par Farida Tahar | 14 mars 2022 | Au parlement, Discriminations et égalité des chances, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires, Travail politique
J’ai interrogé M. Sven Gatz et Mme Nawal Ben Hamou, voici ma question :
Les politiques de diversité et de lutte contre les discriminations sont un volet crucial de la politique régionale en matière de fonction publique, thématique à laquelle nous avons consacré une série d’auditions.
Les administrations, les institutions bruxelloises et leurs équipes (à tous les niveaux de responsabilité) doivent refléter la diversité bruxelloise. Elles doivent être exemplaires en matière de lutte contre les discriminations à l’emploi, conformément à l’ordonnance du 4 septembre 2008. C’est également un engagement pris par le gouvernement bruxellois. La déclaration de politique régionale précise : « Dans le respect des droits de la défense, le régime disciplinaire des statutaires sera simplifié afin de lutter plus efficacement contre le sexisme, le racisme et le harcèlement. »
Pour atteindre ces objectifs, une mission de coordination de la stratégie pour l’égalité des chances et la diversité dans la fonction publique bruxelloise a été confiée à talent.brussels.
Par ailleurs, dans l’arrêté du gouvernement bruxellois du 6 juillet 2017 relatif à sa création, talent.brussels s’est vu confier pour mission de coordonner l’Observatoire de l’emploi public régional. Cet observatoire a pour but de fournir au gouvernement des informations sur la situation et l’état de l’emploi des organismes publics bruxellois. Les informations et analyses produites par l’Observatoire doivent notamment servir à soutenir la politique régionale en matière de fonction publique, dont les politiques de diversité et de lutte contre les discriminations. Pour assurer son travail de suivi et d’observation de l’emploi public régional, l’Observatoire de l’emploi public régional dispose d’une large banque de données centralisant les informations relatives à tout le personnel public bruxellois.
Ainsi, on découvre dans son rapport de l’année 2021 que cet observatoire collecte une série de variables liées à la fonction publique et à ses employés et employées.
Au printemps dernier, notre parlement a tenu des assises de lutte contre le racisme. Lancées le 29 avril 2021, elles ont pris la forme de consultations et de débats thématiques dans les différentes
commissions parlementaires. De nombreux intervenants, experts et acteurs de terrain ont été auditionnés afin de dresser un état des lieux du racisme et de l’antisémitisme à Bruxelles, et d’envisager des solutions et des politiques publiques ambitieuses. Ces assises se sont conclues par une série de recommandations.
La première thématique abordée concernait les questions statistiques, de données, d’études et d’objectivation des constats.
Comme on le lit dans les recommandations issues des discussions, les experts interrogés ont mis l’accent sur la nécessité de systématiser l’usage de la variable « origine » dans les statistiques du chômage et de l’emploi. Il s’agit là de mieux outiller la recherche et le contrôle, et ainsi, de mieux objectiver le racisme et l’antisémitisme.
Au sujet de la fonction publique bruxelloise, l’Observatoire de l’emploi public régional dispose-t-il d’informations relatives à l’origine nationale des membres du personnel des institutions publiques régionales ? Si oui, ces informations peuvent-elles être exploitées ? Quels sont les principaux constats en matière de représentation des membres du personnel d’origine étrangère par statut, niveau de responsabilité, genre et âge ? Un diagnostic a- t-il été établi quant à l’inclusion de la diversité bruxelloise dans l’emploi public régional ?
Des actions peuvent-elles être mises en place sur la base de ce diagnostic ? Dans la négative, est-il prévu d’adapter le cadre légal relatif à l’Observatoire de l’emploi public régional afin de lui permettre de recueillir et d’exploiter des données « personnelles » relatives aux membres du personnel des institutions publiques régionales ?
Retrouvez la réponse des Ministres ci-dessous ;
Concernant les questions sur la fonction publique bruxelloise et l’Observatoire de l’emploi public régional, voici les réponses que m’a communiquées le ministre Sven Gatz. L’Observatoire ne dispose pas, à l’heure actuelle, d’informations relatives à l’origine nationale des membres du personnel des institutions publiques régionales. Le cadre légal est en cours d’adaptation. Ceci lui permettra de recueillir et d’exploiter davantage de données liées à leur profil. S’agissant du régime disciplinaire mis en place afin de lutter plus efficacement contre le sexisme, le racisme et le harcèlement, la Région de Bruxelles-Capitale a intégré de nombreuses dispositions dans sa réglementation pour lutter contre la discrimination au sens large, à savoir : les différents statuts des membres du personnel de la Région intègrent des dispositions concernant leurs droits et devoirs ;
– l’ordonnance du 4 septembre 2008 relative à la lutte contre la discrimination et à l’égalité de traitement en matière d’emploi ;
– l’arrêté du gouvernement de la Région Bruxelles-Capitale du 3 mars 2011 portant exécution de l’ordonnance du 4 septembre 2008 visant à promouvoir la diversité et à lutter contre la discrimination dans la fonction publique régionale bruxelloise ;
– l’ordonnance visant à promouvoir la diversité et à lutter contre la discrimination dans la fonction publique de la Région de Bruxelles-Capitale.
