par Farida Tahar | 9 juin 2022 | Au parlement, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires, Social & Santé, Travail politique
Le 16 mai dernier, perspective.brussels a publié la troisième édition de son rapport concernant le diagnostic socioéconomique, territorial et environnemental de la Région de Bruxelles-Capitale à la suite de la pandémie de Covid-19. Les constats, connus de longue date, se voient ainsi formalisés, actualisés et chiffrés une nouvelle fois. Le rapport rappelle d’emblée que la crise sanitaire a lourdement aggravé la situation des Bruxellois les plus précaires. Les impacts sanitaires ainsi développés pointent plusieurs statistiques inquiétantes, particulièrement dans le chapitre consacré aux conséquences sociales.
En effet, « la moitié de la population bruxelloise est en situation de risque de pauvreté vit dans des logements considérés comme trop exigus par rapport à la taille de leur ménage ».
Le rapport constate aussi une augmentation généralisée des demandes de revenu d’intégration sociale et des autres aides sociales. L’augmentation du nombre de bénéficiaires d’un revenu d’intégration sociale est estimée à 32,5 % entre janvier 2020 et juillet 2021 en Belgique, toutes aides sociales complémentaires confondues, avec des augmentations marquées concernant l’aide alimentaire (+51 % entre septembre 2020 et mars 2021) et l’aide à la médiation de dettes (+46 % entre janvier 2021 et juillet 2021)
Le niveau est donc bien plus élevé qu’avant la crise. Le rapport pointe également le risque de non-recours aux aides sociales en raison de la numérisation des services d’aide, dont l’offre reste inaccessible à une grande partie du public vulnérable.
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Comment la question est-elle traitée au sein du gouvernement bruxellois ? Comment travaillez-vous sur ces sujets transversaux avec vos homologues, et sur l’accès au logement abordable et durable en particulier, avec la secrétaire d’État au logement ?
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Si on met en perspective le chapitre sur la situation de l’emploi et sur le volet social en particulier, avez-vous étudié la possible reconversion de bureaux en lieux d’accueil de jour et/ou de nuit, voire en logements durables pour les personnes sans chez-soi ? Cette appellation me semble plus pertinente pour désigner la réalité de ce public cible.
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Outre le plan social-santé intégré que nous attendons prochainement et impatiemment, que mettez-vous concrètement en place pour aider les travailleurs sociaux et, de manière plus générale, les acteurs de première ligne dans les services numérisés, afin de démocratiser l’accès numérique aux publics vulnérables ?
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Enfin, avez-vous des contacts avec votre homologue fédérale, Mme Lalieux, en vue d’apporter de façon complémentaire et conjointe une aide concrète aux CPAS, qui l’attendent aussi impatiemment et en ont fortement besoin ? Dans l’affirmative, sur quoi vos discussions ont-elles débouché ?
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La piste des budgets supplémentaires alloués aux CPAS est-elle envisagée à l’heure actuelle ? Si oui, quel serait le montant de cette enveloppe complémentaire octroyée aux CPAS ? Comment la Fédération des CPAS bruxellois est-elle associée à la recherche de solutions ?
Monsieur le Ministre Alain Maron m’a répondu :
Pour répondre à votre question sur le volet emploi et social, le gouvernement a chargé l’asbl Bruss’help de mettre en œuvre la mission visée à l’article 65,4° de l’ordonnance, à savoir « soutenir le développement d’initiatives de prospection de logements stables au profit des centres qui pourront proposer des solutions de logement aux personnes sans abri ». Cette mission est à intégrer dans le plan d’action de l’asbl. Ce chantier concerne principalement l’accompagnement et le suivi des dispositifs déployés dans le cadre du plan de relance ainsi qu’une évaluation de l’impact de ce dernier, entre autres par une analyse des trajectoires d’insertion ou de la formule d’accueil au sein des différentes structures, par exemple dans les hôtels. Il est demandé d’identifier des leviers pouvant faciliter la recherche de logements et d’infrastructures et de pouvoir construire un cadre cohérent de coordination des outils de captation et d’attribution des logements.
Ce chantier comprend également la rédaction d’un référentiel d’évaluation basé sur une analyse des outils existants et tenant compte des retours des différents types d’opérateurs. Cette mission de soutien et de prospection de logements stables doit aussi être mise en lien avec la fonction de coordination, d’orientation et de suivi, ainsi qu’avec la mission d’évaluation de Bruss’help. Dans le cadre du plan de relance, l’asbl Bruss’help a déjà été amenée à identifier les bureaux disponibles sur le territoire bruxellois et qui pourraient servir de logements à court ou moyen terme.
Cette prospection a été menée en collaboration avec SoHoNet, dont le rapport identifie plusieurs lieux. La réflexion quant à l’occupation de ces sites, laquelle nécessite des aménagements et soulève une série de questions de garanties (sécurité incendie, assurance, accompagnement, cadre conventionnel, affectation urbanistique, etc.), est encore en cours au sein de Bruss’help. Cette mission implique en effet que l’asbl développe une série d’outils. Par ailleurs, d’autres asbl recherchent des bureaux qui pourraient être transformés en lieux d’hébergement. C’est notamment le cas du New Samusocial qui, afin d’assurer l’accueil supplémentaire de familles sans abri, a trouvé un bâtiment de bureaux sur le territoire de la commune d’Auderghem.Après quelques travaux et l’introduction d’un permis d’urbanisme, le site est occupé comme centre d’accueil depuis fin février. Q
uant au soutien aux travailleurs de première ligne afin de démocratiser l’accès numérique aux publics vulnérables, le plan social-santé intégré, et plus précisément l’axe 2 « Assurer à chaque Bruxellois un parcours de soins accessible et cohérent », a pour objectif d’améliorer la communication entre les acteurs de soins, et entre les acteurs et les patients par le soutien de la qualité et la sécurité des soins ; le renforcement de la coordination des professionnels de soins et la multidisciplinarité de la prise en charge ; l’aide apportée au patient afin de devenir un partenaire actif de sa santé.
S’il est clair qu’en tant que membre du Collège réuni, je ne manque pas d’interpeller Mme Lalieux à propos de moyens complémentaires, elle est surtout particulièrement réceptive aux demandes effectuées par les CPAS eux-mêmes. Nous appuyons donc la Fédération des CPAS bruxellois pour qu’avec les autres fédérations, wallonne et flamande, elle interpelle la ministre pour qu’elle réponde aux besoins sociaux supplémentaires.
