Le 5 octobre 2022, j’avais l’occasion d’interroger le Ministre Bernard Clerfayt concernant la réforme du secteur des titres services. Car, en effet, dans le cadre de la future réforme du secteurs des titres-services, il importe de faire régulièrement le point sur le sujet.
Dans l’écrasante majorité (98 %) des cas, il s’agit de femmes en situation précaire, qui travaillent dans des conditions de très grande pénibilité et occupent des contrats à temps partiel. Cette réalité s’est encore exacerbée au fil des crises – sanitaire hier, énergétique aujourd’hui – en raison d’une conjonction d’inégalités sociales dont elles sont constamment l’objet.
Les aides ménagères jouent un rôle essentiel dans la société. On ne cesse de le répéter et c’est là toute l’hypocrisie de la situation. Nous savons que nous avons besoin d’elles pour nettoyer nos bureaux, pour garder nos enfants. Elles prennent soin de notre environnement immédiat, souvent au détriment de leur propre santé.
J’ai alors pu lui poser les questions suivantes :
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Dans le cadre de vos compétences régionales, quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour revaloriser le statut des travailleuses du secteur des titres-services et améliorer leurs conditions de travail ?
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Qu’en est-il du futur plan de formation que vous dites vouloir mettre en place pour les aides ménagères ? S’agit-il de formations de base uniquement ou plutôt de formations qualifiantes et continues permettant à ces travailleuses de s’orienter vers d’autres professions ?
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Le principe même des titres-services est d’offrir un emploi de proximité qui, ensuite, permette une réorientation vers d’autres métiers. Qu’en est-il de l’utilisation du fonds de formation par les entreprises de titres-services ? Constatez-vous une sous-utilisation de clui-ci ?
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Allez-vous vous inspirer du modèle wallon, qui prévoit un nombre d’heures minimum par semaine (dix-neuf en l’occurrence) ? A Bruxelles, la moyenne est d’environ 23 heures par semaine. Le nivellement doit bien évidemment se faire par le haut.
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Où en est la réforme en cours ?
Le ministre nous répondait ainsi :
Nous consacrons un budget global de 1 milliard d’euros environ pour l’emploi, dont 250 millions d’euros pour le dossier des titres-services.
Par ailleurs, ce gouvernement a pris l’engagement de maîtriser le coût budgétaire. Je rappelle que les dépenses s’élèvent à 250 millions d’euros. Étant donné que 16 millions de chèques sont achetés chaque année et qu’ils coûtent 25 euros, le coût total atteint environ 400 millions d’euros. La part publique est de 60 à 65 %.
[…] nous ne sommes pas nécessairement compétents pour le contrôle des conditions de travail en général, qui relève de l’exécution du contrat de travail et reste donc du ressort de l’État fédéral. Nous nous trouvons dans une zone où la répartition des compétences est assez complexe et où il est difficile de déterminer qui fait exactement quoi.
Nos compétences sont principalement l’agrément des opérateurs – c’est-à-dire toutes les conditions que l’on peut leur imposer pour qu’ils respectent mieux les droits des travailleurs, qu’ils leur assurent des formations et que la relation entre l’opérateur (l’agence des titres-services) et les aides ménagères s’améliore – ainsi que le financement. Il ne s’agit pas d’imposer à toutes les femmes de travailler au minimum dix-neuf heures. Ce n’est qu’une moyenne. Celle à Bruxelles étant de 23 heures, nous faisons déjà mieux que les Wallons sur ce point-là, ce n’est donc pas un enjeu chez nous. À Bruxelles, le temps de travail est plus élevé, la rémunération est marginalement supérieure et le temps de trajet entre les sites est plus court. Ainsi, sur certains aspects, la situation est meilleure à Bruxelles qu’en Wallonie, pour des raisons structurelles liées à la taille réduite de la Région.
