Voici ma question adressée à M. Clerfayt :
« La lutte contre les discriminations sur le marché de l’emploi est un sujet dont nous discutons à intervalles réguliers en commission. La semaine passée encore, nous avons mené de longs échanges à ce propos et autour de l’ordonnance relative aux tests de discrimination, dite ordonnance testing.
En 2020, 300 signalements ont été recueillis à Bruxelles par Unia, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes et le service antidiscrimination d’Actiris. Nous attendons les
chiffres pour 2022, sans grand espoir d’y voir une quelconque amélioration. En effet, si la Région bruxelloise s’est dotée de plusieurs outils de lutte contre les discriminations sur le marché
du travail, force est de constater qu’ils semblent peu efficaces. Je souhaite focaliser mon intervention sur l’ordonnance testing, dont la modification semble bien nécessaire. Le groupe Ecolo plaide pour sa refonte depuis longtemps. Plusieurs pistes d’amélioration du texte ont déjà été explorées, réfléchies et argumentées, notamment par Unia et le Minderhedenforum, organisation de référence, en Flandre, en matière de lutte contre les discriminations. Il s’agit d’étendre le recours aux tests de situation en développant, par exemple, l’exploration de données et de rendre ces tests plus proactifs et plus effectifs. L’objectif est de permettre à la direction de l’inspection régionale de l’emploi de procéder à des tests sectoriels ciblés visant les secteurs d’activité les plus sujets à des faits de discrimination.
Lors de la déclaration de politique régionale, le ministre-président a rappelé toute l’importance de pouvoir avancer sur cette question et d’honorer l’engagement du gouvernement. À la suite de ces déclarations, je vous ai interrogé en décembre dernier sur l’avancement de l’évaluation juridique de l’ordonnance. Vous aviez répondu que cette évaluation était attendue pour le mois de janvier. Réalisée par les chercheurs M. Neven et Mme Gérard, celle-ci est disponible depuis peu. La semaine dernière, vous disiez qu’il fallait d’abord attendre de la transmettre aux partenaires sociaux avant de la rendre publique et de la donner à l’ensemble des députés. Sans entrer dans une discussion houleuse sur les raisons pour lesquelles nous ne l’avons pas encore reçue, j’aimerais vous interroger sur le contenu de cette évaluation, car notre objectif commun est d’améliorer nos dispositifs et de diminuer le plus possible les discriminations sur le marché de l’emploi.
M. le ministre, avez-vous pris connaissance de cette évaluation juridique relative aux tests de discriminations à l’embauche ?
Dans l’affirmative, quelle lecture en faites-vous ? Quelles sont les principales pistes d’amélioration du dispositif formulées par les chercheurs qui ont retenu votre attention ? Quel
est votre point de vue sur chacune d’elles ? Comment l’évaluation juridique va-t-elle alimenter la suite de votre travail ?
Le contenu de l’évaluation a-t-il déjà été discuté avec les partenaires sociaux ? Dans l’affirmative, qu’en ressort-il ?
Quelles sont pour vous les prochaines étapes à la modification de l’ordonnance testing ? Un calendrier a-t-il été fixé ? Si oui, pouvez-vous nous en préciser le contenu?
Voici sa réponse :
Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder ce sujet la semaine passée en séance plénière, en marge de la discussion sur l’amélioration d’une autre ordonnance dont le titre mentionne également le terme « discrimination », mais qui n’est pas celle relative aux tests à l’embauche. La discussion a abouti à l’adoption du texte.
Nous avons en effet inscrit, dans notre accord de majorité, notre volonté d’améliorer l’efficacité des mécanismes dont nous disposons pour lutter contre la discrimination à l’embauche. Ce phénomène est très présent en Région bruxelloise et il diminue très significativement les chances, pour de nombreuses personnes, de trouver un emploi. Il s’agit donc d’une inégalité dans l’accès à l’emploi. Notre but est de rendre le test de discrimination aussi efficace que possible. Pour rappel, ce test n’est pas un élément de preuve en soi, mais bien l’indicateur d’une forme de discrimination qui peut amener à un « interrogatoire » de l’entreprise concernée. Dans l’accord de majorité, nous envisagions la possibilité d’avoir des tests plus proactifs. En effet, force est de constater qu’il y a globalement peu de signalements (quelques centaines), bien loin de ce que nous pensons être la réalité de la discrimination sur le marché de l’emploi. Dans ce cadre, nous travaillons en collaboration avec Unia et l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, qui traitent les dossiers pour nous avant qu’ils ne soient pris en charge par l’inspection régionale de l’emploi. Ces analyses concluent à un nombre très faible de tests de discrimination, alors que cet instrument devrait concourir à la manifestation d’un phénomène de discrimination.
Cela pose donc des questions de nature juridique. Aussi avons-nous demandé une évaluation juridique, afin d’améliorer l’instrument. Vous avez cité les noms de ceux qui ont obtenu ce marché. Ils ont remis leur rapport à l’automne dernier. Celui- ci m’a été transmis juste après les travaux budgétaires du mois de novembre. Nous sommes en train de nous approprier ses recommandations et l’administration les examine. Ce rapport décrit le contexte dans lequel on exploite les tests de discrimination et analyse les difficultés qui peuvent être rencontrées aujourd’hui pour leur mise en œuvre. Il recommande de modifier ou d’adapter quelques articles de l’ordonnance afin de tenter d’améliorer l’effectivité des tests de discrimination en Région bruxelloise. Certaines des recommandations formulées donneront notamment davantage de protection aux inspecteurs qui effectuent les tests : il s’agit de bien les prémunir contre l’interdiction pour un fonctionnaire public de commettre des faux. Il faut également faciliter les procédures pour que les victimes puissent porter plainte plus aisément et essayer d’encadrer juridiquement une plus grande proactivité dans les tests. Actuellement, ce rapport est un document de travail interne à mon cabinet, qui doit d’abord être transmis aux partenaires sociaux, puisque le gouvernement s’est engagé en priorité à discuter et négocier les avancées politiques avec ces derniers, en tout cas dans une liste déterminée. Je présenterai ensuite le rapport au gouvernement puis, en tant que membre du gouvernement, je pourrai en rendre compte devant le parlement. Cette évaluation juridique alimentera la suite de notre travail : après l’avoir lue intégralement, je compte suivre la majorité des recommandations formulées par les chercheurs. Nous travaillons donc déjà à une modification de l’ordonnance. Celle-ci sera intégrée à la nouvelle version de notre plan régional de lutte contre les discriminations à l’embauche, à laquelle mon cabinet travaille actuellement et qui sera rapidement présentée aux partenaires sociaux. Nous préparons la note qui va leur être envoyée. Mme Trachte et moi-même leur avons déjà demandé beaucoup de travail dans de nombreuses autres matières. Dès lors, nous n’allons pas les surcharger.
Le calendrier sera fonction de l’avancement des travaux. En 2022, comme prévu nous comptons faire évoluer le plan régional de lutte contre la discrimination à l’embauche, qui comportera de nombreuses mesures, dont celles qui porteront modification de l’ordonnance du 30 avril. Je serai heureux de vous les présenter et vous serez probablement satisfaits de les voter ou de les amender, de manière à accroître l’efficacité de ce mécanisme d’identification des discriminations.
Retrouvez l’intégralité des échanges ci-dessous :
http://weblex.irisnet.be/data/crb/biq/2021-22/00066/images.pdf#page=15