Les adaptations du régime disciplinaire des statutaires afin de lutter plus efficacement contre le sexisme, le racisme et le harcèlement ne sont pas encore mises en place. Elles seront portées par mon collègue Sven Gatz dans le cadre des actions des plans régionaux pour une approche intégrée de la dimension de genre et l’égalité entre les femmes et les hommes, et pour la lutte contre le racisme, thème que je porte.
Dans le cadre des actions ciblées sur la fonction publique du futur plan de lutte contre le racisme, mon collègue prévoit également de proposer une action qui visera à analyser les recommandations de l’audit des instruments de la politique de diversité dans la fonction publique régionale, entre autres au sujet de l’outil de suivi de la diversité. Cela permettra de disposer de données utiles pour objectiver et combattre le racisme et l’antisémitisme au sein des institutions concernées. Au sujet du développement des connaissances scientifiques et des outils statistiques, les travaux menés par les groupes de travail thématiques dans le cadre du futur plan de lutte contre le racisme menés par mon cabinet sont à présent clôturés.
Les panels consacrés aux thématiques « emploi et fonction publique » et « statistiques, données, études » ont donné lieu à des groupes de travail des mêmes noms qui se sont réunis les 13 et 28 janvier, ainsi que le 10 mars 2022. L’objectif de ces groupes est de construire des actions claires, concrètes et opérationnelles basées sur les recommandations des assises.
La nécessité de disposer de meilleures sources et de faire de meilleures utilisations des données fait partie des constats et avis. Mon cabinet et equal.brussels, en collaboration avec les autres cabinets et les administrations concernées, identifient des pistes exploitables. La rédaction de fiches d’actions qui alimenteront le plan d’action est en cours de finalisation. Ce faisant, une attention particulière est portée à la nécessité des connaissances scientifiques et au renforcement des outils statistiques, pour fournir des instruments de recherche et de contrôle efficaces permettant de mieux combattre le racisme, et notamment l’antisémitisme.
L’Institut bruxellois de statistique et d’analyse proposera au sein du plan de lutte contre le racisme, la meilleure façon d’encadrer ’étude de la variable d’origine. Pour savoir comment collecter des données sur l’origine des Bruxellois, il faut tenir compte du fait que le traitement de données sur l’origine dite ethnique est très encadré par la législation.
Pour le règlement général sur la protection des données (RGPD), par exemple, ce type de traitement est, en principe, interdit. Le RGPD prévoit néanmoins un régime d’exceptions autorisant ces traitements. Ainsi, moyennant l’obtention des autorisations nécessaires, une enquête ponctuelle en Région bruxelloise nécessaire à une étude pourrait par exemple être réalisée par l’administration traitant la question, pour autant que cette étude s’inscrive dans les exceptions prévues. Comme pour tout traitement de données personnelles, il faudrait entre autres respecter les principes de finalité et de proportionnalité.
Les modes de collecte des données, durées de conservation et autorisations nécessaires, sont autant d’autres d’éléments à définir lors des travaux préparatoires de la collecte des données.
Cette mission peut être assez longue et nécessite de s’entourer de l’expertise nécessaire, tant juridique que statistique. Par ailleurs, depuis 2021, Statbel diffuse la variable « origine ».
Elle se base sur la nationalité actuelle de l’individu, sa nationalité à la naissance et la première nationalité enregistrée des deux parents. Sur cette base sont distingués trois grands groupes d’origine : le Belge d’origine belge, le Belge d’origine étrangère et le non-Belge.
Deux remarques importantes relatives à cette statistique sont à prendre en considération. Premièrement, contrairement aux statistiques ethniques de certains pays anglo-saxons, il ne s’agit pas d’une information que le déclarant décide de fournir et choisit lui-même. Statbel attribue à chaque individu un grand groupe d’origine, en fonction des informations liées à la nationalité enregistrées au sein du registre national.
Deuxièmement, l’individu est considéré comme d’origine étrangère si au moins un de ses parents a une première nationalité enregistrée qui est étrangère. C’est donc le cas même si un de ses parents est Belge de naissance. De nombreuses personnes sont donc uniquement considérées comme d’origine étrangère, même si elles sont d’origine à la fois belge et étrangère.