La Région a effectivement accordé une enveloppe de 20 millions d’euros supplémentaires aux CPAS en 2022. Un montant de 10 millions d’euros est destiné à l’augmentation des besoins sociaux résultant de la hausse des prix de l’énergie, sachant que ce montant pourrait être augmenté si le besoin s’en faisait sentir, et 10 millions d’euros sont octroyés pour poursuivre les projets engagés grâce à la subvention exceptionnelle de 30 millions qui a été accordée à cheval sur les années 2020 et 2021.L’objectif de cette subvention était de permettre aux CPAS de faire face aux différentes conséquences sociales de la crise du Covid-19.
Par rapport à la problématique de l’énergie, le soutien octroyé par l’entremise des CPAS constitue l’un des leviers les plus importants pour empêcher certains ménages de sombrer dans une spirale de surendettement. C’est la raison pour laquelle ces moyens complémentaires sont mis à la disposition non seulement des ménages précaires, mais aussi des ménages issus des classes moyennes, dont les revenus dépassent le plafond d’accès au tarif social et au système BIM, même s’ils rencontrent des difficultés pour payer leur facture d’énergie.
Nous discutons actuellement avec la Fédération des CPAS bruxellois de la mise en place d’un suivi de la consommation du subside, pour examiner si les moyens sont suffisants pour l’année
2022 et ce qu’il en est de leur affectation concrète, sachant qu’une partie doit être utilisée sous forme d’aides directes. Il est à noter également que les subventions allouées aux coordinations sociales ont été augmentées pour permettre à chaque CPAS d’employer un temps plein dévolu à la
coordination sociale.
Le Fonds spécial de l’aide sociale est une subvention régionale annuelle de la Cocom pour aider les CPAS à remplir leur mission d’action sociale à destination des Bruxellois. Il est réparti selon les règles fixées par l’arrêté du 27 juillet 2017 fixant les règles de répartition de la dotation générale aux communes et aux CPAS de la Région de Bruxelles-Capitale. En 2022, ce sont ainsi plus de 33 millions d’euros qui s’ajoutent aux moyens déjà cités. Enfin, signalons encore que 900.000 euros sont octroyés de façon récurrente aux CPAS afin de soutenir leurs services de médiation de dettes.
Retrouvez nos échanges ci-dessous : http://weblex.irisnet.be/data/arccc/biq/2021-22/00019/images.pdf
par Farida Tahar | 2 juin 2022 | Au parlement, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires, Social & Santé, Travail politique
En 2013 déjà, plusieurs associations avaient rédigé un manifeste proposant une série de mesures à mettre en œuvre pour l’inclusion des familles migrantes et des populations roms en situation d’errance à Bruxelles. L’objectif était d’alerter les autorités sur la vulnérabilité des personnes migrantes, plus particulièrement des familles roms, face à la question du logement. Je reprends un petit extrait de ce manifeste : « De squat en hébergement d’urgence puis à la rue et à nouveau en squat, ballottées d’unecommune à une autre, elles errent sans solution. » Nous constatons, bien évidemment, des efforts et le gouvernement s’y était engagé. Nous saluons le travail mené par le secteur associatif, les médiateurs interculturels, les autorités locales qui tentent d’aider ces personnes en situation de grande précarité. De même, nous soulignons le renforcement des moyens accordés notamment au New Samusocial ainsi qu’aux dispositifs de type Housing First. Nul ne doute de votre volonté politique en la matière, d’autant que celle-ci s’inscrit dans une approche structurelle et pérenne.
Comme vous le savez, il apparaît que les personnes migrantes, et les familles roms en particulier, sont livrées à la mendicité. Elles font état de besoins spécifiques, en raison, entre autres, des modes de vie spécifiques, d’une mobilité active, de cultures qui, même si elles sont hétérogènes, rencontrent des systèmes parfois inadaptés (je pense entre autres au système scolaire). Il nous semble nécessaire d’insister, dans un premier temps, sur l’hébergement de court et moyen terme pour renforcer les chances d’insertion et, par la suite, proposer des solutions pérennes, notamment en matière de logement. Un ensemble d’acteurs particulièrement concernés par cette question de la précarité des familles roms s’exprime d’ailleurs en ce sens. Ils rappellent qu’il est nécessaire d’agir avant tout sur le logement, un préalable nécessaire à toute insertion sociale.
Quelles évolutions constatez-vous en matière d’hébergement et de mise à disposition de centres d’accueil pour les populations roms ? Celles-ci ont-elles des demandes particulières ? Des médiateurs culturels ou des travailleurs sociaux sont-ils spécialement formés afin de mieux accompagner ces populations aux besoins parfois spécifiques ?
Avez-vous pris connaissance des recommandations relatives à l’hébergement de moyenne durée, qui avaient été formulées en 2013 et qui, aujourd’hui encore, sont reprises par les associations ?
Qu’en est-il des contacts avec des professionnels qui connaissent bien ce phénomène de mendicité, les populations roms, leurs demandes et leur attentes ? Dans quelle mesure le renforcement des moyens accordés au New Samusocial ainsi qu’au dispositif Housing First a-t-il permis une amélioration de l’accueil des familles roms ? Enfin, cette matière étant transversale, des concertations sont- elles organisées avec la secrétaire d’État au logement, Mme Ben Hamou, pour coordonner au mieux vos politiques publiques ? Dans l’affirmative, que ressort-il de ces échanges ? Prévoyez- vous de mener des actions conjointes ?
