jamais neutre.
Les signes convictionnels affichés par les agents ne montrent qu’un élément de leur vie privée. Ils ne disent pas tout de l’individu et de ses convictions. Qui plus est, ils ne constituent en aucun cas l’engagement favorable de l’organisme public pour cette conviction.
Vous l’aurez compris, les écologistes défendent et privilégient le principe d’impartialité, qui vise un traitement égalitaire par les agents de la fonction publique, quelles que soient leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques.
À vrai dire, la neutralité de l’État n’est pas une fin en soi. Il s’agit d’un instrument qui vise à garantir le respect de la liberté et la garantie de la légalité. Or, pour les écologistes, la liberté est la règle et l’interdiction l’exception, conformément à l’article 19 de la Constitution belge, qui garantit la liberté des cultes et de leur exercice public.
Il est donc surréaliste de devoir rappeler aux libéraux la nécessaire défense des libertés individuelles. Vous devriez peut-être vous inspirer du positionnement très inclusif de M. Hasquin.
En outre, le texte du MR soulève des questions sur le plan du respect des droits fondamentaux, à savoir le droit à la liberté, notamment religieuse, et le droit à la non-discrimination.
Les droits fondamentaux peuvent évidemment faire l’objet d’une restriction, moyennant des conditions strictes. Dans ce cas, l’interdiction doit être nécessaire et proportionnée à l’objectif visé.
Votre volonté d’interdire les signes convictionnels – ici le foulard – est-elle nécessaire et proportionnée à l’objectif visé, en l’occurrence la neutralité des services publics ? J’ai de bonnes raisons d’en douter.
J’ose espérer que l’intelligence collective l’emportera sur le voilement des esprits. J’ose espérer que notre attention sera portée sur les vrais enjeux de société plutôt que sur des débats stériles qui visent encore et toujours les femmes qui portent le foulard.
par Farida Tahar | 8 décembre 2022 | Emploi et formation, Parlement Bruxellois, Sur le terrain, Travail politique
Dans le cadre de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, la Ligue des travailleuses domestiques sans papiers a décidé de mener une action symbolique ! Celle de remettre en main propre au président du Parlement bruxellois une motion comportant trois points :
- la protection des travailleuses lors de dépôt de plainte contre un employeur abuseur;
- l’accès à un travail légal;
- l’accès aux formations d’Actiris.
Invisibilisées et cantonnées dans l’économie informelle, ces travailleuses domestiques occupent des emplois précaires et très pénibles. Elles nettoient nos toilettes, gardent nos enfants et participent à l’économie informelle. Elles contribuent ainsi à l’essor socio-économique de notre Région.
Or, la Région bruxelloise dispose d’un levier politique. Depuis la sixième réforme de l’État, les Régions sont compétentes pour délivrer un permis de travail unique, et ce, en concertation avec l’État fédéral.
A cet, effet j’ai interpellé le Ministre de l’emploi, s’il avait pris connaissance de la motion, est-ce qu’il la soutenait ? Quels leviers politiques peut-il activer pour répondre à leurs doléances ?
J’ai aussi saisi l’opportunité de lui remettre une série de témoignages poignants que les travailleuses domestiques ont lus devant les portes du Parlement.
La réponse du Ministre :
Tout le problème est lié à l’accès au séjour. Dans le cadre de l’accord de coopération qui lie les trois Régions et l’État fédéral sur le permis unique, nous sommes totalement dépossédés, en tant que Région, de la question de l’accès au séjour, qui est une compétence intégralement fédérale.
Je ne suis pas insensible au sort de ces personnes qui travaillent sans statut, sans reconnaissance, sans contrat.
On peut en effet se demander s’il ne s’agit pas, dans le chef de certains employeurs, d’exploitation de personnes en situation de fragilité, qui reçoivent une rémunération indigne et insuffisante et qui, faute de payer des cotisations sociales, n’ont pas droit au remboursement des soins de santé et à la pension. Cependant, pour lever les problèmes ici posés, il faut qu’avec le Parlement tout entier, nous interpellions le gouvernement fédéral ou le parlement fédéral pour trouver des réponses à cette question.
Quant à la troisième recommandation concernant l’accès aux formations, cela fait déjà plusieurs années que tant le comité de gestion d’Actiris que celui de Bruxelles Formation sont incapables de répondre à ma demande de trouver une solution juridiquement valable permettant un accès au séjour et toutes les assurances qui accompagnent l’accès aux formations.
Nous sommes au maximum de nos compétences. Pour trouver une réponse aux interrogations posées aujourd’hui, il faut que nous interpellions tous ensemble le gouvernement ou le parlement fédéral, qui pourrait s’en saisir.