Ma réplique et le texte intégral sont disponibles ici :
http://weblex.irisnet.be/data/crb/biq/2021-22/00121/images.pdf#page=12
par Farida Tahar | 14 mars 2022 | Au parlement, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires, Social & Santé, Travail politique
Au vu de l’actualité, j’ai interrogé notre Gouvernement sur ce sujet. Voici ma question détaillée ;
« La situation des réfugiés ukrainiens – et des réfugiés en général – préoccupe bon nombre de citoyens. En moyenne, 2.000 réfugiés ukrainiens sont accueillis par jour en Belgique. Au total, on estime entre 100.000 et 200.000 le nombre de personnes fuyant la guerre en Ukraine que notre pays s’apprête à accueillir dans les prochaines semaines.
Les organisations internationales estiment entre 4 et 7 millions le nombre total de réfugiés ukrainiens. Si l’on part du principe que ces personnes seront réparties entre États membres de l’Union européenne selon le principe du « fair share », calculé sur la base de la population et du PIB, notre pays accueillera 2,8 % du total.
Ce sont les propos tenus à la Chambre des représentants par le secrétaire d’État Sammy Mahdi. Il y a quinze jours, en réunion interministérielle, une répartition organisationnelle de l’accueil a été actée : les autorités fédérales cherchent des places d’accueil d’urgence, tandis que les Régions doivent trouver des logements structurels, en collaboration avec
les communes. Concrètement, les autorités fédérales prendront en charge l’accueil et l’enregistrement des personnes arrivant sur notre sol.
À ce jour, 3.067 femmes, hommes et enfants se sont signalés auprès de l’Office des étrangers. Il va sans dire que la recherche de logements structurels et durables sera particulièrement difficile, étant donné la capacité de logements dont dispose notre Région.
Par ailleurs, des initiatives citoyennes et privées s’organisent progressivement, que nous ne pouvons que saluer. De nombreux Bruxellois et Bruxelloises mettent à disposition des chambres dans leur foyer. Le secteur hôtelier offre gracieusement une centaine de chambres. Cet élan de générosité ne va pas s’arrêter de sitôt tant la situation des réfugiés ukrainiens, notamment, est
préoccupante et interpellante. Bruxelles doit être et rester une région hospitalière pour toutes les personnes fuyant la guerre et les hostilités, d’où qu’elles viennent ! On a parfois tendance à l’oublier.
Pour ce qui concerne la question du relogement, je m’interroge sur l’ouverture des droits sociaux. En effet, il est important de rappeler les solutions structurelles qui dépassent parfois la
Région, qui doivent être trouvées concernant l’accès et le recours aux droits sociaux. Les CPAS peuvent aussi jouer un rôle dans la prise en charge de ces publics cibles. L’aide médicale, l’aide alimentaire, le revenu d’intégration, etc. seront des droits nécessaires pour toutes ces personnes. Les demandes croissantes vont inéluctablement impliquer une réorganisation des CPAS, qui seront davantage interpellés. Or nous savons combien les travailleurs sociaux travaillent déjà à flux tendu.
Le rôle de la Région de Bruxelles-Capitale est essentiel dans la prise en charge des réfugiés ukrainiens. L’objectif est bien
entendu de se coordonner, entre les différents niveaux de pouvoirs et au sein des gouvernements, pour assurer un accueil digne sur notre territoire.
Comment s’organisent concrètement l’accueil et l’accompagnement des réfugiés ukrainiens à notre niveau de
pouvoir ? Avez-vous des informations actualisées à nous transmettre en matière d’hébergement, de relogement, d’aides sociales et d’aide alimentaire ? Quelles seront les conséquences pour les CPAS et les travailleurs sociaux, eu égard au fait qu’ils travaillent à flux tendu ? Une simplification des procédures administratives est-elle en cours pour faciliter les demandes d’aides sociales ?Les équipes seront-elles renforcées afin d’assurer un travail optimal et une prise en charge des dossiers plus rapide ?
Des formations seront-elles organisées pour les équipes encadrantes ?
Quelle est la collaboration avec le niveau fédéral et plus singulièrement avec le secrétaire d’État chargé de l’asile et de la migration ? Des subventions supplémentaires sont-elles sollicitées auprès du gouvernement fédéral afin de faire face aux demandes croissantes en Région bruxelloise ?
Quels sont les membres qui composent la task force convoquée par le président du Collège réuni le 11 mars 2022 ? Quels sont les objectifs de cette plateforme ? Avez-vous des contacts avec les communes et des personnes issues de la société civile pour l’organisation de l’accueil ? Dans l’affirmative, comment s’organisent l’accueil et l’accompagnement des réfugiés ? Une prochaine réunion de la task force est-elle prévue afin de tirer un premier bilan ? Si oui, quand et selon quel programme ?
Retrouvez le compte-rendu complet ci-dessous :
http://weblex.irisnet.be/data/arccc/biq/2021-22/00012/images.pdf#page=9
par Farida Tahar | 22 février 2022 | Dans les médias, Emploi et formation, Opinion
En région bruxelloise, les inégalités fondées sur l’origine ont une ampleur massive et structurelle. Les constats sont interpellants!