Monsieur le Ministre Alain Maron m’a répondu ;
A ce jour, il n’existe pas de dispositif d’hébergement ou de centre d’accueil spécifiquement dédié aux populations roms. Il n’est donc pas possible de réaliser une évaluation à ce sujet. De plus, le dénombrement effectué à Bruxelles ne reprend pas non plus d’informations spécifiquement relatives à ce public. Concernant la mobilisation des médiateurs interculturels et des travailleurs sociaux spécialement formés en vue de mieux accompagner les populations roms, l’asbl le Foyer, l’asbl Diogènes et la cellule Roms du CPAS de la Ville de Bruxelles emploient plusieurs médiateurs interculturels qui facilitent grandement les contacts avec ces populations. Par ailleurs, nous avons consulté à plusieurs reprises différentes associations qui travaillent avec des populations roms afin d’écouter leurs demandes et leurs attentes. Des entretiens ont été organisés, notamment avec Unia, Diogènes, le Foyer, le CIRÉ et la cellule Roms du CPAS de la Ville de Bruxelles. Une réunion est prévue le 21 juin prochain en vue de mener un travail conjoint sur l’élaboration d’un plan d’actions concret et de développer une stratégie d’intégration des populations roms au niveau bruxellois. Quant au renforcement des moyens accordés au New Samusocial et au programme Housing First, le public rom fait partie des bénéficiaires, bien que le renforcement ne le vise pas spécifiquement. Par ailleurs, il n’y a pas de statistiques d’identification de ce public dans l’un ou l’autre des dispositifs mis en place. Comme je l’ai déjà mentionné, plusieurs rencontres ont eu lieu avec le cabinet de Mme Ben Hamou pour coordonner au mieux nos politiques. Ces rencontres ont permis de lancer des actions conjointes, qui ne visent pas spécifiquement les populations roms, mais plus largement les publics en situation de grande précarité, de mal-logement et sans abri. Nous pouvons citer les actions 26 et 27 du plan d’urgence logement adopté en décembre 2020 par le gouvernement bruxellois, qui ont été concertées par nos cabinets. Nous devons poursuivre ce travail avec Mme Ben Hamou, car la mise à disposition de logements constitue l’un des nœuds de notre politique d’aide aux personnes sans abri et de remise en logement. Nous devrons probablement collaborer plus en profondeur encore avec les différents acteurs du logement, tant publics que privés.
par Farida Tahar | 5 mai 2022 | Dans les médias, Opinions et presse, Social & Santé
par Farida Tahar | 4 mai 2022 | Au parlement, Discriminations et égalité des chances, Parlement Bruxellois, Questions parlementaires
Voici ma question adressée à M. Clerfayt :
Le récent rapport d’Unia « Discriminations à l’encontre des personnes afrodescendantes » nous fait part de diverses recommandations – dont j’espère que vous tiendrez compte – sur le plan législatif, fédéral, de la recherche, de l’enseignement, de la police et de la justice, du logement, de la décolonisation et de l’emploi. Le constat est frappant et de grande ampleur. En effet, Unia rappelle que, sur tous les dossiers concernant des critères dits « raciaux » dans le domaine de l’emploi pour l’ensemble de la période concernée par le rapport, un dossier sur cinq en moyenne porte sur la couleur de peau noire. Ce ratio est saisissant. Cela va d’une organisation et de conditions de travail déséquilibrées à des relations complexes avec les supérieurs hiérarchiques. Le passage suivant m’a particulièrement frappée :
« On peut donc dire qu’en termes de taux d’emploi, il y a peu de choses qui séparent une personne d’origine subsaharienne qui a fait des études supérieures d’une personne d’origine belge qui soit n’a pas de diplôme, soit un diplôme du primaire ou de l’enseignement secondaire inférieur. Lorsque l’on compare les personnes hautement qualifiées et moins qualifiées d’origines différentes, on trouve la confirmation du constat déjà fait ci- dessus : un niveau de diplôme élevé est le moins ‘profitable’ pour les personnes d’origine subsaharienne ».
C’est hallucinant ! On dit souvent qu’une des difficultés pour un chercheur d’emploi est de ne pas avoir de qualifications suffisantes, ou de ne pas avoir eu l’occasion de terminer un cursus scolaire. Or, Unia démontre que les populations d’origine subsaharienne, même détentrices d’un diplôme élevé, ne sont pas à l’abri de discriminations sur le marché de l’emploi.
Pour Unia, un contraste important persiste entre le niveau élevé de formation des personnes afrodescendantes et leur faible taux d’emploi sur le marché du travail. Ces problèmes structurels, dit- il, ne peuvent être résolus que par la sensibilisation, la formation la prévention et une meilleure connaissance du phénomène au travers de la collecte de données et de tests de situation. Nous savons à quel point vous êtes proactif ces dernières semaines dans la réforme de ces derniers, dans le cadre de l’ordonnance testing.
M. le ministre, avez-vous pu prendre connaissance du rapport d’Unia sur la question ? J’imagine que c’est bien le cas et que vous l’avez lu attentivement. Quelles conclusions pouvez-vous en tirer pour ce qui concerne l’emploi des personnes d’ascendance africaine ? Enfin, des initiatives et mesures concrètes sont-elles prévues à la suite des recommandations d’Unia en vue de favoriser l’emploi des personnes d’ascendance africaine ?
Monsieur Clerfayt m’a répondu ;
Le rapport d’Unia rappelle que les personnes afrodescendantes sont davantage victimes de discrimination que d’autres catégories de la population. C’est d’ailleurs sur ce critère de discrimination que la situation progresse le moins. Les études réalisées par Unia, par exemple sur les statistiques d’insertion à l’emploi, démontrent ce que son directeur, M. Patrick Charlier, appelle une discrimination structurelle. Selon lui, si la discrimination se mesure sur le taux de chômage ou d’autres paramètres, elle dépasse le cadre étudié, car elle est globale, sociétale. Elle trouve sa source plus en amont, dans une série de mécanismes sociaux qui aboutissent aux mauvais chiffres observés. Selon le même rapport, la discrimination structurelle que subissent les personnes d’ascendance subsaharienne intervient dès le plus jeune âge, parfois dans les sphères d’enseignement et d’éducation extrascolaire, où des représentations mentales créées dans la société s’expriment à leur égard.
Dès lors, les actions qui doivent être prises pour corriger ces phénomènes ou pratiques à l’œuvre sur le marché de l’emploi ne peuvent pas à elles seules modifier en profondeur le caractère structurel de ces discriminations sans une approche intégrée des politiques publiques dans leur ensemble.
Le gouvernement travaille à la mise sur pied de deux plans d’actions : tout d’abord, le plan bruxellois de lutte contre le racisme coordonné par la secrétaire d’État à l’égalité des chances, Mme Ben Hamou, sur lequel nos administrations travaillent activement. Ensuite, les quinze engagements pour lutter contre les discriminations à l’embauche et pour promouvoir la diversité sur le marché de l’emploi. Il s’agit de mises à jour des dix engagements que M. Gosuin, mon prédécesseur, avait pris en décembre 2016 et qui avaient donné naissance à toute une série d’initiatives. Nous allons envoyer ces quinze engagements aux partenaires sociaux pour en discuter avec eux, afin de pouvoir les adopter au niveau du gouvernement et vous les présenter.
Ma stratégie prévoit notamment des actions qui permettront de mieux mesurer les phénomènes discriminatoires agissant sur le marché de l’emploi en croisant les données de l’origine avec d’autres facteurs discriminatoires, comme le genre ou l’âge. Ces études devraient permettre de mieux identifier et comprendre les mécanismes à l’œuvre.