Evidemment, il est désolant d’entendre que la Région ne peut rien faire pour les travailleuses domestiques sans papiers, alors qu’il est possible d’activer des leviers politiques, ici en Région bruxelloise.
par Farida Tahar | 8 décembre 2022 | Emploi et formation, Social & Santé, Sur le terrain
Les travailleuses et travailleurs des CPAS se sont mobilisé.e.s le 16 novembre dernier, devant les cabinets des Ministres Vervoort et Lalieux pour réclamer des moyens supplémentaires leur permettant d’effectuer un travail de qualité dans des conditions optimales.
Hélas, ce n’est pas le cas actuellement. Iels travaillent à flux tendu, avec des équipes réduites (manque de personnel, turn over, burn out, …).
Certes,la région bruxelloise augmentera de 20 millions l’enveloppe budgétaire allouée aux CPAS mais il faudra notamment veiller, au niveau fédéral, à garantir un (re)financement structurel ainsi qu’une (re)valorisation salariale et une réduction collective du temps de travail.
A suivre …
Dans la presse
par Farida Tahar | 8 novembre 2022 | Au parlement, Emploi et formation, Parlement Bruxellois, Travail politique
Lors de la commission du 26 octobre passé, j’ai pu interroger le ministre bruxellois, monsieur Clerfayt concernant l’avancement de la réforme des titres-services en Région bruxelloise et son incidence directe sur les travailleuses – 90 % sont effectivement des femmes – en titres-services.
En effet, je souhaitais davantage d’informations sur le volet qualitatif. Le dispositif des titres-services a été conçu pour garantir un travail de proximité et de qualité, et pour lutter contre le travail au noir. Or, nous en sommes encore loin, puisque la pénibilité reste d’actualité pour les travailleuses domestiques dans notre Région. Elle est même en augmentation.
Nous savons par ailleurs que 80 % de ces emplois sont exercés à temps partiel. Le secteur et les syndicats voudraient fixer une durée de travail hebdomadaire minimale.
Si aujourd’hui, je questionnais monsieur le ministre c’est parce que certaines travailleuses domestiques m’ont directement fait part de leur inquiétudes, surtout suite à la sortie de monsieur Clerfayt dans la presse. Il me semblait nécessaire de répondre à ces inquiétudes et non pas d’attendre que le texte soit examiné en commission, ce qui ne devrait pas être le cas avant plusieurs semaines.
Mon questionnement s’inscrit dans le cadre de la déclaration de politique générale. La Région bruxelloise s’est engagée à maintenir ce dispositif, à l’optimiser et à le pérenniser dans un souci de maîtrise budgétaire et d’amélioration des conditions de travail des aides ménagères.
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Le public cible a besoin de formations de base, de formations qualifiantes et de formations continues qui, à moyen ou long terme, lui permettraient d’envisager d’autres fonctions. La réforme doit tenir compte de cet aspect pour éviter de maintenir un public déjà fragilisé dans un secteur pénible sur une carrière complète. Pouvez-vous dès lors nous donner plus d’informations sur le volet formation et le nombre d’heures prévu par an ?
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Où en est l’avancement de la réforme ? Qu’en est-il de son volet qualitatif visant à améliorer les conditions de travail des aides ménagères ?
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Quels mécanismes budgétaires allez-vous activer pour maîtriser les coûts ?
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S‘agissant de la responsabilité et de l’effort collectif que doivent consentir les entreprises réalisant des marges bénéficiaires importantes, quelles seront les conditions d’agrément de celles-ci ?
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À l’instar de la Wallonie, imposerez-vous des obligations quant à la durée moyenne de travail des aides ménagères, par exemple un minimum de dix-neuf heures par semaine ? Dans l’affirmative, pouvez-vous développer ce point ?
Réponse du ministre :
À présent que l’arrêté a été adopté par le gouvernement, les nouveaux tarifs seront d’application dès le 1er janvier 2023. La volonté est en effet d’augmenter le prix pour réduire l’incidence sur le budget de la Région, mais de manière modérée pour ne pas nuire aux familles consommatrices des classes moyennes et maintenir le volume d’emploi implicite.
Le montant de l’économie induite par tous ces mécanismes est estimé à environ 18 millions d’euros pour le budget régional. Certes, cela représente une économie relativement faible, sachant que le montant global est de 400 millions d’euros, pour lequel la Région dépense 250 millions et les ménages paient les 150 millions restants.
Nous voulons encadrer les frais supplémentaires, mieux protéger les femmes qui travaillent dans ce secteur, améliorer les relations de travail et la formation professionnelle pouvant éventuellement mener à d’autres professions, et soulager la pénibilité des prestations pour les femmes qui sont en fin de carrière.