A diplôme égal, les personnes d’origine extra-européenne rencontrent plus de difficultés à s’insérer sur le marché du travail.
Le taux de chômage des personnes d’origine maghrébine ou afrodescendantes est 3 à 4 fois plus élevé.

Les jeunes d’origine sub-saharienne ont les plus grandes difficultés à décrocher un travail, malgré leur présence plus importante dans les formations. Ces jeunes sont statistiquement bien plus nombreux à ne pas avoir d’emploi, trois ans après leur première inscription chez Actiris.

Les femmes originaires de pays non-européens, à l’intersection de deux facteurs de discriminations, sont triplement vulnérables. Elles sont statistiquement bien plus à risque d’être confinées dans des emplois précaires, d’être au chômage, de ne percevoir aucun revenu de remplacement, …

Que faire?

Pour lutter structurellement contre les discriminations, il faut certes travailler sur le changement des mentalités, la déconstruction des préjugés, … mais il importe également de renforcer notre législation pour la rendre plus effective en matière de contrôle et de sanction.

C’est dans ce sens que nous avons déposé avec Groen (en soutien du PS), notre proposition de modification de l’ordonnance dite « testing », visant à lutter contre les discriminations à l’embauche.

Ce texte vise entre-autres à rendre pro-actifs les tests de discriminations effectués notamment par l’inspection régionale de l’emploi en permettant à ses derniers de les enregistrer, de les prévoir en présentiel dans certains secteurs comme les intérims par exemple, mais aussi de lever la condition cumulative, inscrite dans le texte original, d’être en possession d’indices sérieux de discriminations ET de déposer un signalement/plainte. Nous demandons que ce soit l’un OU l’autre!
Dans La Libre, je m’exprime sur le sujet. Découvrez l’article en cliquant sur le lien:
par Farida Tahar | 7 février 2022 | Parlement Bruxellois, Questions parlementaires, Social & Santé
Voici ma question adressée au Ministre Maron :
La précarité énergétique est un sujet qui nous préoccupe depuis plusieurs semaines. Je pense notamment aux aides octroyées par les CPAS à certains ménages bruxellois. En Région bruxelloise, plus d’un ménage sur quatre est officiellement concerné par la précarité énergétique, qui désigne le fait de ne pas pouvoir accéder à suffisamment d’énergie pour un coût abordable au regard de ses revenus. Le ménage concerné ne peut consommer de l’énergie en suffisance et privilégie d’autres formes de consommation qu’il juge prioritaires. En 2021, le prix du gaz a enregistré une hausse de 47 % entre les mois de juillet et de décembre. Pour l’électricité, sur cette même période, la hausse était de 27 %.
Si elle est parfois mesurée, la précarité énergétique demeure difficile à chiffrer. Il existe une précarité énergétique « cachée », vraisemblablement plus grande à Bruxelles. En 2019, on estimait que 10,5 % des ménages bruxellois souffraient de la précarité énergétique tout en la dissimulant, contre 4,2 % à l’échelle nationale. Ces ménages ont du mal à reconnaître la précarité de leur situation. Il apparaît comme évident que de nombreux Bruxellois peinent à subvenir à leurs besoins énergétiques. Ces personnes se mettent alors en danger sur les plans économique et de la santé.
M. le membre du Collège réuni, nous vous savons sensible aux questions d’inégalités sociales. C’est d’ailleurs l’un des enjeux majeurs de la déclaration de politique générale.
Joindre l’acte à la parole, c’est aussi cette subvention supplémentaire de vingt millions d’euros accordée aux CPAS bruxellois, dont dix millions servent et serviront à accompagner et aider les ménages bruxellois qui font face à la précarité énergétique. Comment cette enveloppe de dix millions d’euros est-elle distribuée et ventilée entre les dix-neuf CPAS ? Combien de ménages sont-ils susceptibles de solliciter l’intervention des CPAS pour s’acquitter de leur facture de gaz et d’électricité ? Combien de demandes ont-elles déjà été introduites ? Quels sont les critères d’octroi ? Qui peut y prétendre ? Pour quelle période ? Comment sont informés les potentiels demandeurs ? Existe-t-il une harmonisation des procédures et des conditions d’octroi de cette aide complémentaire au sein des CPAS, ou les pratiques sont-elles disparates ? Les services de médiation de dettes des CPAS sont saisis d’une hausse des demandes d’aide pour les factures de gaz et d’électricité impayées. Comment y répondent-ils ? Dans quels délais ? Des équivalents temps plein supplémentaires sont-ils assurés
pour renforcer les équipes d’assistants sociaux qui travaillent actuellement à flux tendu ? Qu’en est-il des politiques et des mesures de prévention pour prévenir la précarité énergétique ?
