Sur ce site, je mentionnais à plusieurs reprises le dispositif « Territoire zéro chômeurs de longue durée »,
Régulièrement, j’interroge le Ministre Bernard Clerfayt pour connaître l’état d’avancement de ce dispositif particulièrement prometteur.
Retrouvez ici ma dernière interpellation au Ministre à ce sujet, ce mercredi 8 mars 2023 :
Mme Farida Tahar (Ecolo) : Il me paraît important de faire le point sur le dispositif des territoires zéro chômeur de longue durée inscrit dans la déclaration de politique régionale. Je préfère l’appeler : territoires zéro « chômage » de longue durée.
Cette mesure lancée en France en 2017 consiste à offrir des emplois adaptés aux personnes en situation de chômage de longue durée, en collaboration avec les acteurs locaux. Dans les faits, il s’agit de mettre en relation des personnes durablement privées d’emploi avec des employeurs développant des activités utiles, durables et qui correspondent aux réalités du territoire. Il contribue par conséquent à une véritable réinsertion des chercheurs d’emploi de longue durée.
En France, ce dispositif semble déjà faire ses preuves avec des débuts considérés comme très encourageants. En Wallonie, un projet pilote a été lancé. À Bruxelles, en revanche, le dossier ne semble pas avancer et les documents budgétaires pour l’année 2023, examinés récemment en commission de l’Emploi, ne faisaient état d’aucun crédit d’engagement.
Or, rappelons-le, le dispositif est prévu dans la déclaration de politique régionale dans laquelle le gouvernement s’engage à mettre en œuvre, « dans les quartiers statistiquement les plus pertinents, un projet pilote inspiré du modèle des territoires « Zéro chômeur de longue durée » et adapté à la réalité urbaine bruxelloise ».Lors de ma dernière interrogation à ce sujet, vous nous avez expliqué, comme vous l’aviez déjà fait précédemment, qu’un cofinancement fédéral « de juste dimension » était nécessaire. Vous avez alors précisé être en contact avec l’autorité fédérale et continuer à négocier avec elle.
Effectivement, un cofinancement fédéral ainsi qu’une juste rétribution sont nécessaires, il nous faut dès lors travailler de concert avec l’entité fédérale qui bénéficiera des retombées budgétaires positives d’un tel projet. Ce dispositif, vous en êtes aussi convaincu, je l’imagine, est une belle occasion de dynamiser l’emploi et l’économie locale. N’oublions pas que plus une personne reste longtemps au chômage, moins elle a de chances de retrouver un emploi !Vos échanges avec le gouvernement fédéral ont-ils porté leurs fruits ? Une entente a-t-elle pu être trouvée ? Dans l’affirmative, que ressort-il de ces discussions ? Sinon, quels sont les éléments qui entravent vos négociations ?
Actiris a-t-il pu être intégré dans ces discussions ? Qu’en est-il de l’étude de faisabilité financière commandée par cet organisme auprès de l’ULB ?
Quels sont les contacts avec votre homologue wallonne en matière d’expérimentation des territoires zéro chômeur de longue durée ? Avez-vous harmonisé les concertations avec cette entité fédérée ? Ceci apporterait probablement plus de poids pour demander à l’État fédéral d’envisager plus sérieusement un financement juste de ce dispositif.
Enfin, lors d’une interpellation parlementaire, vous avez répondu espérer que l’expérimentation soit lancée d’ici à la fin de la législature. Cet espoir est-il toujours d’actualité ? Si oui, il est grand temps de le mettre en pratique.
La réponse du Ministre :
Je vous remercie de revenir régulièrement sur les territoires zéro chômeur de longue durée , sujet effectivement inscrit dans la déclaration de politique régionale, qui prévoit le lancement d’une expérimentation en la matière.
Lors du dernier conclave budgétaire, le gouvernement fédéral a pris des décisions pour participer à ce projet ou le mettre en œuvre. Le ministre fédéral de l’Économie et du Travail, M. Dermagne, a obtenu un budget pour soutenir les Régions dans la mise en place de territoires zéro chômeur de longue durée , puisque la Région wallonne et la Région bruxelloise s’y intéressent activement. Le montant de ce budget s’élevant à 2 millions d’euros pour toute la Belgique, nous sommes loin de sa réalisation.
En Région bruxelloise, nous avons activement étudié la mise en œuvre de ce projet. Actiris a financé des études très complètes à ce sujet et a mené un travail réflexif important pour appréhender l’importation du modèle français en Région bruxelloise ; il a commandé différentes études qui ont toutes abouti en 2020-2021 et que nous avons lues avec intérêt. Il s’agit d’une étude menée par les économistes de Solvay/ULB, d’une analyse de faisabilité juridique du Centre de droit public de l’ULB – toutes deux accessibles en ligne -, d’une analyse coût-bénéfice des économistes du travail de la Katholieke Universiteit Leuven et, enfin, d’une analyse prospective des activités économiques que les entreprises à but d’emploi bruxelloises pourraient réaliser, effectuée par un consortium d’acteurs sociaux coordonné par la Concertation des organisations représentatives de l’économie sociale.