En 2022, je lancerai, comme chaque année, un appel à projets innovants pour lutter contre la discrimination à l’embauche et promouvoir la diversité. Cette année, nous avons choisi de nous concentrer sur le critère de l’origine. J’espère que les projets que nous recevrons seront particulièrement centrés sur la question des personnes d’origine subsaharienne. En 2020 et 2021, nous avons soutenu le seul projet à traiter de cette thématique : « You BELong » de l’asbl « Keep Dreaming ».
Il s’agit d’une recherche-action visant à favoriser la mise en contact, à permettre le recrutement et l’accès à des emplois de meilleure qualité de diplômés d’origine non européenne (avec pour objectif au moins 30 % de femmes), à encourager les employeurs à développer des pratiques plus inclusives et à changer les perceptions et préjugés en développant un réseau de mentors.
Les objectifs du renouvellement du projet en 2021, par rapport à 2020, étaient de :
– réunir au moins 5 entreprises et 60 talents prometteurs d’origine étrangère, principalement des personnes afrodescendantes ;
– permettre de découvrir de nouveaux métiers, secteurs et entreprises, et permettre le recrutement et l’accès à des emplois de meilleure qualité ;
– encourager les employeurs à revoir certains critères et à développer des pratiques de recrutement plus inclusives ;
– changer les perceptions et les préjugés (y compris l’autolimitation) en développant l’autonomisation des talents.
Le curriculum vitae (CV) anonyme ne peut être imposé par le seul gouvernement bruxellois : il s’agirait d’une norme liée au contrat de travail, qui relève des compétences fédérales.
Par ailleurs, sur un marché bruxellois particulièrement concurrentiel – nombre de travailleurs venus d’autres Régions postulent sur le territoire de la Région bruxelloise – une telle initiative risquerait d’accentuer les difficultés d’accès à l’emploi pour les Bruxellois, surtout si elle se limitait à notre Région. Si seuls les Bruxellois utilisaient un CV anonyme, la manière dont les entreprises bruxelloises examinent les candidatures reçues s’en trouverait compliquée.
En outre, les départements des ressources humaines (GRH) d’entreprises, chargés du recrutement de candidats pour des postes à Bruxelles, sont parfois établis dans d’autres Régions : beaucoup d’entreprises ont un seul service GRH mais trois ou quatre implantations. Il conviendrait donc d’envisager un cadre plus large que la seule capitale. La question a été très présente dans le débat public : en 2011, le service diversité d’Actiris a publié un rapport à la suite d’une expérimentation, menée en collaboration avec les partenaires sociaux, portant sur des CV anonymes en Région bruxelloise. Quelques recommandations et retours d’expérience en sont ressortis, provenant d’employeurs ayant joué le jeu ou de l’examen d’expérimentations similaires menées à l’étranger. Ces recommandations sont les suivantes :
– le CV anonyme véhicule une image négative pour nombre d’employeurs. Le terme fait référence de manière implicite à la notion de contrôle et de sanction, plutôt qu’à une mesure orientée vers un résultat. Les employeurs se sont donc beaucoup opposés à l’idée de le rendre obligatoire ;
– l’anonymisation doit être intégrée à une réflexion plus vaste sur l’ensemble de la procédure de sélection. Toute la politique de recrutement doit donc être revue et ajustée pour que l’on ne tienne pas compte des éléments non pertinents. En d’autres termes, si les éléments discriminants reviennent dans la suite du processus, c’est que l’ensemble de la procédure d’embauche n’a pas suffisamment été réformée ;
– la façon de formuler les offres d’emploi et les descriptions de fonction constitue la première étape d’un accès neutre à l’entreprise ;
– l’utilisation de formulaires de sollicitation standardisés. Une entreprise qui utilise un formulaire standardisé démontre au public qui se porte candidat qu’elle s’engage dans une procédure d’objectivation des critères de sélection ;
– la diversification des équipes de recrutement, car il est essentiel de diversifier celui ou ceux qui portent un regard sur les candidatures ;
– seules les compétences doivent être prises en considération lors du recrutement, élément dont les employeurs sont de plus en plus conscients. De nombreuses agences d’emploi en Région bruxelloise ont ainsi déjà modifié et transformé leur façon d’accompagner ou de sélectionner des travailleurs pour les orienter vers les entreprises qui font appel à elles. L’accent doit ainsi être mis sur des méthodes permettant de cerner à l’avance les compétences que l’on recherche, de repérer uniquement les compétences dans les CV et de construire l’évaluation des candidatures sur la base de ces éléments de compétence.
Enfin, l’enquête révèle que, pour les candidats eux-mêmes, le fait de devoir cacher des éléments de leur identité – nom de famille, origine ethnique ou autres – pour trouver un emploi peut avoir des conséquences négatives sur leur propre identité sociale et développer chez eux une forme de gêne.
En définitive, la question du CV anonyme permet de s’interroger sur la discrimination à l’embauche. Elle ouvre aussi la réflexion sur les moyens d’objectiver et de professionnaliser toutes les étapes de sélection pour que le processus soit le plus neutre possible au regard des critères discriminants fixés par la loi. Objectiver l’ensemble de la procédure d’embauche relève donc d’un travail de plus longue haleine. ‘ajoute qu’en France, l’École nationale des ponts et chaussées a réalisé une étude scientifique et un test grandeur nature à Paris sur les CV anonymes. Ses résultats, disponibles sur internet, montrent que l’utilisation de CV anonymes rendait les employeurs plus réticents encore à prendre le risque d’engager des personnes subissant des discriminations. Ce seul élément est donc insuffisant à entraîner une modification dans les perceptions et représentations qui induisent des discriminations sur le marché de l’emploi. Il faut travailler plus largement à l’objectivation de la procédure de sélection et d’embauche.
Conformément aux recommandations d’Unia dans son rapport sur les personnes afrodescendantes et comme je l’ai déjà indiqué la semaine passée, je proposerai prochainement une réforme de l’ordonnance sur les tests de situation afin d’élargir la définition de l’emploi dans l’ordonnance de 2008 ; de réaliser un suivi basé sur une étude académique périodique mesurant les phénomènes de discrimination et orienter les actions proactives à envisager ; d’assouplir les conditions des tests de discrimination ; de sécuriser juridiquement ceux-ci, notamment pour les inspecteurs qui y recourent ; et d’être proactifs, dans un cadre juridiquement sécurisé, dans certains secteurs ou directions définis par l’étude.
