La question que j’ai posé porte sur l’ethnostratification du marché de l’emploi et sur l’ampleur des discriminations raciales à l’embauche et au travail dans notre Région.
Les acteurs bruxellois publics, privés et associatifs dressent une série de constats sur l’ampleur des inégalités raciales dans le domaine de l’emploi à Bruxelles, et formulent une série de recommandations. Ces constats ne sont pas neufs et sont interpellants. Les personnes d’origine extraeuropéenne travaillant à Bruxelles font face à de fortes inégalités.Des mesures ont déjà été prises par une série d’acteurs. Il convient de saluer les actions de sensibilisation et d’accompagnement des employeurs menées par Actiris Inclusive, ou encore la création du guichet antidiscrimination d’Actiris et l’accompagnement qu’il propose au public.Les recommandations sont nombreuses, et elles doivent être examinées et intégrées dans notre travail politique. L’une d’elles, formulée par la coalition Napar, suggère que soit rendue obligatoire l’élaboration d’une politique de diversité pour les institutions publiques, mais aussi pour les secteurs réglementés et subventionnés par la Région et les entreprises obtenant des marchés publics régionaux. Ces politiques de diversité devraient idéalement contenir:
-des plans de diversité obligatoires et des objectifs chiffrés intelligents, à court et à long termes;
-des actions positives et sur mesure;
-des rapports intermédiaires annuels;
-des clauses antidiscrimination, notamment pour les procédures de recrutement, l’accès aux services, le traitement des plaintes de clients pour discrimination, etc.
Dans une optique d’exemplarité du secteur public au sens large, ces recommandations apparaissent comme pertinentes et importantes. De plus, elles s’accordent très distinctement avec les engagements de la déclaration de politique régionale, laquelle prévoit que « le gouvernement conditionnera, en fonction de seuils, l’octroi d’une aide publique à l’emploi à l’adoption d’un plan de diversité validé par Actiris et fixant des objectifs quantitatifs clairs et mesurables ».
Monsieur le Ministre,
Travaillez-vous à la mise en œuvre de cet engagement? Quelles sont les obligations actuelles, en matière de politique de diversité, imposées aux entreprises bénéficiaires des aides régionales à l’emploi? Qu’en est-il des entreprises remportant les marchés publics régionaux? Si elle n’est pas une obligation, la présence d’un plan de diversité est-elle prise en considération dans l’évaluation des candidatures? Ces entreprises bénéficient-elles d’une sensibilisation ou d’un accompagnement particuliers en la matière?Le secteur des titres-services bénéficiant également d’un soutien financier régional important, les entreprises bruxelloises de titres-services disposent-elles chacune, à ce jour, d’un plan de diversité? Bénéficient-elles d’un accompagnement spécifique d’Actiris Inclusive pour les aider à élaborer, mettre en œuvre et suivre un tel plan? Ont-elles le label diversité?
Voici la réponse ;