Quelles sont-elles ? Discutez-vous avec vos homologues du niveau fédéral pour trouver des solutions structurelles à la hausse des prix de l’énergie et à ses conséquences sur les personnes vulnérables ? Dans l’affirmative, que résulte-t-il de ces discussions ?
Voici sa réponse :
La situation sur les marchés européens et mondiaux entraîne une hausse exceptionnelle des prix de l’énergie partout en Europe, même si les conditions régulatoires peuvent être quelque peu différentes d’un pays à l’autre.
Cette hausse résulte d’un ensemble de facteurs conjoncturels, notamment l’augmentation de la demande en énergie à la suite de la reprise des activités économiques après la crise sanitaire – comme en Chine par exemple -, les tensions géopolitiques avec la Russie et l’Ukraine, la hausse du prix des droits d’émission de CO2, ainsi que la faiblesse des réserves européennes en gaz. Cette situation illustre aussi une forme de faillite du concept de libéralisation du marché de l’énergie. En effet, il n’existe pas de réserve stratégique nationale et les entreprises ne sont soumises à aucune obligation de réserve ou de stock. Elles achètent leur gaz et leur électricité à flux tendu, à tout moment. La volatilité est donc très élevée. S’il est difficile de prévoir l’évolution des prix, les contrats à terme qui s’échangent actuellement nous permettent d’appréhender les anticipations des acteurs, avec une baisse possible du prix au printemps prochain. Toutefois, les prix resteront à des niveaux assez élevés, en tout état de cause plus élevés qu’il y a un an. Il est difficile de prévoir ce qui se passera à plus long terme. L’impact de cette hausse généralisée des prix de l’énergie sur la facture des ménages varie en fonction du contrat de base. Ceux qui ont accès au tarif social ne subissent pas une hausse importante. En étendant ce dispositif aux bénéficiaires de l’intervention majorée jusqu’au 30 juin 2022, le gouvernement fédéral a permis à 27 % des ménages bruxellois d’y accéder. C’est une mesure importante, dont l’impact est particulièrement positif. Par ailleurs, les ménages ayant un contrat fixe ne subissent pas directement l’effet de cette hausse, d’autant que les ordonnances bruxelloises garantissent à ceux-ci une durée minimale de trois ans. Or, plus de 60 % des ménages bruxellois bénéficient de contrats fixes. C’est cependant une forme de protection temporaire, car les ménages en fin de contrat sont concernés à court terme par la hausse des prix. Pour les contrats variables, mais également pour les contrats fixes conclus depuis le mois d’août 2021, l’impact sur les factures est important et direct. Il nous rappelle combien les contrats de trois ans, contre lesquels certains militent, sont essentiels ; s’ils n’existaient pas, la situation serait bien plus catastrophique.
Il est utile de rappeler que la politique des prix de l’énergie, à l’exception des tarifs de distribution – qui représentent une part minoritaire dans la facture -, relève des compétences fédérales, de même que le droit de la concurrence, le droit des pratiques commerciales, la lutte contre les prix abusifs et la constitution du tarif social.
Les Régions sont compétentes en matière de distribution de l’énergie, y compris concernant les tarifs des réseaux de distribution. Toutefois, ceux-ci sont contrôlés et approuvés par le régulateur, qui dispose d’une compétence exclusive en la matière. Par conséquent, le gouvernement ne peut pas décider d’autorité de diminuer un tarif de distribution.
Par ailleurs, contrairement à la TVA, les tarifs de distribution ne sont pas corrélés au prix de l’énergie. En janvier 2021, la part des frais de distribution représentait 17 % des factures d’électricité des ménages et 9 % des factures de gaz. Autant dire que, même si ces frais étaient réduits, cela n’influencerait qu’une partie des factures des ménages. Sachez également qu’en Région bruxelloise, ces tarifs sont moins élevés qu’en Flandre et en Wallonie. En ce qui concerne le mode de calcul des tarifs de distribution, ceux-ci sont régis par un cadre réglementaire très strict fondé sur des ordonnances et déterminé sous la houlette de Bruxelles Gaz électricité en lien avec Sibelga. Le gouvernement régional ne peut donc en aucun cas décider unilatéralement de réduire ces parts.