Concernant la réforme, au mois de décembre de l’année dernière, le gouvernement a sollicité l’avis des partenaires sociaux. Ceux-ci ont organisé une quinzaine de réunions et ont remis leur avis à la fin du mois de juin. Nous avons passé les deux mois suivants à examiner les scénarios proposés et à réfléchir à la manière de les faire évoluer. Le gouvernement n’ayant encore rien décidé à ce jour, je ne peux rien vous annoncer. Les pistes sont en cours d’examen, mais le gouvernement ne sait pas encore précisément quelle direction il suivra. Le dossier étant une priorité partagée, l’avis des partenaires sociaux est très important et nous comptons nous en inspirer largement. Nous avons l’intention non seulement d’adapter le prix des titres-services, mais aussi de modifier des éléments dans les conditions d’agrément, notamment ajouter des conditions relatives à la vérification de l’amélioration des conditions de travail ou au suivi de formations. Cette réforme sera donc accompagnée d’un texte d’ordonnance portant sur la modification des conditions d’agrément. Nous verrons ce que le gouvernement décidera, mais nous souhaitons introduire des visites à domicile faites par l’entreprise avant le début du contrat. Elles pourraient être effectuées par une aide ménagère expérimentée, plus âgée, qui pourrait effectuer une première vérification et estimer si le nombre d’heures et le travail correspondent […]
Vous m’interrogez sur les critères de proximité pour la Région bruxelloise : tout est déjà relativement « proche ». En Wallonie, c’est un vrai problème. À Bruxelles, le temps de trajet est beaucoup plus faible. La question de la proximité est toutefois complexe et nous n’avons pas trouvé de mécanismes permettant de la réguler car certains opérateurs risqueraient alors de ne pas proposer de travail à des personnes qui veulent travailler. La difficulté tient au grand nombre d’opérateurs. S’il n’y en avait qu’un qui gérait tous les contrats, on pourrait signer des contrats de proximité, et dire : dans telle rue, c’est telle aide-ménagère qui vient, dans telle autre, c’est celle-ci. Mais le client est libre de choisir son opérateur, et parfois même la personne qui vient exécuter le travail.
Concernant la formation, je rappelle qu’il existe, comme dans tous les secteurs, un fonds de formation sectoriel dont je n’ai de cesse de dire qu’il est sous-utilisé. Aujourd’hui, l’obligation de formation n’est pas réalisée au vu des budgets disponibles. Par ailleurs, la récente réforme fédérale, qui impose cinq heures de formation par an par personne, sera une très bonne chose. Nous pourrons ainsi vérifier si les cinq heures sont bien accordées à chaque personne individuellement, et pas à l’ensemble de la masse du personnel.
Enfin, je compte adapter le dispositif du congé-éducation payé en vue de l’assouplir pour les régimes de temps partiel. Il s’agit en effet du principal mécanisme par lequel des femmes peuvent décider de suivre des formations qui les mèneront dans d’autres directions que le secteur dans lequel elles exercent La formation professionnelle dans ce secteur reste nécessaire pour acquérir les compétences nécessaires à leur emploi, mais le congé éducatif rémunéré devrait permettre à ces femmes de choisir un autre emploi dans un autre secteur. Nous lancerons également quelques appels à projets et initiatives pilotes pour voir dans quelles directions nous pouvons proposer des reconversions – qui nécessiteront généralement des formations. Le gouvernement débat en ce moment des scénarios possibles en vue d’une augmentation du titre-service. Le prix ne sera sans doute pas inférieur à 10 euros. Nous réfléchissons à établir une certaine progressivité. Le prix actuel est de 9 euros jusqu’à 400 titres et de 10 euros ensuite. Certaines catégories peuvent comptabiliser jusqu’à 2.000 titres.
S’agissant des conditions d’agrément, nous étudions la possibilité d’imposer des conditions de formation préalables à l’entrée en service ou d’assurer, à tout le moins, que dans les premiers mois d’entrée en service dans le secteur, une formation de base adéquate sera donnée au travailleur. De nombreuses entreprises le font déjà, mais nous évaluons la possibilité de systématiser cette pratique et de l’imposer à tous les opérateurs. Le Fonds de formation sectoriel des titres-services est loin d’être épuisé.
J’ai récemment assisté à une formation en entreprise pour travailleurs de titres-services. Elle consistait à leur enseigner les bases de l’accès aux outils numériques comme l’ordinateur et le smartphone. Dans la réforme que nous voudrions mettre en place, rappelons que le plus grand danger est le retour du travail au noir.
Retrouvez ma réplique, en vidéo :