J’interrogeais, ce mercredi 8 mars 2023, le Ministre de l’Emploi, Bernard Clerfayt, concernant les Agences locales pour l’Emploi (ALE) et les inquiétudes quant à leur avenir.
En effet, ces agences, qui mettent tout en oeuvre pour rapprocher les travailleurs de l’emploi, sont menacées et leur rôle majeur tend à être diminué.

  

Mme Farida Tahar (Ecolo).- Cette question fait suite aux interpellations de différentes agences locales pour l’emploi (ALE) qui s’inquiètent de leur avenir. Pour rappel, les ALE ont pour but de mettre en relation des travailleurs et des utilisateurs dans le cadre d’activités bien déterminées. Les agences offrent un service local, qui n’est pas disponible sur le marché ordinaire du travail. Elles permettent aux personnes éloignées de l’emploi, et tout particulièrement aux chômeurs de longue durée, de retrouver le chemin de l’emploi. En soi, il s’agit d’une mission noble : les ALE offrent, à l’échelle d’un quartier, un emploi qui complète les allocations perçues. Chaque heure prestée est alors rémunérée, via un système de chèques ALE.
Si la solution semble temporaire, elle ne permet qu’un faible complément de revenus (maximum 184,10 euros pour 45 h de travail qui s’ajoutent aux allocations perçues). Le secteur relève de nombreux points positifs lors de ses missions, dont de véritables occasions de mise à l’emploi et des nouvelles possibilités d’insertion sur le marché du travail.
L’ALE s’impose aussi comme un véritable accompagnateur vers l’emploi, mais aussi vers la constitution d’un projet personnel durable et de qualité. Si les réussites observées sont notamment dues au financement et au soutien d’Actiris, les ALE participent grandement au développement de projets novateurs et efficaces. En collaborant avec la commune, l’ALE et le CPAS bénéficient d’une reconnaissance en matière d’insertion socioprofessionnelle.

Cependant, et j’en viens à l’objet de ma question, le secteur s’inquiète d’une tendance à restreindre progressivement le rôle des ALE à la seule fonction d’activateur des prestataires. Des projets ALE ne pourraient alors plus exister et disparaîtraient des missions locales. Le secteur s’interroge donc légitimement sur l’avenir des ALE ainsi que des maisons de l’emploi.

Quel accompagnement spécifique est prévu pour les ALE, véritables acteurs de l’économie sociale, pour le maintien et le développement de projets futurs ?
Une éventuelle modification et réduction du rôle des ALE à la fonction d’activateur est-elle d’actualité ? Une réduction du rôle des ALE en ce qui concerne l’initiative et l’accompagnement de projets est-elle observée ? Si oui, quelles raisons motivent cette réduction ? Pourquoi, selon le secteur, Actiris souhaiterait-il se passer de ces projets novateurs portés par les ALE ? Dans la négative, comment pouvons-nous clarifier le rôle et la collaboration des ALE avec Actiris ? Quelles missions sont confiées à l’un ou à l’autre ?
Les ALE sont-elles toujours considérées comme des acteurs majeurs d’une mise à l’emploi territorialisée, efficace et durable ? Dans l’affirmative, comment entendez-vous les soutenir durablement ?

La réponse du Ministre :

M. Bernard Clerfayt, ministre : L’accompagnement vers l’emploi des chercheurs d’emploi de plus longue durée reste une priorité des services publics de l’emploi et de la formation professionnelle. Les agences locales pour l’emploi (ALE) sont un des vecteurs d’insertion socioprofessionnelle pour ces publics. Elles ont donc toute leur place.
Le dispositif des ALE vise à engager des personnes éloignées du marché du travail pour exercer des activités ponctuelles au service de particuliers ou d’organisations. Dans ce cadre, les travailleurs réalisent des tâches absentes des circuits de travail réguliers, qui n’entrent donc pas en concurrence avec ceux-ci.
L’objectif de ce dispositif est double : il vise, d’une part, à répondre à la demande d’emploi de la part des chômeurs de longue durée, des bénéficiaires du revenu d’intégration sociale et de certains bénéficiaires de l’aide sociale financière, qui trouvent plus difficilement une place sur le marché du travail, et, d’autre part, à participer activement et positivement aux besoins du tissu associatif local, des pouvoirs locaux ou encore des écoles libres et communales.
Ce dispositif constitue par conséquent un enjeu important. En effet, pas moins de 733.753 heures de travail ont été effectuées dans ce cadre, dans l’ensemble de la Région, pour l’année 2022. Il s’agit progressivement d’un retour à la normale, après une baisse d’activité liée à la crise sanitaire. Cela représente plus de 4,5 millions d’euros de chèques ALE achetés et utilisés par l’ensemble des usagers de ce dispositif.
Même si la gestion du dispositif a été régionalisée, Actiris applique une réglementation et un cadre légal fédéraux. Le dispositif permet en effet aux chômeurs complets indemnisés ou aux bénéficiaires d’aide sociale, deux mécanismes d’intervention fédérale, de compléter leurs allocations par un travail limité par le cadre légal fédéral. Dans ce contexte et afin de répondre aux enjeux futurs, mon homologue wallonne et moi-même avons pris l’initiative conjointe de formuler différentes demandes au ministre fédéral de l’Emploi pour adapter le dispositif.