D’autant que ce que vous appelez des taxes, ce sont en réalité des montants qui couvrent des frais réels de distribution de l’énergie, de construction et d’entretien d’un réseau. Il faut aussi provisionner de l’argent pour l’avenir, car il faudra investir davantage dans les réseaux de gaz et d’électricité. Sibelga devra disposer des moyens pour investir encore plus dans les réseaux d’électricité, mais aussi progressivement débrancher les réseaux de gaz et assurer la transition énergétique. Ces voies ont donc été explorées, mais elles ne sont que peu ou pas praticables, et dans tous les cas, ne pourraient pas être suivies par le gouvernement seul. Le gouvernement flamand a décidé d’un chèque de réduction de 50 euros. Si nous faisions la même chose à Bruxelles, de manière ponctuelle, cela coûterait environ 30 millions d’euros, tandis que 50 euros ne représentent quasiment rien au regard de l’explosion des tarifs de l’énergie. Par ailleurs, un certain nombre de ménages – bénéficiaires d’un tarif social ou d’un contrat fixe – ne sont pas affectés par la hausse des prix. Dès lors, nous considérons des mesures comme celle- là inutiles : elles ont peu d’impact social et offrent peu d’aide réelle aux ménages, mais représentent un coût important pour les pouvoirs publics, financé par les impôts des Bruxellois et les autres systèmes de redistribution internes en Belgique. En ce qui concerne les CPAS, il est important de rappeler que ces derniers disposent de cellules énergie afin d’accompagner et, le cas échéant, de prendre en charge les factures d’énergie en tout ou en partie dans le cas d’une demande sociale.
Grâce aux 30 millions d’euros accordés en 2020-2021, nous avons financé le renforcement de ces cellules les années précédentes. Les CPAS bruxellois reçoivent chaque année du gouvernement fédéral un budget provenant du fonds gaz électricité afin de faire face aux demandes d’aide spécifiques des ménages bruxellois les plus vulnérables face aux dépenses énergétiques. En 2021, les dix-neuf CPAS ont reçu un total de plus de neuf millions d’euros provenant de ce fonds. En 2022, l’augmentation unique du fonds gaz électricité a été approuvée dans le cadre de la loi du 15 décembre 2021 portant des mesures en vue de la hausse des prix de l’énergie. Les CPAS bruxellois ont ainsi reçu une augmentation de 4,3 millions d’euros. Ce budget doit être affecté de la manière suivante :
– 50 % pour l’octroi d’une aide sociale financière pour l’apurement des factures ;
– 50 % pour prendre des mesures dans le cadre d’une politique sociale préventive en matière d’énergie.
Au niveau régional, Bruxelles Environnement octroie une subvention annuelle de 1,3 million d’euros aux CPAS pour leurs missions énergie. Ce financement résulte des dispositions légales des ordonnances de juillet 2001 et d’avril 2004 relatives aux marchés de l’électricité et du gaz, qui confient une série de missions de service public aux CPAS.
Parmi ces missions figurent l’accompagnement ainsi que la guidance sociale et budgétaire des personnes qui ont notamment des difficultés à payer leur facture de gaz et d’électricité. Les CPAS peuvent, dans ce cadre, exercer leur mission d’aide financière pour ce type de dépense, négocier des plans de paiement ou mettre en place une guidance budgétaire. Par ailleurs, ils sont en charge des services de médiation de dettes publiques et privées et financés par la Cocom à cette fin. Les CPAS bruxellois ont obtenu dix millions d’euros supplémentaires dans le cadre du budget 2022 de la Cocom pour faire face aux besoins sociaux découlant de l’accroissement des prix de l’énergie. Ce budget sera distribué en fonction de la clef de la dotation générale aux communes et sera affecté de la manière suivante :
– au moins 50 % en aides complémentaires à destination des personnes qui sont dans un seuil de revenu entre 0 et 125 % du revenu d’intégration sociale ;
– maximum 50 % en renforcement des équipes afin de répondre aux besoins sociaux exceptionnels découlant de l’accroissement des charges financières pesant sur les ménages, particulièrement en lien avec l’augmentation forte des prix de l’énergie. Cela peut concerner les services de médiation de dettes et les cellules énergie des CPAS.
Des arrêtés sont en cours de rédaction, qui préciseront la manière dont ces montants devront être utilisés. Ils devraient être approuvés par le gouvernement dans les prochaines semaines.
Le gouvernement examine l’éventualité d’une augmentation des moyens dévolus aux CPAS et de nouvelles aides complémentaires, destinées notamment à un public dont les revenus sont supérieurs à 125 % du revenu d’intégration sociale. J’ai défendu plusieurs propositions au sein du gouvernement pour pousser cette logique plus avant, et j’espère que nous aboutirons rapidement à l’adoption de mesures de soutien complémentaires. Par rapport au nombre de personnes aidées, les CPAS constatent une augmentation globale de 25 % à 30 % des demandes d’aides énergie en 2021, en provenance de publics nouveaux pour les CPAS. Selon les estimations, ce type de demandes devrait enregistrer une nouvelle augmentation en 2022.