En matière de protection, j’ai entendu une série de remarques et de demandes des syndicats et partenaires sociaux. Il faut mieux protéger les femmes contre certains comportements abusifs. Pour ce faire, l’ordonnance intègre un mécanisme permettant d’exclure du bénéfice de l’achat subventionné de titres-services les clients réputés comme harcelant les travailleuses, de quelque manière que ce soit. Nous pourrons ainsi sanctionner, voire exclure, les usagers qui harcèlent leur aide ménagère.
En matière d’encadrement, nous allons rendre obligatoire la signature d’une convention – cette pratique existe dans beaucoup d’entreprises – entre l’entreprise, l’usager et l’aide ménagère. L’objectif est de rappeler à l’usager ce qui est légitime contractuellement et ce qui ne l’est pas. Il s’agit d’une bonne pratique en vigueur dans le secteur et qui sera obligatoire pour tous les opérateurs.
Il y aura également obligation d’une visite domiciliaire préalable avant toute nouvelle prestation d’une aide ménagère. L’entreprise devra vérifier que le nombre d’heures prestées est exact, que les conditions de travail et le matériel utilisé sont bons, que la pression mise sur les travailleurs n’est pas excessive. Progressivement, nous régulariserons tous les anciens contrats.
Chaque entreprise devra fournir aux aides ménagères un numéro d’appel fonctionnel sur toute la durée du temps de travail. Donc, si une employée rencontre une difficulté quelconque dans le cadre professionnel, elle doit pouvoir appeler l’entreprise à tout moment. La plupart des bonnes entreprises assurent déjà un tel service, mais pas toutes. Nous comptons donc le rendre obligatoire.
La Région wallonne impose des contrats de dix-neuf heures en moyenne. Pour faire un peu mieux, nous avons fixé la moyenne à vingt heures. Il ne s’agira pas d’imposer un contrat minimum pour chaque aide ménagère, certaines ne souhaitant prester qu’un mi-temps, voire un tiers temps, mais l’entreprise devra s’efforcer d’offrir des contrats plus longs. En Région bruxelloise, la moyenne est, déjà, assez élevée parce que les conditions de travail le permettent.
L’entreprise devra organiser, au moins une fois par an, un entretien individuel avec chaque aide ménagère pour discuter de son contrat de travail. Des entretiens collectifs devront également être organisés, au moins deux fois par an, en vue de discuter des bons procédés et bonnes pratiques, mais aussi d’assurer un soutien mutuel entre employées qui ne se rencontrent jamais, puisqu’elles prestent à des endroits différents. En effet, nous ne parlons pas ici d’un lieu de travail classique qui permet aux employés de se voir, de se parler, d’échanger.
L’État fédéral impose déjà des heures de formation obligatoires pour tous les travailleurs. La nouvelle norme impose cinq jours de formation par an et par prestataire. Cette mesure relève des conventions collectives de travail et constitue donc, pour les employeurs, une obligation stricte en matière de formation des aides ménagères.
Le gouvernement bruxellois, quant à lui, imposera une formation de base obligatoire pour tout nouveau travailleur dans le secteur, et cela, pour lui rappeler les règles essentielles qui lui éviteront de commettre des gestes qui mettent en péril sa santé ou sa sécurité. En outre, il rend obligatoire une formation supplémentaire annuelle de dix heures pour chaque contrat, quelle que soit sa durée. Il s’agira de formations continues sur les nouvelles pratiques et modalités, les nouveaux produits, etc.
La question des femmes qui souhaitent quitter le secteur est plus complexe. Comme le volume de travail reste constant, si 1.000 femmes devaient quitter le secteur chaque année, 1.000 autres y entreraient.
Certes, les employeurs ont l’obligation de former leurs travailleurs, mais ils n’ont pas à les former pour un autre métier. Ils cotisent au Fonds de formation sectoriel des titres-services qui organise des formations liées à ce métier.
Et ce secteur est déjà assez créatif, puisqu’il dispense notamment des formations dans le numérique, alors que ce n’est pas a priori nécessaire pour le métier. De nombreux employeurs estiment toutefois que les compétences numériques de leurs aides ménagères sont importantes pour gérer leur smartphone, les rendez-vous, l’adresse où se rendre ou l’envoi d’une plainte.
Nous avons inscrit un montant de 5 millions d’euros pour ce volet qualitatif. Les modalités seront négociées avec les partenaires sociaux à l’approche du vote du texte. L’application des conditions devra être contrôlée. Nous prévoyons des sanctions administratives plus complètes et plus « souples » pour les entreprises. Actuellement, en effet, la sanction est le retrait d’agrément et cela prive une série d’aides ménagères de leur travail.
Retrouvez notre échange ci-dessous : https://youtu.be/F9x8aOVxE8M