Cette initiative vise l’adaptation de plusieurs points de la réglementation fédérale, notamment :
– permettre à tous les travailleurs ALE de prester jusqu’à 70 heures par mois, soit un revenu supplémentaire de 287 euros net d’impôt en plus de leurs allocations de chômage ou du CPAS ;
– uniformiser la valeur faciale du chèque ALE afin d’améliorer la lisibilité du dispositif en Région bruxelloise. Actuellement, chaque ALE détermine librement le montant du chèque et une association peut s’adresser à des ALE de communes différentes pour ses activités ;
– simplifier le paiement des frais d’inscription pour les nouveaux clients.

Dans le cadre de ses missions, l’ALE a une obligation de financer des projets de formation au profit de ses travailleurs, en reversant à cette fin 25 % des revenus sur les quotes-parts perçues des chèques ALE. Chaque ALE, dans chacune des communes, est totalement autonome pour lancer des initiatives innovantes dans ce cadre précis. Actiris vérifie si ces montants ont bien été utilisés et si les formations sont conformes aux dispositions légales en la matière. Telle est notre compétence.
Vous faites référence à la mise en pause par Actiris des procédures de lancement de nouveaux projets locaux en 2023. Cette décision de suspension temporaire est liée au travail entrepris par Actiris pour l’établissement de conventions avec les ALE pour clarifier l’organisation du dispositif, notamment pour encadrer les rôles et responsabilités de toutes les parties prenantes, en concertation avec la plateforme régionale ALE. Inutile de rappeler les difficultés qu’a connues l’une ou l’autre ALE sur le territoire de la Région bruxelloise. Il n’est donc pas superflu de reclarifier les règles, les missions, les financements et l’affectation des fonds.
Pendant la suspension des projets locaux, le personnel des ALE se consacrera à ses missions premières pour accompagner toujours plus de chercheurs d’emploi dans un parcours d’insertion socioprofessionnelle.
Les ALE sont bien des acteurs majeurs de l’aide aux Bruxellois les plus éloignés du marché de l’emploi. Mon cabinet et Actiris travaillent d’ailleurs non seulement au renforcement et à l’encadrement des collaborations, mais également à la continuité du dispositif, en chargeant une société de l’émission des chèques ALE.

Nous attendons toujours une rencontre avec le ministre fédéral de l’Emploi pour réfléchir avec lui aux demandes formulées par les Régions wallonne et bruxelloise, afin de donner plus d’ampleur encore au dispositif.

Ma réplique : 

Dans la première partie de votre réponse, vous avez rappelé – comme je l’ai fait moi-même – les missions des agences locales pour l’emploi (ALE). Ce rappel est pertinent, puisque les députés ne maîtrisent pas tous les sujets, et c’est bien normal.
Dans la seconde partie de votre réponse, j’entends que la procédure de suspension est temporaire et d’application depuis quelques semaines seulement. Pourtant, cela fait déjà plusieurs mois qu’elle est en cours. Elle remonte en réalité à la reprise des activités après le confinement. Cela fait donc un bon moment que tous les projets novateurs sont suspendus.
L’inquiétude est légitime, car autant la collaboration est saine entre Actiris et les pouvoirs publics, autant des points d’interrogation demeurent. Il est dès lors important de rassurer la plateforme des ALE qui, comme vous le dites très bien, continue de jouer un rôle essentiel et doit être rassurée par rapport à ses attentes. Ses projets novateurs ne sont pas inintéressants, ils ont le mérite d’exister et doivent aussi pouvoir se déployer. L’un n’empêche pas l’autre : la première mission des ALE est toujours d’actualité, mais il est nécessaire de rassurer les ALE.
Dans votre réponse, j’entends bien qu’une uniformisation des procédures s’impose pour mieux encadrer le rôle des ALE. Toutefois, s’il est important de clarifier les règles, il convient de le faire avec les acteurs directement concernés. Ainsi, j’ose espérer que c’est avec ces derniers que cette éventuelle restructuration sera pensée, point sur lequel vous n’avez pas répondu.

 

Je reviendrai ultérieurement vers le Ministre sur cette question.