M. Bernard Clerfayt, ministre.
-La discrimination sur le marché de l’emploi est une triste réalité, et je connais votre intérêt pour la question. Nous devons sans cesse réévaluer l’efficacité de nos politiques dans ce domaine et envisager les moyens de les améliorer afin que chacun ait les mêmes droits d’avoir accès à un emploi. Notre dispositif législatif est clair en la matière: il condamne toute forme de discrimination à l’emploi. Le cadre dans lequel vous m’interrogez est celui de l’emploi en Région bruxelloise. Il concerne principalement le travail réalisé par Actiris, qui reçoit beaucoup de moyens pour accompagner les chercheurs d’emploi. Je ne suis pas compétent pour ce qui relève de la gestion des entreprises. Le soutien à l’activité économique relève de la secrétaire d’État Mme Trachte et les relations internes dans les entreprises -promotions, etc.-restent soumises au droit du travail fédéral. Ma compétence consiste à soutenir les chercheurs d’emploi. [165] Je ne suis pas en train de travailler à conditionner l’octroi d’une aide publique à l’adoption d’un plan de diversité, et ce pour deux raisons. Tout d’abord, la crise sanitaire a bousculé le programme de travail et retardé certains chantiers prévus dans la déclaration de politique régionale. Nous consacrons pour l’instant toute notre énergie à la mise en œuvre du plan de relance bruxellois et du plan européen « facilité pour la reprise et la résilience », pour lequel des décisions ont enfin été prises.Ensuite, le bénéfice des mesures d’aide à l’emploi est déterminé non par le statut de l’entreprise, mais par celui du chercheur d’emploi. Cela nécessite une grande protection sur les plans technique et juridique pour éviter qu’elles n’aient un effet inverse, car si l’aide devait être retirée à l’entreprise, ce serait le demandeur d’emploi qui en pâtirait. Il faut donc bien réfléchir à la manière de construire cetinstrument.De manière générale, les aides aux entreprises sont déjà soumises à des conditions en la matière. L’ordonnance relative aux aides pour le développement économique mentionne que « chaque entreprise bénéficiaire de plus de 100 travailleurs doit disposer d’un plan de diversité approuvé, ou d’un label de diversité, ou d’une attestation d’Actiris prouvant qu’un plan de diversité est en cours d’élaboration ».Une entreprise comptant jusqu’à 250 travailleurs peut recevoir une subvention supplémentaire si elle a signé un engagement à développer un plan de diversité dans un délai d’un an. Si elle dispose d’un tel plan ou d’un label de diversité, elle peut recevoir une subvention supplémentaire de 5% lors de la soumission d’un dossier d’investissement dansle cadre du développement économique -c’est une compétence de la secrétaire d’État Mme Trachte
-ou une prime, si elle fait appel à un consultant. Ce mécanisme est destiné à encourager les entreprises à développer des stratégies de diversité.
Dans les marchés publics régionaux, la présence ou non d’un plan de diversité n’est pas un critère pris en compte dans le cadre de la sélection des entreprises. Nous venons de généraliser les clauses sociales, à savoir inviter les entreprises, dans le cadre des marchés publics, à recruter du personnel via Actiris. C’est donc une manière de « bruxelliser » l’emploi et de pousser vers l’emploi des personnes accompagnées par Actiris. Cependant, il n’y a pas encore de réflexion quant à la diversité. Je vais donc étudier, avec toutes les administrations qui lancent des marchés publics, la possibilité d’imposer des critères de lutte active contre les discriminations et de diversité dans les politiques d’emploi des entreprises. L’une des conditions d’agrément en tant qu’entreprise de titres-services suppose la signature d’une charte de la diversité. Tous les cinq ans, toute entreprise de ce type -elles sont environ 180 dans notre Région-doit transmettre à Bruxelles Économie et emploi un exemplaire signé de la charte bruxelloise de la diversité dans le secteur des titres-services. Le fait de disposer d’une charte valable constitue l’une des conditions d’agrément, ainsi qu’une condition de l’obtention de l’indexation complémentaire de la valeur de remboursement des titres-services qui est de 0,13 euro par titre-service émis. Il s’agit donc d’un incitant financier concret pour que les entreprises mènent une politique de diversité.Pour l’instant, on ne dénombre que dix-sept entreprises agréées de titres-services disposant d’un plan de diversité. Comme les autres entreprises bruxelloises qui en disposent, elles reçoivent un accompagnement spécifique du service diversité d’Actiris Inclusive pour les aider à élaborer ces plans, à les mettre en œuvre et à en faire le suivi. Tout comme les autres entreprises, elles reçoivent un label de diversité après une évaluation positive de l’exécution de leur plan de diversité.Enfin, s’agissant des obligations auxquelles sont soumis les pouvoirs publics bruxellois en matière de diversité dans leur politique de gestion des ressources humaines, je rappelle que les communes sont déjà légalement tenues d’avoir un plan de diversité. Pour tous les autres pouvoirs publics -ministères, organismes d’intérêt public (OIP), etc.-cela relève de leur propre politique de gestion des ressources humaines et non de ma compétence liée à l’emploi. Il conviendrait donc d’interroger chacun des ministres pour vérifier si, dans les politiques d’embauche menées au sein de leur ministère, OIP, etc., une politique très volontariste de lutte contre les discriminations est menée.
Compte-rendu complet et suite de l’échange disponible ici :