Depuis 2020, il existe une base juridique fédérale pour les actions positives envers certains groupes cibles spécifiques. Ces actions peuvent avoir lieu au niveau de l’entreprise ou au niveau du secteur. Le plan d’action 2022 du service diversité d’Actiris prévoit de les promouvoir. En 2021, ce service a contribué à organiser des actions positives dans les secteurs de la santé et de l’électronique pour le groupe cible des primo-arrivants. Nous espérons les déployer également au bénéfice des personnes afrodescendantes discriminées sur le marché de travail J’ai en effet pu prendre connaissance du rapport d’Unia sur la discrimination des personnes afrodescendantes. Concernant l’emploi, Unia recommande la poursuite des recherches afin de mieux comprendre les mécanismes de discrimination, la mise en place d’actions positives sur le marché de l’emploi telles que je viens de les évoquer, la sensibilisation, la prévention et les tests de situation. Nous répondons en grande partie à ces recommandations.
L’étude d’Unia montre que les personnes d’ascendance africaine sont confrontées à des problèmes structurels tels qu’un taux de chômage plus élevé, du chômage de longue durée et des difficultés d’insertion. De nombreuses personnes, lorsqu’elles ont un emploi, se retrouvent dans les déciles salariaux les plus bas ou dans le travail intérimaire. Un autre constat marquant est que le fait d’avoir suivi de longues études semble apporter moins d’avantages à ce groupe sur le plan de l’emploi et du salaire. Ce constat est confirmé par une étude de la Banque nationale de Belgique portant, elle aussi, sur les discriminations à l’emploi.
Elle démontre qu’à partir d’un certain seuil, l’allongement des études devient un critère négatif d’insertion dans l’emploi, ce qui est paradoxal. Je reviens donc sur l’importance d’aborder la discrimination structurelle que subissent ces personnes dès leur plus jeune âge en proposant une approche intégrée et coordonnée pour l’ensemble des politiques publiques et notamment celles concernant la petite enfance, le système éducatif et l’enseignement supérieur.
Par ailleurs, nous poursuivrons les actions et initiatives dont je vous ai parlé.
http://weblex.irisnet.be/data/crb/biq/2021-22/00113/images.pdf#page=20
par Farida Tahar | 27 avril 2022 | Au parlement, Discriminations et égalité des chances, Non classé, Parlement Bruxellois, Travail politique
Voici mon intervention adressée au Ministre sur le sujet :
À l’aune de l’actualité des migrants, notamment des Ukrainiens fuyant la guerre et encore attendus à Bruxelles dans les prochaines semaines ou les prochains mois, je vous interroge une nouvelle fois sur le permis unique. Bénéficiant d’un statut de protection temporaire au sein de l’Union européenne, les Ukrainiens obtiennent un droit de séjour et une autorisation de travail, qui seront étendus aux membres de leur famille. Depuis quelques années, le marché du travail bruxellois est progressivement touché par une pénurie de main-d’œuvre que les migrants disposant des qualifications et des compétences requises pourraient pourtant contribuer à palier. Dans ce contexte, la question de l’accès des migrants au marché du travail à Bruxelles est pressante. La ministre wallonne de l’emploi Christie Morreale a récemment affirmé en commission vouloir avancer sans délai sur la question du permis unique pour les migrants, quelle que soit leur nationalité, afin qu’ils aient accès au marché de l’emploi. Nous espérons que la Région bruxelloise lui emboîtera le pas et se montrera ambitieuse en matière d’insertion économique de ces populations migrantes. On ne peut plus regarder et laisser faire ! Des personnes sans titre de séjour sont actuellement employées sur le marché noir alors que certaines d’entre elles pourraient bénéficier, au même titre que les réfugiés ukrainiens, d’un permis unique, au moins pour les métiers en pénurie. Elles contribueraient ainsi sans conteste au développement de l’économie belge et bruxelloise.
Rappelons que la Belgique est visée par la directive européenne du 13 décembre 2011, dite « directive permis unique », qui enjoint aux États membres d’établir une procédure unique et la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à la fois à résider et à travailler sur leur territoire.
Dans sa déclaration de politique régionale, le gouvernement s’est donné la mission d’évaluer la procédure d’octroi et de renouvellement des permis de travail afin, d’une part, d’améliorer l’intégration des ressortissants étrangers en Région bruxelloise et, d’autre part, d’apporter des solutions à une pénurie d’emploi croissante et aux difficultés des entreprises bruxelloises à pourvoir certaines fonctions.
Où en est le processus d’évaluation de la procédure d’octroi et de renouvellement des permis de travail ? Sur quels indicateurs porte-t-elle ? Quelles sont les questions spécifiques auxquelles cette évaluation doit répondre ? Quels acteurs sont consultés dans le cadre de cette évaluation ? Les conclusions de cette évaluation pourront-elles déboucher sur la modification de la procédure actuelle ? Quelle est la marge de manœuvre de la Région pour amender la législation actuelle en matière d’octroi des permis uniques ? Des consultations et des mécanismes de coordination existent entre la Région, le niveau fédéral et l’Office des étrangers quant à la mise en œuvre et à l’amendement des procédures et des conditions d’obtention du permis unique. Comment fonctionnent-ils ? Pouvez-vous déjà nous fournir les chiffres, pour l’année 2021, concernant les demandes de permis de travail déposées auprès de Bruxelles Économie et emploi, leur issue et leur justification ? Avez-vous, comme la ministre Morreale, sollicité l’inscription du dossier du permis unique à l’ordre du jour de prochaine la conférence interministérielle sur la migration et l’intégration ? Dans l’affirmative, qu’allez-vous y plaider ou, si elle a déjà eu lieu, qu’y avez-vous plaidé ?
Quelles sont les mesures mises en place pour faciliter l’inscription des migrants – notamment ukrainiens – chez Actiris ?
Comment Actiris est-il mobilisé pour accompagner les migrants en demande d’emploi et de formation ? Des effectifs supplémentaires sont-ils déployés pour répondre à l’afflux des réfugiés ukrainiens ?
Des formations en langue étrangère ou en lien avec la liste des métiers en pénurie sont-elles envisagées ? Enfin, des séances d’information collectives sur le marché du travail ainsi que sur l’offre de services d’Actiris sont- elles organisées au départ des communes bruxelloises ? Dans l’affirmative, comment se déroulent-elles ?
