Lors de la commission du 26 octobre passé, j’ai pu interroger le ministre bruxellois, monsieur Clerfayt concernant l’avancement de la réforme des titres-services en Région bruxelloise et son incidence directe sur les travailleuses – 90 % sont effectivement des femmes – en titres-services.

En effet, je souhaitais davantage d’informations sur le volet qualitatif. Le dispositif des titres-services a été conçu pour garantir un travail de proximité et de qualité, et pour lutter contre le travail au noir. Or, nous en sommes encore loin, puisque la pénibilité reste d’actualité pour les travailleuses domestiques dans notre Région. Elle est même en augmentation.

Nous savons par ailleurs que 80 % de ces emplois sont exercés à temps partiel. Le secteur et les syndicats voudraient fixer une durée de travail hebdomadaire minimale.

Si aujourd’hui, je questionnais monsieur le ministre c’est parce que certaines travailleuses domestiques m’ont directement fait part de leur inquiétudes, surtout suite à la sortie de monsieur Clerfayt dans la presse. Il me semblait nécessaire de répondre à ces inquiétudes et non pas d’attendre que le texte soit examiné en commission, ce qui ne devrait pas être le cas avant plusieurs semaines.

Mon questionnement s’inscrit dans le cadre de la déclaration de politique générale. La Région bruxelloise s’est engagée à maintenir ce dispositif, à l’optimiser et à le pérenniser dans un souci de maîtrise budgétaire et d’amélioration des conditions de travail des aides ménagères.

  • Le public cible a besoin de formations de base, de formations qualifiantes et de formations continues qui, à moyen ou long terme, lui permettraient d’envisager d’autres fonctions. La réforme doit tenir compte de cet aspect pour éviter de maintenir un public déjà fragilisé dans un secteur pénible sur une carrière complète. Pouvez-vous dès lors nous donner plus d’informations sur le volet formation et le nombre d’heures prévu par an ?

  • Où en est l’avancement de la réforme ? Qu’en est-il de son volet qualitatif visant à améliorer les conditions de travail des aides ménagères ?

  • Quels mécanismes budgétaires allez-vous activer pour maîtriser les coûts ?

  • S‘agissant de la responsabilité et de l’effort collectif que doivent consentir les entreprises réalisant des marges bénéficiaires importantes, quelles seront les conditions d’agrément de celles-ci ?

  • À l’instar de la Wallonie, imposerez-vous des obligations quant à la durée moyenne de travail des aides ménagères, par exemple un minimum de dix-neuf heures par semaine ? Dans l’affirmative, pouvez-vous développer ce point ?

Réponse du ministre :

À présent que l’arrêté a été adopté par le gouvernement, les nouveaux tarifs seront d’application dès le 1er janvier 2023. La volonté est en effet d’augmenter le prix pour réduire l’incidence sur le budget de la Région, mais de manière modérée pour ne pas nuire aux familles consommatrices des classes moyennes et maintenir le volume d’emploi implicite.

Le montant de l’économie induite par tous ces mécanismes est estimé à environ 18 millions d’euros pour le budget régional. Certes, cela représente une économie relativement faible, sachant que le montant global est de 400 millions d’euros, pour lequel la Région dépense 250 millions et les ménages paient les 150 millions restants.

Nous voulons encadrer les frais supplémentaires, mieux protéger les femmes qui travaillent dans ce secteur, améliorer les relations de travail et la formation professionnelle pouvant éventuellement mener à d’autres professions, et soulager la pénibilité des prestations pour les femmes qui sont en fin de carrière.

En matière de protection, j’ai entendu une série de remarques et de demandes des syndicats et partenaires sociaux. Il faut mieux protéger les femmes contre certains comportements abusifs. Pour ce faire, l’ordonnance intègre un mécanisme permettant d’exclure du bénéfice de l’achat subventionné de titres-services les clients réputés comme harcelant les travailleuses, de quelque manière que ce soit. Nous pourrons ainsi sanctionner, voire exclure, les usagers qui harcèlent leur aide ménagère.