À ma demande, un groupe de travail a été mobilisé en janvier 2022 afin d’assurer un suivi de la situation et de proposer des actions complémentaires. Ce groupe de travail réunit Sibelga, Brugel, Bruxelles Environnement, les fournisseurs, la Fédération des CPAS bruxellois, Infor Gaz Elec et le centre d’appui social énergie de la Fédération des services sociaux.
Nous suivons la situation en permanence. Il est probable et souhaitable que de nouvelles mesures soient prises par le gouvernement dans les prochaines semaines. Le cas échéant, vous serez bien entendu tenus au courant.
Retrouvez le compte-rendu intégral des échanges ci-dessous :
http://weblex.irisnet.be/data/arccc/biq/2021-22/00009/images.pdf#page=47
par Farida Tahar | 24 janvier 2022 | Parlement Bruxellois, Questions parlementaires, Social & Santé
Voici ma question adressée au Ministre sur le sujet ;
La commission de la santé et de l’aide aux personnes du Parlement bruxellois a récemment auditionné la Fédération des maisons d’accueil et des services d’aide aux sans-abri ainsi que l’asbl L’Îlot, au sujet de leurs études respectives concernant la situation des femmes sans abri. Le constat est sans équivoque : les femmes sont globalement plus touchées par la pauvreté. Certes, les causes sont multiples, mais force est de constater que les femmes cumulent les vulnérabilités, notamment les violences conjugales et des revenus plus faibles.
Autant de pluralités de situations et de parcours qui appellent une multiplication de solutions, comme le démontrent les dispositifs en place : l’hébergement d’urgence, les maisons d’accueil, l’accueil de jour, la guidance à domicile, le projet Housing First et le travail de rue.
Cependant, quand on creuse la question spécifique du dénombrement des femmes sans abri, on observe – tout comme le secteur d’ailleurs – un sous-rapportage du sans-abrisme au féminin, car il existe un sans-abrisme « caché » que, par conséquent, on ne dénombre pas.
En effet, les femmes sont hébergées plus souvent que les hommes dans des logements précaires et inadéquats. Elles recourent à des mécanismes informels plutôt que de solliciter une aide sociale et, de manière générale, elles se rendent moins souvent dans les centres de jour que les hommes.
L’outil qu’utilise Bruss’help pour réaliser un dénombrement tous les deux ans est intéressant, à plusieurs égards, s’agissant du sans- abrisme au féminin. Bien qu’il ne rende pas compte de l’ampleur réelle du sans-abrisme caché, il permet de souligner que le public féminin, estimé à 20 % des personnes dénombrées, connaît une diminution dans l’espace public.A contrario, le nombre de femmes est en augmentation dans les centres d’hébergement mis en place pendant la pandémie de Covid-19 (tels que les hôtels, par exemple). L’Association des maisons d’accueil et des services d’aide aux sans-abri constate également que la proportion de femmes est en hausse dans les structures qui les accueillent à plus long terme.
Dans sa présentation, L’Îlot a annoncé l’ouverture prochaine d’un centre de jour pour femmes, un dispositif qui semble être une réponse spécifique et complémentaire aux constats et aux écueils présentés par les deux associations précitées. On sait que, pour une femme, vivre en rue, c’est prendre le risque de subir des viols et des agressions. Or, ces violences courantes conditionnent la manière de vivre en rue et incitent à déployer des stratégies d’évitement, d’invisibilisation et de survie. Dès lors, le projet de L’Îlot de créer un centre de jour pour femmes est indispensable afin de prévenir de telles situations d’insécurité.
Faisant suite aux recommandations de ces deux associations expertes, j’aimerais savoir si une réflexion est en cours en vue d’améliorer la méthodologie du dénombrement de Bruss’help, en
particulier pour mieux répondre au problème du sans-abrisme « caché ».
Partagez-vous l’idée d’organiser, avec des associations spécialisées, une formation spécifique pour le secteur afin de croiser les problématiques du sans-abrisme, de la grande précarité, de la dimension de genre, des violences faites aux femmes et de la transidentité ?
Qu’avez-vous mis en place pour lutter concrètement contre les violences intrafamiliales, qui conduisent nombre de femmes à la rue et, par conséquent, en maison d’accueil ? Je pense, notamment, à votre collaboration avec Mme Ben Hamou, secrétaire d’État chargée du logement.
Quel est votre avis sur les initiatives en non-mixité ? Comptez- vous encourager et renforcer ce type d’outil ? Existe-t-il un centre de nuit réservé aux femmes ? Dans le cas contraire, est-il possible financièrement et matériellement d’en créer un ? Enfin, êtes-vous favorable à la création d’un dispositif d’accueil de jour, à bas seuil, pour femmes ? Dans l’affirmative, comment soutenez-vous concrètement cette initiative ?
Voici les réponses du Ministre :
La méthodologie utilisée par Bruss’help pour mener le dénombrement ne permet pas de couvrir, à l’heure actuelle, l’ensemble des situations d’exclusion liées au logement.