Le Ministre m’a répondu ;
Vous évoquez plusieurs sujets. Permettez-moi d’abord de distinguer quatre situations différentes :
– les Ukrainiens qui arrivent chez nous ne sont ni des migrants ni des demandeurs d’asile. Ils bénéficient de la protection temporaire, qui constitue un statut distinct. Ils n’ont pas à introduire une demande particulière car la procédure est automatique ;
– les demandeurs d’asile doivent, quant à eux, suivre une procédure particulière. Dès qu’ils sont reconnus, ils obtiennent automatiquement le droit de travailler ;
– les travailleurs étrangers qui introduisent, depuis l’étranger, une demande pour travailler sur le territoire bruxellois, font l’objet de la procédure de permis unique; un autre débat concerne enfin les personnes résidant sur le territoire, qui travaillent peut-être, mais qui n’ont pas de résidence légale sur le territoire.
Quant aux procédures d’octroi, de renouvellement et de l’évaluation du processus actuel, chaque Région est compétente pour octroyer des autorisations de travail aux travailleurs étrangers depuis le 1er juillet 2014, à la suite de la sixième réforme de l’État. Au cours des premières années, les Régions et le gouvernement fédéral ont travaillé de manière intensive sur la refonte des procédures et la transposition de la directive européenne 2011/98 relative au permis unique. Cela a finalement abouti à un nouveau cadre juridique créé par l’accord de coopération du 2 février 2018 conclu entre les trois Régions et l’État fédéral. Il porte sur la coordination des politiques d’octroi des autorisations de travail et du permis de séjour, ainsi que les normes relatives à l’emploi et au séjour des travailleurs étrangers. Cette nouvelle procédure est en vigueur depuis le 24 décembre 2018 et, après trois ans et demi, elle s’est révélée très robuste et efficace. Les demandes sont traitées sans problème, de manière souple et en bonne coordination entre les différentes instances fédérales et régionales, et les services sont plutôt satisfaits de la procédure. Afin d’éliminer une série de problèmes de fond et de mieux adapter l’ancienne législation fédérale à la situation spécifique de la Région bruxelloise, l’arrêté royal du 9 juin 1999 portant exécution de la loi du 30 avril 1999 relative à l’occupation de travailleurs étrangers a été adapté par les arrêtés du gouvernement bruxellois du 16 mai 2019 et du 25 juin 2020. Il s’agissait de quelques changements très importants. Ainsi, pour de nombreuses catégories, les autorisations de travail ont été allongées et sont désormais possibles pour une durée maximale de trois ans. La possibilité d’autorisations de travail pour une durée illimitée a été considérablement élargie, et la limitation d’autorisations de travail pour le personnel hautement qualifié à deux périodes de quatre ans a été supprimée. En outre, la restriction selon laquelle seuls les ressortissants des pays avec lesquels la Belgique a conclu un accord dans le domaine de l’emploi pouvaient être admis au travail, hors catégories, a été supprimée. Enfin, des règles ont été fixées pour pouvoir délivrer des autorisations de travail en application des directives européennes 2014/36, 2014/66 et 2016/801. Elles visent notamment les travailleurs saisonniers, les personnes transférées au sein d’une même entreprise située sur plusieurs territoires régionaux ou nationaux, les chercheurs, les stagiaires et les bénévoles dans le cadre du service volontaire européen. Il s’agit donc d’un processus d’assouplissement et d’élargissement de l’octroi des autorisations par le biais du permis de travail unique.
Toutes ces dispositions nous permettent de déjà disposer d’un système performant. Celui-ci permet d’une part aux employeurs de recruter facilement un travailleur étranger lorsque le marché du travail bruxellois est en pénurie, tout en prévoyant d’autre part les mécanismes de contrôle nécessaires pour lutter contre le dumping social et la fraude.
Rappelons que la loi de 1999 relative au permis de travail prévoit deux éléments de procédure fondamentaux pour l’obtenir. La demande doit être introduite par une entreprise souhaitant proposer un contrat de travail conforme aux normes conventionnelles du secteur à un travailleur étranger – comprenez extra-européen – qui dispose de compétences en pénurie sur le marché du travail bruxellois. Par conséquent, toute demande concernant une personne disposant de compétences présentes parmi les chercheurs d’emploi d’Actiris, ou qui n’est pas introduite par une entreprise pour un contrat dont les conditions respectent les normes du secteur, sera refusée.
Si ces procédures nous paraissent robustes, le travail ne s’arrête pas là pour autant. Ainsi, j’ai chargé Bruxelles Économie et emploi de préparer une note de principe reprenant certaines système existant, pour simplifier la procédure administrative dans le cadre de l’accord de coopération avec le gouvernement fédéral et pour adapter davantage la réglementation à la situation spécifique de la Région bruxelloise.
Vous m’interrogez sur la marge de manœuvre dont dispose la Région pour amender la législation actuelle dans le cadre des permis uniques et pour l’ouvrir éventuellement à des personnes ne disposant pas d’un titre de séjour légal. Le gouvernement fédéral a le pouvoir de régulariser les personnes en situation de séjour illégal, en vertu de la loi du 15 décembre 1980. C’est la compétence pleine et entière du gouvernement fédéral. Si l’octroi d’une autorisation de travail pour l’emploi d’un travailleur étranger est bien une compétence régionale, ce permis de travail doit également être suivi d’un permis de séjour fédéral. Ces deux décisions forment, ensemble, la procédure du permis unique.
Dans la pratique, cependant, on constate que le gouvernement fédéral a rendu plus strictes, en 2020, les conditions de séjour requises pour introduire une demande de permis unique depuis la Belgique. Ces conditions sont déterminées à l’article 61/25-1 et suivants de la loi fédérale sur le séjour. Cet article est entré en vigueur dans une version modifiée le 1er septembre 2020. Selon les dispositions de la loi fédérale, seules les premières demandes de travailleurs salariés qui, soit résident en Belgique sous le régime du court séjour (déclaration d’arrivée de court séjour), soit résident déjà en Belgique en tant qu’étudiants
ou chercheurs, sont recevables. Toutes les autres premières demandes en tant que travailleur salarié doivent être introduites lorsque le salarié est à l’étranger. Autrement dit, la régularisation par le travail n’est actuellement pas une option que la Région peut légalement mettre en œuvre. Seul un nouvel amendement de la loi par le Parlement fédéral peut créer de nouvelles ouvertures. J’ai cependant décidé de commander une étude complémentaire sur l’étendue des compétences régionales en matière de migration économique. Cette étude doit apporter une réponse aux questions suivantes.
Premièrement, compte tenu des normes légales applicables, et d’un point de vue prospectif, quelle est l’autonomie maximale dont dispose l’autorité régionale pour réglementer l’octroi d’une autorisation de travail à un étranger en séjour irrégulier sur le territoire belge ? Deuxièmement, que doit faire l’État fédéral, le cas échéant, d’une autorisation de travail accordée à une personne en séjour irrégulier sur le territoire belge ?