En matière d’encadrement, nous allons rendre obligatoire la signature d’une convention – cette pratique existe dans beaucoup d’entreprises – entre l’entreprise, l’usager et l’aide ménagère. L’objectif est de rappeler à l’usager ce qui est légitime contractuellement et ce qui ne l’est pas. Il s’agit d’une bonne pratique en vigueur dans le secteur et qui sera obligatoire pour tous les opérateurs.

Il y aura également obligation d’une visite domiciliaire préalable avant toute nouvelle prestation d’une aide ménagère. L’entreprise devra vérifier que le nombre d’heures prestées est exact, que les conditions de travail et le matériel utilisé sont bons, que la pression mise sur les travailleurs n’est pas excessive. Progressivement, nous régulariserons tous les anciens contrats.

Chaque entreprise devra fournir aux aides ménagères un numéro d’appel fonctionnel sur toute la durée du temps de travail. Donc, si une employée rencontre une difficulté quelconque dans le cadre professionnel, elle doit pouvoir appeler l’entreprise à tout moment. La plupart des bonnes entreprises assurent déjà un tel service, mais pas toutes. Nous comptons donc le rendre obligatoire.

La Région wallonne impose des contrats de dix-neuf heures en moyenne. Pour faire un peu mieux, nous avons fixé la moyenne à vingt heures. Il ne s’agira pas d’imposer un contrat minimum pour chaque aide ménagère, certaines ne souhaitant prester qu’un mi-temps, voire un tiers temps, mais l’entreprise devra s’efforcer d’offrir des contrats plus longs. En Région bruxelloise, la moyenne est, déjà, assez élevée parce que les conditions de travail le permettent.

L’entreprise devra organiser, au moins une fois par an, un entretien individuel avec chaque aide ménagère pour discuter de son contrat de travail. Des entretiens collectifs devront également être organisés, au moins deux fois par an, en vue de discuter des bons procédés et bonnes pratiques, mais aussi d’assurer un soutien mutuel entre employées qui ne se rencontrent jamais, puisqu’elles prestent à des endroits différents. En effet, nous ne parlons pas ici d’un lieu de travail classique qui permet aux employés de se voir, de se parler, d’échanger.

L’État fédéral impose déjà des heures de formation obligatoires pour tous les travailleurs. La nouvelle norme impose cinq jours de formation par an et par prestataire. Cette mesure relève des conventions collectives de travail et constitue donc, pour les employeurs, une obligation stricte en matière de formation des aides ménagères.

Le gouvernement bruxellois, quant à lui, imposera une formation de base obligatoire pour tout nouveau travailleur dans le secteur, et cela, pour lui rappeler les règles essentielles qui lui éviteront de commettre des gestes qui mettent en péril sa santé ou sa sécurité. En outre, il rend obligatoire une formation supplémentaire annuelle de dix heures pour chaque contrat, quelle que soit sa durée. Il s’agira de formations continues sur les nouvelles pratiques et modalités, les nouveaux produits, etc.

La question des femmes qui souhaitent quitter le secteur est plus complexe. Comme le volume de travail reste constant, si 1.000 femmes devaient quitter le secteur chaque année, 1.000 autres y entreraient.

Certes, les employeurs ont l’obligation de former leurs travailleurs, mais ils n’ont pas à les former pour un autre métier. Ils cotisent au Fonds de formation sectoriel des titres-services qui organise des formations liées à ce métier.

Et ce secteur est déjà assez créatif, puisqu’il dispense notamment des formations dans le numérique, alors que ce n’est pas a priori nécessaire pour le métier. De nombreux employeurs estiment toutefois que les compétences numériques de leurs aides ménagères sont importantes pour gérer leur smartphone, les rendez-vous, l’adresse où se rendre ou l’envoi d’une plainte.

Nous avons inscrit un montant de 5 millions d’euros pour ce volet qualitatif. Les modalités seront négociées avec les partenaires sociaux à l’approche du vote du texte. L’application des conditions devra être contrôlée. Nous prévoyons des sanctions administratives plus complètes et plus « souples » pour les entreprises. Actuellement, en effet, la sanction est le retrait d’agrément et cela prive une série d’aides ménagères de leur travail.

Retrouvez notre échange ci-dessous : https://youtu.be/F9x8aOVxE8M