Les personnes qui ne peuvent quitter une institution médicale faute d’hébergement, celles menacées d’expulsion ou victimes de violences domestiques, ainsi que l’ensemble des personnes vivant dans des logements surpeuplés constituent des angles morts qui demandent d’améliorer la collecte des données.
Ce sans-abrisme caché, à savoir la situation des personnes dont la seule option est d’être hébergées par leur famille ou chez des amis, qui correspond à la catégorie 8 de la typologie européenne de l’exclusion liée au logement (European Typology on Homelessness and housing exclusion, Ethos), n’est que partiellement appréhendé. L’objectif de Bruss’help est de faire évoluer progressivement le dénombrement pour mieux prendre en compte l’ensemble de ces situations. Pour y parvenir, il convient de trouver un ou plusieurs procédés pouvant compléter les techniques déjà employées, ces dernières permettant d’assurer une continuité avec le comptage nocturne et la collecte des données issues des structures d’accueil et d’hébergement des précédentes éditions du dénombrement. Dans le cadre du dénombrement 2022, une enquête expérimentale auprès des bénéficiaires des CPAS bruxellois sera programmée, qui partira de la méthodologie employée pour mener les dénombrements en Flandre et en Wallonie en 2020.
La technique consistera à solliciter la participation des travailleurs des CPAS, afin qu’ils soumettent des questionnaires détaillés à leurs usagers permettant de cerner leur parcours et leur profil sociodémographique. Au regard des difficultés que risque de soulever la mobilisation de l’ensemble des CPAS de la Région bruxelloise, une phase de test sera lancée dans un premier temps avec deux ou trois d’entre eux. Concernant les formations spécifiques des acteurs du secteur, il est utile et nécessaire de permettre aux membres du personnel des opérateurs d’appréhender les problématiques spécifiques auxquelles sont confrontées les femmes ou les personnes transgenres sans abri.
Des formations de ce type existent, notamment celles organisées par les fédérations, auxquelles participent de nombreux travailleurs et travailleuses. Je tenterai toutefois de mener
une réflexion pour examiner comment soutenir davantage ces formations et échanges de pratiques. Des politiques de prévention et de prise en charge des femmes victimes de violence sont menées avec mes collègues Mmes Barbara Trachte et Nawal Ben Hamou, ainsi qu’avec la secrétaire d’État fédérale Mme Sarah Schlitz, notamment au travers des trois plans de lutte contre les violences intrafamiliales. Une série de mesures vise non seulement à mieux appréhender les mécanismes de la violence envers les femmes, mais également à travailler dès le plus jeune âge à la déconstruction des stéréotypes de genre, qui peuvent aussi mener au sexisme voire à la violence psychologique, physique ou sexuelle. Je pense notamment à la généralisation de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle à l’école. Ce levier important de prévention est soutenu par les gouvernements respectifs.
Par ailleurs, nous avons, en 2021, augmenté la capacité d’accueil de 45 lits pour les familles monoparentales, dont une immense majorité de femmes seules avec enfants, notamment victimes de violences. Le Centre de prévention des violences conjugales et familiales dispose également de sept lits supplémentaires depuis décembre 2021. Dans le cadre des dispositifs déployés dans des hôtels à la faveur de la crise sanitaire, la Cocom finance une capacité d’accueil de 30 mamans femmes seules avec enfant. Enfin, une maison d’accueil verra le jour en juillet 2022 et hébergera dix-neuf femmes victimes de violence et accompagnées d’enfants. L’asbl Talita, sélectionnée à la suite d’un appel à projets, en sera l’opérateur. Je suis tout à fait favorable aux lieux d’hébergement ou d’accueil de jour non mixtes, dès lors qu’ils permettent aux femmes d’une part de disposer d’un espace sécurisé et, d’autre part, de voir leurs besoins spécifiques pris en considération. Dans cette logique, je lancerai dans les semaines à venir un appel à projets visant la création d’un centre d’accueil de jour destiné exclusivement aux femmes. L’objectif est que ce nouveau centre dispose à terme d’un agrément permettant de contribuer à sa pérennité et à la qualité de ses missions. L’appel à projets en cours de rédaction prendra bien évidemment en considération les recommandations des études qui ont été menées sur le sujet.
Vous le savez, le New Samusocial dispose à présent d’une capacité d’accueil strictement réservée aux femmes. En outre, ces dernières sont également accueillies dans les capacités d’accueil
mixtes, qui possèdent des dispositifs pour assurer leur sécurité ainsi que leur bien-être et répondre à leurs besoins spécifiques.
Retrouvez les comptes-rendus intégraux de nos échanges ci-dessous :
http://weblex.irisnet.be/data/arccc/biq/2021-22/00009/images.pdf#page=15