Cette étude vient d’être attribuée à un consortium de juristes mené par une professeure de droit des étrangers de l’UCLouvain. Compte tenu du résultat de cette étude complémentaire, nous pourrons examiner si la Région peut prendre elle-même des mesures supplémentaires.
Vous m’interrogez sur les chiffres relatifs à l’octroi des permis de travail. J’ai ici une très longue liste de chiffres, qu’il serait plus simple, à mon avis, de vous communiquer par écrit, en réponse à une question écrite. Pour 2021 – année complète -, nous avons reçu 6.556 demandes de permis unique, qui ont débouché sur 6.156 décisions – le restant des dossiers étant en traitement entre deux années – et sur l’octroi de 5.373 permis uniques. Je dispose ici de tous les tableaux reprenant les octrois par type de permis ou par niveau d’emploi. Les refus n’ont concerné que 323 décisions sur les 6.500 demandes reçues, soit un chiffre extrêmement bas. Les nationalités pour lesquelles le nombre de refus est le plus élevé sont les nationalités marocaine, tunisienne, philippine, pakistanaise, indienne, camerounaise et albanaise. Pour toutes les autres nationalités, le nombre de cas est inférieur à dix. Par ailleurs, les 323 refus ont donné lieu à 152 recours, dont le traitement est effectué par l’administration. À la suite des 152 recours, j’ai octroyé un permis unique dans 90 cas – soit environ 60 % -. Lors du réexamen des dossiers, des éléments complémentaires sont apportés, qui permettent de lever des obstacles ayant justifié un refus par l’administration. Voilà pourquoi, dans 60 % des cas, ces nouveaux éléments nous permettent d’octroyer un permis de travail.
Je dispose également d’informations par type de métier. Quelque 80 % des autorisations de travail sont accordées à du personnel hautement qualifié, qui dispose de compétences absentes du
marché de l’emploi bruxellois, notamment dans les métiers en pénurie et en particulier ceux de l’informatique. Pour les métiers informatiques, la moitié du personnel hautement qualifié bénéficiaire d’un permis sont des ressortissants indiens. Ces personnes travaillent principalement dans le secteur des services.
En ce qui concerne la déclaration de la ministre Christie Morreale et les travaux de la conférence interministérielle (CIM) sur la migration et l’intégration, j’ai soutenu avec d’autres cabinets, dont ceux des ministres Morreale et Dermagne, la demande d’ouvrir la réflexion sur l’octroi d’autorisations de travail dans les métiers en pénurie aux personnes sans titre de séjour, et ce, dans le cadre d’une politique d’activation. Cependant, il a été clairement suggéré de ne pas inscrire cette question à l’ordre du jour des travaux afin de ne pas bloquer le fonctionnement de la CIM dès le départ, vu les positions des autres partenaires à la réunion.
Je vous lis un extrait du procès-verbal de la réunion en question : « Au sujet de l’activation, plusieurs membres demandent que l’accès au permis unique à partir du séjour irrégulier soit discuté.
Plusieurs membres s’y opposent également. Il est indiqué que les positions en la matière sont connues, et qu’un consensus rapide n’est pas en vue. Il est donc suggéré qu’il n’est pas opportun de mettre cette question à l’ordre du jour afin de ne pas bloquer le fonctionnement de la CIM dès le départ. Il est préférable d’opter pour des thèmes dans lesquels des progrès sont possibles. Néanmoins, chaque membre est libre d’ajouter des points à l’ordre du jour. » Soyons clairs : le gouvernement fédéral n’a pas souhaité que l’on en discute. J »en viens à présent aux mesures mises en place pour faciliter l’accueil des personnes d’origine ukrainienne, dans le cadre de l’octroi d’une protection temporaire. Pour les personnes hors Union Européenne et possédant un numéro d’identification de la sécurité sociale, il est possible depuis janvier de cette année de s’inscrire directement depuis la plateforme My Actiris. Les réfugiés ukrainiens peuvent ainsi bénéficier d’une aide textuelle qui leur explique comment encoder leur demande de permis unique. Ils ont également la possibilité de s’identifier comme ne parlant ni le français et ni le néerlandais et d’avoir recours à un interprète. Actiris propose en effet des services d’interprétariat en 22 langues, en vue d’accompagner les chercheurs d’emploi qui s’adressent à ses services et de faciliter leur intégration. En outre, pour les bénéficiaires de la protection temporaire en provenance d’Ukraine – un régime mis en place récemment -, il a été octroyé une autorisation d’inscrire ces personnes hors Union européenne, même si elles ne disposent pas d’un numéro d’identification de la sécurité sociale. Nous avons publié une banderole spéciale sur la page d’accueil de My Actiris, qui renvoie vers des informations utiles. De même, nous avons créé une page web comportant toutes les informations utiles pour les bénéficiaires de la protection temporaire et mis en place un fanion « identification » afin d’assurer l’accompagnement des bénéficiaires nouvellement inscrits. Actiris a introduit auprès de la Commission permanente de contrôle linguistique une demande de dérogation sur l’usage des langues, afin de permettre une communication dans des langues autres que le français et le néerlandais. Actiris s’est ainsi vu autorisé à utiliser l’anglais comme langue de travail avec ces personnes-là.
Depuis le 19 avril, une permanence centralisée à la tour Astro est opérationnelle et permet d’inscrire, d’informer et d’orienter les bénéficiaires de la protection temporaire. Ces personnes ont la possibilité de suivre une séance d’information spécifique qui leur propose des solutions telles que l’orientation vers une formation en langues. Depuis 2018, date d’entrée en service des bureaux d’accueil des primo-arrivants du côté francophone, Actiris a mis au point une stratégie visant l’intégration des primo-arrivants sur le marché de l’emploi. Un réseau de partenaires en contact avec les chercheurs d’emploi primo-arrivants a été développé, de même qu’une expertise dans la transmission d’informations directement aux bénéficiaires et le développement d’une équipe de conseillers spécialisés dans l’accompagnement de ce public. L’organisation activera toutes les mesures prévues à cet effet en mobilisant des ressources très larges et en adaptant son fonctionnement à l’ampleur des besoins.