Toutes nos études ont été rendues publiques et ont été transmises aux différentes parties intéressées par le sujet, dont mon homologue wallonne, Mme Morreale, qui les a sans doute exploitées pour mettre en œuvre son projet, et le ministre fédéral de l’Emploi Pierre-Yves Dermagne.
Je vous ai déjà fait part des concertations régulières qui se sont tenues sur ce projet aussi bien avec la ministre Morreale que le ministre Dermagne.
La Région wallonne, quant à elle, a lancé une initiative propre financée par le Fonds social européen plus en s’appuyant sur les dispositifs existants d’insertion ; elle n’a donc pas créé quelque chose de nouveau. En Région bruxelloise, cela correspond aux dispositifs d’économie sociale qui relèvent des moyens budgétaires importants que nous accordons annuellement à ce type d’opérateurs.
Les spécificités wallonnes et bruxelloises sont trop disparates pour mettre en œuvre des dispositifs en tous points similaires. Mais les deux Régions conservent la philosophie initiale et les critères intrinsèques de l’expérimentation française : personne n’est inemployable, et des activités utiles socialement existent. Comment rendre possible la mise à l’emploi d’un plus grand nombre de chercheurs d’emploi, notamment de longue durée, à partir de ce constat ?
Je vous ai indiqué que j’espérais mettre en œuvre des projets dans le cours de cette législature, indépendamment de l’attente de moyens libérés par le niveau fédéral. Conformément aux priorités fixées par le gouvernement, nous avons lancé un appel à candidatures ce 6 mars aux communes concernées par la quatorzième série de contrats de quartier durable. En collaboration avec le ministre-président qui mène ce projet, nous avons inscrit dans ces contrats de quartier des projets de type territoire zéro chômeur de longue durée. Nous avons invité les communes, dans le cadre du déploiement de leur contrat de quartier, à permettre de tels mécanismes.
La portée est moindre que celle des projets français qui visent 100 équivalents temps plein et coûtent environ 5 millions d’euros par an et par projet, pendant cinq ans, avec l’espoir que les emplois soient progressivement financés par des recettes propres. Ces montants sont importants et représentent tous les moyens des contrats de quartier. Seule une participation du niveau fédéral nous permettrait de trouver des moyens budgétaires équivalents aux allocations de chômage épargnées par la mise à l’emploi des chômeurs de longue durée.Dans le cas des contrats de quartier, les dossiers seront introduits au 31 mai. Nous verrons alors l’écho obtenu auprès des communes et de leurs partenaires de développement local.
Il est vrai que, pendant trop longtemps, Actiris ne s’est pas assez occupé des chercheurs d’emploi de longue durée et s’est concentré sur les nouveaux inscrits, les jeunes. Aujourd’hui, nous avons bel et bien la volonté de nous occuper aussi de ce public, au moyen de divers mécanismes, notamment le futur bilan de compétences qui permettra de les réorienter vers des trajets personnels de formation et de retour à l’emploi, et à travers la mise en œuvre de territoires zéro chômeur, même à titre expérimental, avant d’examiner s’ils peuvent être déployés plus largement en Région bruxelloise.
Et ma réplique :
Je note que le lancement d’un appel à projets avec une échéance au 31 mai a été envoyé aux communes. J’ose espérer que ces dernières ont été bien informées de l’objectif, même s’il est bien en deçà du territoire zéro chômeur de longue durée dans le cadre des contrats de quartier. Je connais les contraintes, que vous avez d’ailleurs mentionnées ; elles ne dépendent pas que de la Région, puisqu’il faut un cofinancement pour pouvoir expérimenter ces dispositifs de territoire zéro chômeur de longue durée.
Je déplore aussi le fait que, bien que le dispositif soit inscrit dans la déclaration de politique générale, il ne puisse peut-être pas être expérimenté dans le courant de l’actuelle législature. Il faudra en effet attendre les retours de l’appel à projets et les offres communales. Et il s’inscrit de toute façon dans le cadre de contrats de quartier, ce qui est encore un tout autre contexte.
Je suis quelque peu déçue que Bruxelles ne saisisse pas cette occasion de voir si l’initiative fonctionne, car, pour savoir si le modèle est transposable, il faut au moins l’expérimenter. Mais 2 millions d’euros sont en effet insuffisants.
M. Bernard Clerfayt, ministre : Pour le pays entier.
Mme Farida Tahar : Donc j’imagine qu’il s’agit d’environ 500.000 à 700.000 euros par Région. Je ne peux toutefois que vous inciter à poursuivre vos pourparlers avec le niveau fédéral afin d’obtenir des moyens supplémentaires.
Je vous encourage aussi à tenter l’expérience, ne serait-ce que dans une commune qui répondrait à cet appel à projets. Il faudrait ensuite en évaluer la portée, pour savoir s’il serait possible de généraliser l’initiative aux autres communes. Certes, ce serait pour après 2024, mais il faudrait au moins que l’on puisse obtenir les moyens supplémentaires, car la Région doit aussi jouer son rôle.