En ce qui concerne l’arrivée des réfugiés ukrainiens, dès réception de l’annexe 15 délivrée par la commune, les bénéficiaires d’une protection temporaire en provenance d’Ukraine peuvent s’inscrire auprès d’Actiris. Rappelons cependant qu’il n’y a aucune obligation d’inscription, c’est une liberté qui leur est offerte. Dans les premières semaines de leur arrivée en Belgique, ces personnes ont naturellement d’autres
urgences à régler qu’une inscription sur le marché de l’emploi. Il y a le stress, l’installation, la recherche d’un logement, les enfants à scolariser, les nouvelles du pays, etc.
Aujourd’hui, Actiris n’est pas encore confronté à un afflux de réfugiés, même si quelques-uns sont déjà venus s’y présenter. Il leur est possible de s’inscrire dans toutes les antennes d’Actiris et, depuis le 19 avril, un point d’appui supplémentaire pour les inscriptions est organisé dans un espace aménagé au rez-de- chaussée de la tour Astro.
Un appel à volontaires a été lancé auprès des collaborateurs, en particulier auprès des agents d’inscription et des conseillers emploi ayant une bonne connaissance de l’anglais et éventuellement d’autres langues pertinentes, comme le russe et l’ukrainien, en vue des inscriptions et des premières orientations. L’équipe du service guidance recherche active d’emploi pour primo-arrivants et les conseillers du service antidiscrimination sont également mobilisés afin de soutenir les volontaires et d’approfondir les premières orientations.Les réfugiés ukrainiens ne seront pas spécialement dirigés vers un accompagnement classique. Nous les orienterons dans un premier temps vers des formations linguistiques. Actiris réfléchit également à l’opportunité de mettre en place, dans le cadre de la nouvelle loi fédérale, ce que nous appelons des « actions positives », dont l’objectif est d’accompagner tout particulièrement les chercheurs d’emploi ukrainiens qui se seraient inscrits chez Actiris. La direction employeurs et le service diversité sont également mobilisés dans leurs contacts avec les employeurs, afin de voir s’il est possible d’offrir des fonctions ou postes particuliers à ce public.
Vous me demandez s’il existe des modules de formations en langues. Effectivement, dans le cadre des chèques langue d’Actiris et du partenariat avec les écoles de promotion sociale, une offre de cours « français langue étrangère » (FLE) scolarisé – pour les personnes scolarisées dans leur langue d’origine ou qui possèdent les compétences équivalentes au certificat d’études de base – a été mise en place en octobre 2020. Quelque 63 chercheurs d’emploi ont pu en bénéficier en 2020, 219 en 2021, et 77 pour les deux premiers mois de l’année 2022. Ces cours de FLE rencontrent un franc succès. Dans le cadre de la crise ukrainienne, Actiris est en contact avec la coordination des écoles de promotion sociale bruxelloises, afin d’accroître l’offre actuellement disponible. Ainsi, à Auderghem, un cursus spécialisé a été élaboré. En outre, la plateforme d’apprentissage des langues Brulingua.be permet aux personnes intéressées de se tester et de suivre une formation dans 24 langues, au départ de 32 langues d’interface, dont le russe. Nous avons demandé que l’ukrainien soit ajouté aux langues gérées par la plateforme, j’espère que cela sera fait le plus rapidement possible. Par ailleurs, nous avons assoupli les modalités d’inscription pour les Ukrainiens.
Des séances d’information en anglais et en ukrainien à l’attention des chercheurs d’emploi inscrits auprès d’Actiris sont organisées à la tour Astro, selon les besoins et l’affluence des personnes désireuses de s’inscrire. Des séances d’information seront organisées à l’intention des partenaires locaux tels que les CPAS, les missions locales, les communes, les agences locales pour l’emploi ou encore les ateliers de recherche active d’emploi. Le service animation organise des séances d’information collectives, qui peuvent se dérouler tant à distance qu’en présentiel, sur l’accompagnement global pour le public cible d’Actiris. Ces séances d’information peuvent également être thématiques. Pour ce qui est des chiffres relatifs aux Ukrainiens, je n’y ai pas répondu mais nous en avons discuté hier dans une autre commission. Le nombre d’arrivées dépend fortement des situations de guerre et les premières hypothèses tablant sur une invasion totale de l’Ukraine ont entraîné un gigantesque afflux d’Ukrainiens. À présent que l’invasion russe semble se limiter à
une petite partie de l’est du territoire, le flux d’Ukrainiens sera peut-être moindre et certains rentreront peut-être au pays. Nous suivons la situation et nous tenons prêts.
Enfin, pour répondre à M. Dagrin à propos de la directive sanctions, celle-ci impose de prévoir un mécanisme de sanction des employeurs qui abusent de l’emploi de personnes migrantes, qui sont des personnes par définition fragiles et dans l’incapacité de faire valoir leurs droits de manière pleine et totale.
La direction de l’inspection régionale de l’emploi est bien compétente pour dresser des procès-verbaux d’infraction aux normes bruxelloises de l’emploi, comme l’emploi d’un travailleur étranger sans permis de travail. En revanche, s’il s’agit d’infractions à d’autres normes fédérales, comme l’absence de contrat de travail, le non-respect des rémunérations prévues dans les conventions collectives ou des problèmes de bien-être et de sécurité au travail, cela relève des compétences des inspecteurs fédéraux de l’emploi.
Heureusement, nos services d’inspection collaborent efficacement et opèrent souvent des contrôles ensemble. Cependant, seule la première matière peut figurer dans le procès-verbal de l’inspecteur régional et la seconde matière doit apparaître dans le procès-verbal de l’inspecteur fédéral, sous peine de rendre impossible tout suivi administratif ou pénal. La procédure d’obtention du permis unique étant lourde et contraignante, nous avons tout fait pour la simplifier. Je précise que ce sont les entreprises qui introduisent la demande de permis unique, et non les travailleurs. Elles sont rodées au mécanisme et la procédure a été sensiblement simplifiée. La dernière question à laquelle je n’ai pas encore répondu est celle qui concerne l’accès aux formations. J’y ai néanmoins déjà répondu par le passé. Les comités de gestion de Bruxelles Formation et d’Actiris ont chargé la direction générale de vérifier s’il existait une solution devant permettre d’inscrire aux formations des personnes sans papiers. Nous n’avons pas encore reçu de proposition de ces deux organismes et il semble n’exister aujourd’hui aucune solution à cet égard, au regard des dispositions légales d’application. Les personnes qui entrent en formation doivent être assurées et identifiées, et il n’existe pas de solution pour les personnes qui se trouvent en situation de séjour irrégulier.
Retrouvez tous les échanges ci-dessous :
http://weblex.brussels/data/crb/biq/2021-22/00108/images.pdf#page=6